fil-educavox-color1

Le Sénat a voté un projet de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux Départements volontaires. Il fut déposé devant l’Assemblée nationale le 23 juillet 2024. Le vote n’a pas encore eu lieu. Une Étude d’options sur le transfert de la compétence « santé scolaire » vient d’être rendue publique[1] et mérite quelques commentaires.

Une étude 360°

Cette étude du cabinet EY à la demande du Sénat examine en fait les différentes hypothèses de transfert de cette compétence à différentes instances (cette étude avait été lancée avant le vote du Sénat).

Elle examine le maintien de la compétence à l’État selon deux possibilités, le ministère de l’Education nationale reste le responsable, ou bien c’est le ministère de la Santé. L’autre hypothèse suppose l’attribution de la compétence à d’autres instances que ces deux ministères. Et l’étude examine les différentes possibilités : le département (avec la PMI comme support organisateur), la région (mais peu concernées[2]), les EPCI – Métropoles, ou encore des associations. Elle examine les avantages et les inconvénients ainsi que les conditions juridiques.

Pourquoi examiner cette question

« Les institutions et administrations en charge, comme la doctrine et les sociétés savantes, soulignent de façon constante l’intérêt et l’importance d’une politique précoce de santé. Bien que des ressources importantes soient allouées annuellement à la santé scolaire, cette dernière n’atteint pas ses objectifs et ne remplit pas pleinement ses missions. » (p 7) Quels sont donc les obstacles ou les sources de difficultés ?

L’étude en indique plusieurs :

« le ministère de l’Éducation nationale fait face à une pénurie de personnels et notamment de médecins scolaires avec 45 % des postes vacants en 2022. »

La question de la santé devient pressante avec les défis sanitaires contemporains, les crises pandémiques et les troubles dépressifs, en particulier chez les adolescents.

Si les efforts financiers ne permettent pas d’améliorer l’attractivité des postes, se pose également le « manque de visibilité sur les activités des services de santé scolaire et des difficultés en matière de pilotage. »

L’étude insiste sur la complexité du pilotage budgétaire, le manque de coordination entre les différents services de santé scolaire tant au premier qu’au second degré, et enfin les systèmes d’information utilisés pour le suivi de la santé des élèves, différents selon les types de personnel. Aussi, dans l’hypothèse d’un maintien de la compétence au niveau de l’État, avec des évolutions organisationnelles (p 13), les recommandations paraissent évidentes : revalorisation, amélioration des conditions de travail et mise en place de plateforme d’informations personnelles.

Pour ma part, je ne vois pas très bien comment le transfert de la compétence santé à une multitude d’acteurs (les départements par exemple) résoudrait les problèmes indiqués ci-dessus.

Mais qui sont les personnels de santé ?

Au même moment où le Sénat votait ce projet de loi, l’IGÉSR publiait un rapport que nous avons déjà commenté ici[3]. Il présentait l’hypothèse d’un « nouveau service » qui rassemblerait les PsyEn EDO et divers services existants, dont l’objectif serait la santé mentale.

L’étude EY dès son introduction affirme : « Les acteurs de la santé scolaire comprennent notamment les médecins, infirmiers, assistants sociaux et psychologues de l’Éducation nationale. » (p 3)

Un peu plus loin, elle apporte des chiffres concernant les PsyEn : « En ce qui concerne les psychologues de l’éducation nationale, l’effectif diminue considérablement depuis 2017 (les effectifs PSYEN s’élevaient à 7 566 ETP en 2017 contre 7048 ETP en 2021)[4]. Selon le rapport d’information du Sénat, depuis 2022, tous les postes ouverts aux concours ne sont pas pourvus, en particulier pour les psychologues de la spécialité EDA. Ces difficultés de recrutement découlent notamment d’un manque d’attractivité des métiers de la santé scolaire, en raison d’une rémunération insuffisante et de conditions de travail dégradées. » (p 8) Ces données sont en fait issues du Rapport information n° 1228, Assemblée Nationale, mai 2023 de M. Robin REDA, rapporteur spécial[5].

Ce rapport présentait l’ensemble des personnels de santé ainsi :

  1. Les médecins de l’éducation nationale
  2. Les infirmiers de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur
  3. Les assistants de service social
  4. Les psychologues de l’éducation nationale

Or, la DEPP vient de publier son Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire 2023-2024[6]. Dans le tableau des personnels de l’Éducation nationale non-enseignants on trouve trois catégories : personnel d’encadrement, vie scolaire (intégrant les PsyEn dans les personnels d’éducation), et personnels administratifs, sociaux et de santé (ASS). Les personnels d’éducation regroupent les conseillers principaux d’éducation, les psychologues de l’Éducation nationale, les conseillers d’orientation psychologue et les personnels d’éducation non titulaires. Ils sont 22 655.

Un autre tableau indique :

Psychologues EN, conseillers d’orientation psychologue F 5 912
H 794
Ensemble 6 706

Il y a là un vrai problème concernant la catégorisation des personnels de l’Éducation nationale, car, « La catégorisation doit s’entendre ici non seulement dans sa dimension technique d’élaboration de catégories administratives ou statistiques par lesquelles les individus sont désignés ou décrits, mais également dans ses dimensions cognitive et pratique par lesquelles les individus sont pensés et perçus. Ainsi, la catégorisation est une activité exercée par de nombreuses instances, dont les pouvoirs d’assignation sont variables, et qui se traduit par une mise en forme plus ou moins contraignante et aboutie des identités collectives. »[7]

Où en est-on ?

La proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux Départements volontaires, n° 138, a été déposée devant l’Assemblée nationale le 23 juillet 2024 et on attend depuis les résultats de son examen en commission. Les différentes collectivités territoriales ne semblent pas s’enthousiasmer. Sans compter les quelques événements politiques qui se sont succédé entre temps…

Ajoutons la « Synthèse des problématiques juridiques à lever dans le cadre d’un transfert définitif de la compétence « médecine scolaire » aux Départements » proposée en conclusion de l’Étude EY page 25 :

  1. Transfert de ressources nécessaires à l’exercice de la compétence
  2. Répartition des compétences entre les différents acteurs territoriaux
  3. Transfert du personnel de l’État vers les Départements
  4. Transfert des biens et des contrats nécessaires à l’exercice de la compétence

Ainsi, quelques difficultés se trouvent encore sur le chemin, sans compter la réticence des différents acteurs concernés.

Bernard Desclaux
Article publié sur le site : Le blog de Bernard Desclaux » Blog Archive » Le PsyEn entre vie scolaire et santé

 

[1] Voir la page : Adoption du rapport d’information relatif à l’expérimentation du transfert de la compétence « santé scolaire » aux collectivités volontaires. 12 déc. 2024 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/office-et-delegations/delegation-aux-collectivites-territoriales-et-a-la-decentralisation/detail-actualite/adoption-du-rapport-dinformation-relatif-a-lexperimentation-du-transfert-de-la-competence-sante-scolaire-aux-collectivites-volontaires-4216.html

[2] « A cet effet, en raison de leurs compétences restreintes en matière de santé scolaire, les régions ne se considèrent pas concernées par un éventuel transfert. » p 18

[3] Desclaux, Bernard, (7 mai 2024). Un rapport proprement révolutionnaire. https://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2024/05/07/un-rapport-proprement-revolutionnaire/#_ftn1

[4] Ces chiffres rassemblent les deux spécialités de PsyEn, EDA et EDO.

[5] Rapport d’information déposé par la commission des Finances, de l’l’Economie générale et du contrôle budgétaire sur la médecine scolaire et la santé à l’école. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b1228_rapport-information#

[6] DEPP, Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire 2023-2024 | Ministère de l’Education Nationale. https://www.education.gouv.fr/panorama-statistique-des-personnels-de-l-enseignement-scolaire-2023-2024-416010

[7] Marco Martiniello et Patrick Simon, Les enjeux de la catégorisation. Rapports de domination et luttes autour de la représentation dans les sociétés post-migratoires. Revue européenne des migrations internationales. 2005/2 Vol. 21. Catégorisation et classification, enjeux de pouvoir. https://shs.cairn.info/revue-europeenne-des-migrations-internationales-2005-2-page-1?lang=fr#re1no1

Dernière modification le mercredi, 18 décembre 2024
Desclaux Bernard

Conseiller d’orientation depuis 1978 (académie de Créteil puis de Versailles), directeur de CIO à partir de 90, je me suis très vite intéressé à la formation des personnels de l’Education nationale. A partir de la page de mon site ( http://bdesclaux.jimdo.com/qui-suis-je/ ) vous trouverez une bio détaillée ainsi que la liste de mes publications.
J’ai réalisé et organisé de nombreuses formations dans le cadre de la formation continue pour les COP, , les professeurs principaux, les professeurs documentalistes, les chefs d’établissement, ainsi que des formations de formateurs et des formations sur site. Dans le cadre de la formation initiale, depuis la création des IUFM j’ai organisé la formation à l’orientation pour les enseignants dans l’académie de Versailles. Mes supports de formation sont installés sur mon site.
Au début des années 2000 j’ai participé à l’organisation de deux colloques :
  • le colloque de l’AIOSP (association internationale de l’orientation scolaire et professionnelle) en septembre 2001. Edition des actes sous la forme d’un cd-rom.
  • les 75 ans de l’INETOP (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle). Edition des actes avec Remy Guerrier n° Hors-série de l’Orientation scolaire et professionnelle, juillet 2005/vol. 34, Actes du colloque : Orientation, passé, présent, avenir, INETOP-CNAM, Paris, 18-20 décembre 2003. Publication dans ce numéro de « Commentaires aux articles extraits des revues BINOP et OSP » pp. 467-490 et les articles sélectionnés, pp. 491-673
Retraité depuis 2008, je poursuis ma collaboration de formateur à l’ESEN (Ecole supérieure de l’éducation nationale) pour la formation des directeurs de CIO, ainsi que ma réflexion sur l’organisation de l’orientation, du système éducatif et des méthodes de formation. Ce blog me permettra de partager ces réflexions à un moment où se préparent de profonds changements dans le domaine de l’orientation en France.
Après avoir vécu et travaillé en région parisienne, je me trouve auprès de ma femme installée depuis plusieurs années près d’Avignon. J’y ai repris une ancienne activité, le sumi-e. J’ai installé mes dernières peintures sur Flikcr à l’adresse suivante : http://www.flickr.com/photos/bdesclaux/ .