fil-educavox-color1

Qui suis-je ? Je suis un sujet jokari. Je reviens souvent sur le tapis, mais je termine souvent dessous. 

Nombreux sont celle.ux qui ont tenté de faire de moi une priorité, d’expliquer en quoi je suis fondamentale pour les enseignants, les élèves, les parents, les collectivités, combien je suis LA solution… Combien mon existence faciliterait la vie de tout le monde même des politiques… Oui ! vous l’avez ! Je suis… je suis…le deezer.netflix.spotify de l’éducation.

Mon nom de code change en fonction de l’interlocuteur.rice, son degré d’appartenance affiché à la Nation et sa fonction dans la Cité. 

Oui, c’est moi-même. La Plateforme avec un P majuscule. La solution à tous nos Problèmes. 

Trêve d’ironie… Cette question au combien épineuse, est un sujet important en bien des points. Seulement voilà. De mon humble expérience, déjà 10 ans de discussions, et d’actions, aussi. 10 ans de projets divers et variés venant du privé, du public, parfois d’une alliance privé-public, d’ambitions, de réalisations, et d’échecs. 

Qui, que, quoi, dont, où, comment ?

Le sujet de la plateforme regroupant tous les produits éducatifs pédagogiques aussi appelés ressources numériques éducatives, existe depuis la nuit des temps.

C’est la raison pour laquelle si vous allez par vous-même fouiller dans les méandres du web, vous trouverez bon nombre de projets avortés ou aboutis, fruits d’ambitions privées, puis publiques-privés, puis publiques. Pourquoi est-ce qu’aucune n’a jamais vraiment émergé, malgré toutes les bonnes intentions placées à chaque début de projet ?

Juste avant de plonger dans le cœur de notre sujet, regardons autour de nous, ce qui existe déjà en termes de plateformes. Bien sûr, nous sommes capables de partir de zéro et abandonner tous nos biais cognitifs. Mais quand même, en général, on regarde ce qui se fait déjà, car moins on en fait, plus on gagne du temps, plus on gagne en vélocité et autant se servir des erreurs des autres pour ne pas les commettre. 

Côté « culture », loisirs, l’offre des plateformes est florissante. 

Musique, cinéma, séries, sport, développement personnel, professionnel… nombre d’offres pas si diverses et variées, mais simplifiant l’accès à tous ces services, moyennant un abonnement à l’année, ou au mois, le tout garantissant un accès illimité aux éléments proposés, la plupart du temps.

Dans une logique de flux. C’est parfait, tout est au plus beau dans le meilleur des mondes. Ecouter telle musique ? Suffit de cliquer. Se détendre en regardant une série ? Un clic, hop, le bonheur. Pratiquer son sport favori ? Rien de plus simple, le corps raffermi est à 3 clics, seulement, d’ici. Améliorer ses compétences en langues, bureautique… ? Il suffit presque d’y penser, et magiquement, on pourrait réussir à les développer, ces compétences rêvées.

D’ailleurs, en parlant de nombre de clics pour accéder à l’Eden, je vous invite à lire Les Possédés - Comment La Nouvelle Oligarchie De La Tech a pris Le Contrôle De Nos Vies, écrit par Lauren Boudart et Dan Geiselhart, et aussi, de vous inscrire à l’excellente newsletter TechTrash édités par les mêmes auteurs chaque mercredi. Vous pourrez alors mesurer à quel point la réduction de la friction est centrale pour toutes ces offres de services. Réduire la friction c’est permettre aux plus feignants d’entre nous de cliquer le moins possible pour exercer son pouvoir d’achat. Non, pas du tout, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ni assouvir son pouvoir de consommation, ni ses pulsions.

Bref, on s’égare. 

Regardons d’un peu plus près ces exemples « probants » de plateformes visant à regrouper un maximum d’offres (pour conquérir un maximum de souscripteurs).

Ah oui. Au fait. Pour que vous soyez séduit.e par une plateforme, il faut beaucoup de contenus.

