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Publié par Michel GUILLOU sur son blog
La lecture du Bulletin officiel est toujours un exercice très instructif. Pour ma part, je ne m'en lasse pas...
Tout récemment, paraissaient deux notes, l'une dressant la liste des certificats exigés à la titularisation des candidats aux concours du second degré, l'autre la liste des certificats exigés à la titularisation des lauréats des concours de professeurs des écoles.

Ces deux notes disent la même chose : 

En cas de réussite aux différents concours du second [et du premier] degré, les lauréats doivent justifier, pour être titularisés, du certificat de compétence en langues de l’enseignement supérieur de deuxième degré (CLES2) et du certificat informatique et internet de niveau 2 « enseignant » (C2i2e).

Concernant le C2i2e, il faut déjà s’alarmer de l’obsolescence de cette appellation, aucune des compétences exigibles (à l’exception d’une seule, peut-être, parmi quarante-trois) ne correspondant réellement au domaine de l’informatique. Il s’agit en effet d’acquérir des compétences culturelles, dans le champ général du numérique. On y gagnerait un peu en modernité en modifiant et en éclairant ce si vilain acronyme.

Au fond, demander à de futurs professeurs de posséder une culture numérique suffisante, montrant un réel engagement pour une pédagogie innovante, renouvelée et moderne, ne me semble pas une exigence de trop. 

Le référentiel proposé balaie l’ensemble des compétences exigibles, réparties en deux grands domaines :

  • des compétences générales liées à l’exercice du métier ;
  • des compétences nécessaires à l’intégration des TICE dans sa pratique d’enseignement.

Bref, rien que des choses intéressantes, qui concernent la maîtrise de l’environnement numérique, le développement des compétences pour la formationla responsabilitéprofessionnelle, le travail collaboratif en réseau, la conception et la préparation de contenusd’enseignement, la mise en œuvre de la pédagogie et de démarches d’évaluation.

Voilà qui est fort bien.

Mais pourquoi faut-il faire preuve d’avoir acquis un certificat à part ? Ces compétences ne sont-elles pas exigibles de tous les candidats aux concours ? Les épreuves, écrites, pratiques et orales, organisées aux concours du premier et second degré, n’intègrent-elles pas déjà l’évaluation de l’acquisition de ces compétences ?

Je ne doute pas une seule seconde que les jurys des concours ne soient pas en capacité de le faire…

Je reviens à mes notes au Bulletin officiel. Comme pour venir en écho à mes interrogations légitimes, l’une et l’autre listent des exceptions à l’exigence du C2i2e, je cite ce moment d’anthologie :

 
Les lauréats des sections de concours pour lesquelles les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (Tice) figurent au programme des épreuves ou pour lesquelles au moins une épreuve comporte une présentation pédagogique avec utilisation des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (Tice) sont dispensés de produire le C2i2e.

Et sont alors cités les concours concernés : agrégations internes de mathématiques et de SVT, CAPES internes de mathématiques, de SVT, de documentation, CAPES externes de sciences physiques et chimiques et de documentation, CAPLP internes et externes de mathématiques-sciences physiques. Sont également concernés les concours équivalents dans ces disciplines (CAERPA, CAFEP, CAER, 3e concours).

Pour avoir été, encore récemment, membre du jury du CAPES externe de documentation — ce n’est pas ma discipline d’origine —, je sais, et c’est heureux, que l’ensemble de ces compétences sont exigibles des candidats, à l’oral notamment. Les professeurs documentalistes se sont résolument engagés, depuis longtemps déjà, dans le numérique et les plus jeunes d’entre eux sont, sans doute, parmi les plus compétents dans ce domaine. Il n’est qu’à observer combien ils s’investissent, dans les établissements, pour venir en appui des volets du projet local qui concernent le numérique ou l’éducation aux médias.

Il sont compétents, oui, comme d’ailleurs, je n’en doute pas, les jeunes collègues de mathématiques, de sciences physiques et chimiques, de sciences de la vie et de la Terre, de mathématiques-sciences physiques.

Et les autres ?

Nous sommes en 2012 ! Il y aurait donc des candidats aux concours pour enseigner l’histoire-géographie, les langues vivantes, le français, les sciences économiques et sociales, l’éducation physique et sportive, pour ne citer que quelques-unes des autres disciplines, dont personne ne vérifie, au CAPES ou à l’agrégation, les compétences en matière de numérique ? Il y aurait donc encore en France, en 2012, des concours pour enseigner, dans le premier ou le second degré, pour lesquels les Tice ne figurent pas au programme des épreuves ou pour lesquels il n’y a pas au moins une épreuve comporte une présentation pédagogique avec utilisation des Tice ?

Comment est-ce possible ? 

L’enjeu est maintenant, dans ces disciplines ou à ces niveaux d’enseignement, d’intégrer très rapidement tous les aspects d’une pédagogie avec le numérique. Il est urgent, dans ces disciplines, d’envisager les apprentissages sous l’angle des apports spécifiques du numérique, d’envisager la formation des professeurs en intégrant les modifications posturales et les nouvelles relations engendrées par le numérique.

Peut-être aussi, mais je n’ose le dire, peut-on imaginer de changer les cadres en responsabilité de ces concours ?

Ainsi, l’acquisition du C2i2e, naturellement intégré à des pratiques pédagogiques durables, comprises et apprises en formation initiale ou continue, ne serait plus exigée des lauréats. Il serait inutile. 

Et chacun ne s’en porterait pas plus mal.

[Mise à jour du 13-9-2012 : l’un de mes lecteurs, voir son commentaire, me signale, pour montrer le peu de sérieux qu’on accorde à l’acquisition de ces compétences numériques, que sont aussi exemptés de l’acquisition du C2i2e, les sportifs de haut niveau et les pères ou mères d’au moins trois enfants !]

Michel Guillou @michelguillou 

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Crédit photo : CarbonNYC via photo pin cc

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