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Les épreuves de philosophie du baccalauréat sont les premières manifestations publiques et qui intéressent les médias de ce « monument historique » qui reste le « premier grade universitaire » permettant l’accès aux Universités.
Institué par Napoléon 1er en 1808 il prend toutefois sa source dans l’Europe médiévale, c’est dire !

A l’approche des épreuves tant redoutées de cet examen, nombre de commentateurs abordent le sujet pour généralement s’étonner de la survivance de cet « organisme vivant qui se nourrit de lui-même » et fait trembler nombre d’élèves, de parents, d’enseignants, d’administrateurs et bien sûr de politiques.

Car s’il s’agit bien d’épreuves, c’est à dire d’examens, de tests qui permettent de juger de la valeur des candidats ; le mot lui-même porte un autre sens, celui qui évoque la souffrance et la douleur.

Faut-il donc souffrir pour être évalué ?

Et surtout, le baccalauréat constitue-t-il un bon outil d’évaluation ?

Aujourd’hui, en moyenne huit élèves sur 10 obtiennent cet examen et les évaluations des professeurs tout au long de l’année scolaire de terminale sont généralement corroborées par ces résultats : les collés sont très rares parmi les élèves dont les enseignants pronostiquent une réussite .
Pour être reçu au baccalauréat il faut obtenir une moyenne de 10 à l’ensemble des épreuves ( et 8 pour an accès au second groupe d’épreuves ) ; c’est donc bien par compensation automatique des notes que s’obtient cet examen où l’on peut être reçu avec de graves insuffisances, compensées par de bons résultats par ailleurs, y compris dans les disciplines qui définissent la série du baccalauréat..

Il s’agit donc moins d’évaluer véritablement la maîtrise d’un ensemble de savoirs et de compétences que de valider au vu d’une série d’épreuves qui se déroulent en fin d’année une certification « basée sur une moyenne arithmétique de notes ».
Et la note chiffrée porte bien là un de ses inconvénients : on en fait des moyennes....

Certes il n’existe pas un seul baccalauréat et si les bacs technologiques comme les bacs professionnels ont évolué pour mieux prendre en compte des modalités d’évaluation plus conformes aux réalités des entreprises, donc de la société réelle, ce n’est pas le cas du bac général
Son utilité quant à l’accès à l’Université se justifie mal quand l’on sait que l’affectation post baccalauréat a déjà, depuis le 13 juin, rendu son verdict et que les admissions vers les établissements les plus sélectifs comme les CPGE se fondent uniquement sur les résultats scolaires ( bulletins trimestriels et avis des équipes enseignantes ) !

Le problème de fond qui est posé par les commentateurs, c’est donc bien celui de l’utilité d’un tel examen, ou plutôt de son efficience donc de son coût.

Pour Michel FIZE, Sociologue au CNRS et spécialiste des questions de l’adolescence, de la jeunesse et de la famille, le doute n’est plus permis ; dans son livre Le bac inutile (éditions l’Œuvre ) il est même catégorique :  « Le bac est un monu­ment his­to­rique. Il est le sym­bole d’un passé sco­laire jugé glo­rieux. Il illustre la faillite du Diplôme avec une majus­cule ... »

Mais c’est son coût qui interpelle aujourd’hui.

Si les Inspections Générales des Finances et de l’Education Nationale dans leur rapport, estiment son coût à quelque « 90 à 100 mil­lions d’euros », les économies réalisées par sa suppression seraient « suf­fi­santes pour recru­ter 5000 ensei­gnants, 8000 infir­mières et finan­cer 250 000 bourses. »
Plus récemment le SNPDEN, syndicat des personnels de Direction, a présenté dans un communiqué de presse « l’addition du baccalauréat général et technologique 2013 à 1,5 milliard d’euros ! Dont 74 millions d’euros pour l’organisation des épreuves elles mêmes ( ce qui correspond aux différentes estimations d’experts). Mais doivent selon cette organisation professionnelle s’y ajouter « le coût de la suppression de près d’un demi million de cours nécessaire à l’organisation d’un examen qui s’est considérablement complexifié avec le temps ».
L’organisation des nouvelles épreuves de langue vivante aurait ainsi coûté cette année quelques 6,5 millions d’euros.