Le graal est de plaire à différents types de clients, répondre à pléthore de besoins, de profils. En effet, vous n’iriez pas vous engager à payer X euros par mois pour n’accéder qu’à très peu d’artistes pour la musique, de séries, de films ou d’activités sportives ou de cours en ligne pour les exemples que nous observons. Donc le premier travail de la plateforme, c’est de convaincre les artistes, sportifs etc de figurer dans la plateforme. Les artisans sont rares mais leur présence rassure, leur valeur-ajoutée est très précieuse pour la crédibilité de la plateforme.

Il faut aussi convaincre les maisons de production ou autres franchises de sport par exemple etc (tant qu’on a besoin d’eux pour faire tourner la boutique/plateforme). Les arguments employés sont en général assez doux : vous serez rémunérés comme des rois / reines, et si vous n’y êtes pas, vous mourrez dans d’atroces souffrances car nous allons devenir la plateforme de référence, nous-même futurs maîtres du monde (en général c’est le moment où les courbes, tableau Excel et autres successions de chiffres prouvent à quel point les arguments sont solides et à quel point l’avenir de l’humanité est en train de se jouer). 

Telles promesses font rêver,

Diable, où faut-il signer ?

Côté loisirs, je me suis penchée sur les offres proposant du sport sur abonnement. Généralement, on a accès à quelques activités originales mais surtout du très classique : salles de sport, yoga à gogo et boxe, par exemple. 

Pour le client : c’est parfait, on peut essayer, ne jamais revenir, aller et venir en fonction de nos déplacements, combiner plusieurs activités dans la journée, dans plusieurs lieux différents.

Le bonheur, tout simplement. 

La réalité dans une vie classiquement remplie par un travail à plein temps et une vie de famille :

C’est plutôt : au mieux deux activités par semaine, près du lieu de travail ou du lieu de vie, mais il est très compliqué de dévier de sa trajectoire initiale du fameux école-métro-boulot-devoirs-dodo (vous l’aurez compris, j’ai testé le truc). J’ai beau travailler dans le centre de Paris : la réalité de l’utilisation du service et de l’offre est beaucoup plus simple qu’elle n’y paraissait au moment de s’abonner : la diversité des activités se réduit à yoga et salles de sport.

On passera sur les questions que j’ai tenté de poser à ladite plateforme sur la diversité de son offre, ou, quand elle a doublé son prix d’abonnement du jour au lendemain (ce qui rendait la position du guerrier, les « burpees » ou l’uppercut plutôt très chers tout à coup), et les non-réponses obtenues. 

C’est ainsi. 

Les bots sont faits pour donner des informations, pas pour répondre aux questions. 

Nous passerons également sur la demande que j’ai faite de ne plus figurer dans la base de données utilisateurs, mais toutes les informations promotionnelles que je continue à recevoir encore aujourd’hui régulièrement. 

J’ai demandé aux interlocuteurs rencontrés, ceux qui donnent à la plateforme sa consistance, les « sportifs » comment ils étaient rémunérés.

En fonction des plateformes, ils sont rémunérés différemment. Soit le prix est fixe : chaque réservation rémunère de tant : X clients de la plateforme passés par le service ce mois-ci = X euros. (Le prix est très bas).

Deuxième cas de figure : leur rémunération est suspendue au jeu d’une formule mathématique sortie d’un grimoire : les artisans du sport ne peuvent jamais savoir combien, chaque mois, ils vont être rémunérés de leur travail via la plateforme.

En effet, leur rémunération dépend de quand la séance a été réservée : plus c’est tôt, mieux c’est pour eux (dans un monde où tout se confirme la veille pour le lendemain…) et il y a une autre variable, en fonction de l’offre et de la demande. Impossible donc de calculer car certains paramètres sont mouvants, et en plus, impossible de vérifier l’honnêteté de la plateforme, car dans une même séance, un client pour rapporter X, un autre Y. Ah ça, on ne peut pas dire le contraire, ça s’appelle le sens du commerce. Enfin pour la plateforme. Pas pour celui qui propose le service. 

J’ai aussi demandé à ces artisans pourquoi ils continuaient à figurer sur ces plateformes, du coup.

La réponse est aussi simple que bonjour : parce qu’ils ont de moins en moins le choix, pour continuer à exister. Figurer sur ces plateformes est une forme de communication de leur existence, et plus les activités sportives concernent des artisans, plus ils sont dans ce cas de figure de ne plus avoir le choix. Comme il y a des chaînes de sport affiliés sur ces plateformes, nous pouvons imaginer qu’elles n’y sont pas par hasard non plus. Est-ce que ces plateformes sont en train de dicter leur loi sur le marché du sport ? Est-ce que demain il sera possible de proposer des activités sportives sans passer par ces plateformes, que l’on soit artisan ou chaîne de salles de sport ? 

Cela crée une relation très saine dans laquelle les deux parties en présence ont des pouvoirs tout à fait égaux l’un vis-à-vis de l’autre… L’entièreté du travail d’Antonio Casilli est à lire, à suivre pour comprendre les détails de ce jeu de pouvoirs très pernicieux pour la liberté d’exercer son activité en « indépendance ». 

L’objectif de la plateforme n’est pas de nous faire connaitre des services et d’y souscrire directement.

Son objectif est de nous garder captifs de sa logique. Pour cela, la plateforme déploie nombre de stratagèmes, dont maintenant, le recours aux découvertes scientifiques en neurosciences, grâce aux conseils prodigués par les scientifiques eux-mêmes. La notion de libre arbitre ? Bah euh… On verra un autre jour… 

Je suis par ailleurs abonnée à une plateforme musicale, dont l’algorithme de recommandation est très mal fait, mais moi, ça me va très bien. Cela lui évite de m’adresser un portrait de moi selon ma consommation de l’année, et donc m’imposer sa vision de qui je suis. Vous me venez venir. Tout à fait. Chaque mois de décembre, en fonction des écoutes effectuées dans l’année, par exemple, une plateforme musicale propose une rétrospective. Vous avez dû voir fleurir ces posts sur les réseaux sociaux, les gens partageant avec tant de fierté ce que leur plateforme d’écoute de musique avait résumé de qui ils étaient : plutôt ceci, plutôt cela, en fonction des écoutes… Les écoutes surtout suggérées par… l’algorithme. Voilà un vrai problème. La plateforme fait des suggestions à l’utilisateur, en fonction de nos choix premiers, nos intentions propres, nous finissons par suivre les propositions faites par la plateforme. Mélangez les intentions réelles à celles dictées par l’algorithme… cela donne cette fameuse fiche d’identité. Le problème, c’est l’acceptation par les utilisateurs de l’identité résultant de ce mélange choix propre et choix suggérés. Au secours. Nous sommes devenus nos données.

Heureusement que des données scolaires, récoltées par une plateforme ne constituera jamais les traits de l’identité d’un élève. Jamais au grand jamais, réussir ou pas des exercices de tel niveau quand on a tel âge ne fera d’un enfant un bon, ou un mauvais élève. Jamais un élève ne sera jugé à l’aune de ses résultats connectés. 

Ouf. Cela n’arrivera bien entendu jamais. Bien sûr. 

Nous reviendrons un peu plus tard sur cette histoire d’algorithme, et de mise en avant des contenus. 

Concernant le modèle économique… dans le monde de la musique.

J’ai eu l’occasion de discuter avec des artistes, ils sont unanimes : impossible aujourd’hui de vivre de leur art uniquement en « vendant des disques », ce qui aujourd’hui s’appelle des vues ou des téléchargements.