Le mois de juin mais aussi de nombreuses journées en mai voire plus tôt encore sont, c’est vrai, perdues pour les élèves de terminale mais également pour les autres niveaux où enseignent les examinateurs.
Toutes ces observations ont le mérite de poser le problème de l’utilité du baccalauréat. Et le peu d’empressement que les responsables de tout bord mettent, depuis de nombreuses années, à vouloir le réformer, se mesure aux multiples modifications qui se superposent et tentent de lui donner une forme plus acceptable sans toucher aux principes fondateurs, mais en font une véritable « usine à gaz ».

Il s’agit alors de s’interroger sur la justification de ces principes au regard de la révolution numérique que vit la société et ses jeunes et qui s’annonce dans l’Education . Mais également sur les risques que le statut quo constitue un frein au développement du numérique au lycée.
Car le numérique a bien trop timidement pénétré la classe de lycée.

« Le bac est une immense opération de mémoire. Les élèves empilent tout ce qu’ils ont appris durant l’année, le recrachent pour l’oublier aussitôt. En fait, on évalue la capacité de mémoire » affirme Michel FIZE qui ajoute : « Le bac, c’est le symbole de notre système scolaire ultra compétitif et broyeur ».

L’information exponentielle de l’Internet rend moins important l’évaluation de la « quantité de savoirs maîtrisés » que celle de la maîtrise des techniques d’accès aux savoirs et du sens critique qui les accompagne.
Le baccalauréat peut -il survivre sous cette forme dans un monde numérique qui abolit le temps et l’espace, donne aux apprentissages hors de l’école une place de plus en plus grande dans l’acquisition des savoirs , permet aux jeunes de développer des compétences encore ignorées par l’école, a besoin au contraire que s’acquièrent et s’évaluent donc des compétences porteuses d’emploi mais également d’autonomie et d’esprit critique donc de liberté ?

Il ne s’agit donc plus de tergiverser mais d’être clair sur les objectifs du lycée en adaptant le mode d’évaluation avec ses objectifs . Le baccalauréat , comme les dinosaures, doit disparaître sous sa forme actuelle.

Alors, contrôle continu pour une évaluation formative, pédagogie et évaluation de projet, évaluation par compétences, examen simplifié en fin de cursus, toutes les solutions sont possibles.

Mais il ne faudra pas oublier de donner toute leur place et d’évaluer au lycée ces nouvelles compétences que portent les sciences du numérique et l’éducation aux médias.Le rapport au savoir a changé, l’institution scolaire doit "inverser sa matrice" et redonner le plaisir d’apprendre donc celui de s’évaluer.
C’est un peu ce que j’ai souhaité dire lors de la table ronde consacrée à l’Education au Forum National des Pratiques Numériques du Printemps Numérique de Compiègne.

Claude TRAN

Dernière modification le mercredi, 12 novembre 2014
Tran Claude

Agenais de naissance Claude TRAN a été professeur de Sciences Physiques en Lycée, chargé de cours en Ecole d’Ingénieur, Inspecteur pédagogique au Maroc, chef d’établissement en Algérie comme proviseur du lycée français d’Oran ; en Aquitaine il dirigera les lycées Maine de Biran de Bergerac, Charles Despiau de Mont de Marsan et Victor Louis de Talence. Il a été tour à tour auteur de manuels scolaires, cofondateur de l’Université Sénonaise pour Tous, président de Greta, membre du conseil d’administration de l’AROEVEN, responsable syndical au SNPDEN, formateur IUFM et MAFPEN, expert lycée numérique au Conseil Régional d’Aquitaine, puis administrateurà l'An@é, actuellement administrateur Inversons la classe, journaliste à ToutEduc, chroniqueur à Ludomag.