Seuls les artistes les plus connus, écoutés, cités spontanément, perçoivent une rémunération « décente ». Pour les autres, pour survivre, le triptyque de survie est le suivant : merchandising, partenariats et concerts. De nos jours, pour survivre de son art, Jean Ferrat devrait faire la promotion de marques de dentifrice, vendre des sacs à dos et des stylos à son effigie, en plus de multiplier les dates de spectacles. Il faudrait passer un peu plus de temps à publier des photos sur vos réseaux sociaux, qui donnent envie de cliquer sur vos titres dans les plateformes, très cher Jean, et aussi négocier la mise en avant dans l’algo de reco de la plateforme… et oui… il vous faut une équipe marketing. Est-ce que cela aurait considérablement réduit la quantité et la qualité de votre répertoire ? La dose nécessaire à l’émergence d’artistes aujourd’hui, via les plateformes, nécessite-t-elle plus de marketing ou plus de créativité ?

L’éducation n’est pas un produit comme un autre, ainsi, ce n’est pas une campagne marketing mieux ficelée que des contenus qui permettrait de parler aux enseignants et les convaincre de cliquer. Ouf.

Voilà qui pose aussi la question de la créativité et de la qualité des contenus. Les plateformes obligent à un certain conformisme. Pour subsister, quel que soit le service concerné, il faut plaire au client, il faut déclencher du clic. Faire comme ceux qui fonctionnent bien.

Or, ce qui fonctionne bien, quel que soit le service, ce sont des contenus à faible coût cognitif.

C’est ce qui explique qu’une star de télé réalité est plus suivi.e et a plus d’influence qu’un génie de la littérature ou des mathématiques. Peu importe la qualité, peu importe l’intérêt à long terme. Ce qui est important, c’est l’appropriation immédiate, ce qu’il faut, c’est déclencher l’achat. Rentrer dans le moule de la consommation. Il faut donc produire du rapidement consommable pour le cerveau. 

Heureusement, l’éducation, c’est différent, ainsi, les contenus « bas de plafond » ne seront jamais légion. Ouf.  

Et alors… côté d’argent ? 

Oui c’est moche, l’argent est un sujet tabou en éducation, c’est mal, n’en parlons surtout pas.

D’ailleurs quand on rentre dans une école ou dans une salle de classe, il n’y a aucun logo. Aucun. Les trolls adorent sauter sur l’argument de l’école vendue au capital. Bien sûr, c’est une question éthique fondamentale. Pour tenir la promesse républicaine, l’école est gratuite et offre à chacun.e la chance d’apprendre.

Seulement l’école a besoin de fournisseurs, faut de quoi, nos enfants apprendraient dans des champs sans toit, tables, stylos, livres etc. Evidemment que l’équilibre doit rester très clair quant à la place et la qualité des produits (impliquant l’éthique quant à la chaîne de production…aussi !) dans les salles de classe… et les cerveaux des élèves.

Mais pour une raison que j’ignore encore à ce jour, il est normal d’acheter un livre pour apprendre à lire, mais pas une application. Le livre symbolise le bien, l’application, le mal. Même si l’application a nécessité plus de dix compétences différentes pour chaque granule d’apprentissage. Le livre c’est (le) bien, l’application, c’est (le) mal. La litanie dont on ne sait sortir depuis l’avènement des technologies. A noter, ce mantra est plutôt spécifique à la France. Le livre est sacré partout dans le monde mais en France nous l’affublons de superpouvoirs encore plus ancrés.  Sans jeu de mot. Bien entendu.

Cependant, le développement d’une plateforme coûte et rapporte de l’argent. C’est ainsi. Et à la fin du mois, qui récupère le plus d’argent sur l’ensemble de l’argent récolté par les souscriptions ? Ceux qui développent la plateforme, la partie technique, ou bien ceux qui lui donnent sa valeur, ceux qui lui permettent de ne pas être une coquille vide ? 

Il est à noter que le modèle jusqu'ici prévalent est celui de la plateforme d’un côté, et du contenu de l’autre. Agrégateurs et producteurs étant le plus souvent des entités différentes. Le modèle Netflix entre autres  exemples change cela, en produisant ses propres contenus, commandés en fonction de la consommation des spectateurs. Ce qui est complètement génial dans la démarche, car après s’être servi des statistiques d’utilisation des contenus produits par d’autres, il n’y a plus qu’à en tirer le meilleur pour l’audience et produire du contenu sur-mesure du carton assuré, puis le proposer en premier aux spectateurs, ravis. Bienvenue dans le monde réel du diktat bien connu  “le client est roi”. 

Comment ça se passe, ce schéma dictatorial de la consommation, transposé à l’Education ?

Est-ce normal que les créateurs de contenus, qu’ils soient musiciens, sportifs… n’aient qu’une très faible part du gâteau représenté par les plateformes, et cela, au détriment de leur art, de leur activité première ? 

Quelles conséquences pour la qualité des créations, la qualité du contenu proposé ? 

Avez-vous suivi les campagnes des illustrateurs, auteurs  des illustrateurs, auteurs ces derniers mois pour faire valoir la valeur de leur travail ? Non ? Dommage. Cette question n’a pas attendu l’arrivée de la technologie pour se poser. Elle a pris un nouveau tournant aujourd’hui. Le traitement des données augmente la pression sur le monde de la création. Est-ce le moment de parler en plus du déséquilibre de rémunération homme-femme ? Non. Bon, d’accord. On arrête là sur ce sujet.

Assez palabré. Revenons à nos moutons. L’Education. 

Ze plate forme of educ’ation. 

Côté éducation, comment ça se passe aujourd’hui ? 

Comme précisé un peu plus haut, aucune plateforme de l’éducation, malgré le nombre de projets, n’a jamais émergé. Ce ne sont pas les ambitions qui ont manqué, pourtant. Si aujourd’hui il n’y a pas de plateforme ce n’est pas parce que la question ou la tentative de réalisation n’a jamais existé. C’est très important de le savoir et de ne pas l’oublier. Aujourd’hui, pour s’en attribuer l’invention, un certain nombre d’entités réinventent la roue. Ca en est même un modèle économique. Comprendre pourquoi ces tentatives ont échoué est crucial pour l’ensemble des acteurs impliqués. Privés et publics.   

Passons sur la confusion générale actuelle générée par une situation exceptionnelle dont nous ne connaissons ni la durée, ni les conséquences à long terme. Mais ne passons pas à côté de décisions prises dans l’urgence dans l’idée d’une amélioration des processus et en particulier la continuité pédagogique.

De quoi parle-t-on, en fait ? 

Les élèves et les enseignants, depuis que l’école existe, pour enseigner et pour apprendre, utilisent des ressources. C’est-à-dire, un moyen d’expliciter, voire de manipuler et même d’évaluer (pour très résumer). Très majoritairement dans notre pays, ces ressources sont des livres, ou des extraits de livre, ou des textes : bref, des ressources linéaires. L’avènement des technologies a permis de développer de nouvelles manières d’expliquer, de manipuler et d’évaluer. Elles ne supplantent pas les autres. Elles augmentent les possibilités de comprendre et d’apprendre. 

Il se trouve que le circuit du livre, en place depuis les débuts de l’école, est clair et défini. Les enseignants savent où aller quand ils ont besoin de matière, et la matière sait aussi venir régulièrement à eux. 

Ce n’est pas le cas de toutes les autres ressources. L’offre est éparpillée en tous sens. Et alors ? 

Pourquoi ne laisserait-on pas la loi de la jungle perdurer ? 

Bah euh... parce que nous sommes une Nation, régie par des lois pensées et votées de manière démocratique, en fait ?

Dans les dérives actuelles, aujourd'hui, des enseignants en fonction font la promotion de sociétés produisant des ressources numériques, via leur classe et leurs élèves, sociétés dans lesquelles ils peuvent avoir des parts. Côté éthique... quelques questions ? 

Autre dérive : les lois dictées par les distributeurs privés. Exactement calquées sur le même schéma que celui de la grande distribution avec les producteurs. 

Aujourd’hui, il n’y a pas de place de marché du numérique éducatif. C'est ce qui produit cette non loi de fait.  

Oui c’est un sujet. En tous cas, si on considère la ressource éducative comme un métier art, capable de faire partie des gestes professionnels des enseignants, et de permettre aux élèves d’accéder à des manières de comprendre, de manipuler, qui n’existaient pas au temps de Jules Ferry.  

Que dit la loi à ce sujet ? Ah oui, au fait…  

« (...) 2° Proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles ; (...) »

Autre texte (non légal) « Si la priorité de l’Éducation nationale porte sur les apprentissages fondamentaux - lire, écrire, parler correctement la langue française, compter, calculer - l'école doit également donner à chaque enfant les clés pour réussir dans une société irriguée par le numérique. »

Voici une liste de questions non exhaustive issue de l’expérience de ce type de projet, dans le cadre de l’élaboration d’une plateforme de l’éducation par l’Etat ou par une entitée privée :

  • La question de l’indexation

             Qu’est-ce qu’une ressource éligible ?

             Qui décide si les ressources sont éligibles ou pas ?

             Comme en France l'Etat a développé ses propres produits, comment ça se passe ?

             Est-ce que cette ressource, là, est considérée comme numérique ?

             Comment les ressources sont-elles indexées ?

             Combien de critères liés à l’indexation ? Lesquels ?

             Qui est chargé de l’indexation ?

  • La question du modèle économique

             La plateforme permet-elle d’acheter des contenus ?

             Si oui comment ?

(Ndlr : aucun éditeur de contenu numérique pure player n’a un modèle économique identique à celui de ses voisins)

             En direct ?

             Sous forme d’abonnement à la plateforme ?

             Comment les éditeurs de contenus sont-ils rétribués ?

             Formule mathématique issue du grimoire ?

Pour les contenus publics ou privés déjà financés par l’Etat ou d’autres formes de subventions publiques, comment ça se passe ?

  • La question du développement technique

        Qui développe ? 

        Quel est le budget pour mettre en place telle plateforme ? Et pour la maintenir ?

        Qui finance ?

  • La question de l’algorithme

             Mise en avant des contenus & recommandations

             Quels sont les contenus mis en avant ?

             Comment ?

            Sur quels critères ?

            Qui décide ?

  • La question des données scolaires

La question de la production des données scolaires pose la question immédiate de la protection et l’exploitation de ces données.

Concernant la protection : les données les plus sécurisées du monde sont régulièrement piratées, mais les données scolaires des élèves français seront pour toujours en sûreté grâce à une connaissance et une maîtrise que personne ne possède sur la planète Terre.

D’accord.

Du côté de l’exploitation des données, sera-t-elle réservée aux enseignants des élèves exclusivement, en vue de faire progresser les élèves ? Pourquoi cette question ? Parce que traiter des données est un geste professionnel, et jusqu’à preuve du contraire, l’enseignant n’était pas amené à l’effectuer. Quand et comment les enseignants seront-ils formés sur ce geste nouveau pour eux, impliquant l’extraction, l’analyse et la mise en place d’un protocole adéquat suivant les résultats des élèves ? 

Sinon pourquoi produirait-on ces données, si ce n’est pas pour les exploiter en ce sens ?

  • La question du temps d’appropriation des élèves et des enseignants

             On se pose la question où on la déplace délicatement sous le tapis ?

  • La question de la communication

             Comment est gérée la communication de cette plateforme auprès des enseignants ?

             Qui s’en occupe ?

  • La question des luttes de pouvoirs

Comment ça se passe pour les guerres intestines persistant dans le privé, et dans le public ?

Qui aura le dernier mot en cas de conflit ?

 "Conclusion" qui n'en est pas une : 

Si nous n'étions pas capables de répondre à ces questions, ferions-nous coûte que coûte cette plateforme ?

La suite au prochain épisode ?

Dernière modification le mercredi, 20 mai 2020
Elbaz Jennifer

Vice-présidente de l'An@é.