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Deuxième chantier (avec la culture) évoqué par Emmanuel Macron dans son tract d’entre-deux-tours, l’Education est le « combat » du nouveau Président. Pour lui, « seule l’Education pourra garantir la cohésion sociale et la prospérité de la France ».  

Les 4 chantiers les plus attendus

1. Une inflexion par rapport au précédent quinquennat

Sans marquer une rupture brutale avec les grandes orientations de la politique du quinquennat Hollande, Emmanuel Macron se distingue par une volonté d’inflexion sur plusieurs réformes majeures.

  • Une insistance sur la transmission des savoirs fondamentaux qui est le plus souvent portée - au moins dans les discours - par la partie droite de l’échiquier politique.
  • La réforme des rythmes scolaires : sans abolir la réforme, il compte laisser son application à la libre appréciation des communes.
  • Sur la réforme du collège, le nouveau Président a annoncé sa volonté de revenir sur certaines mesures qui avaient soulevé des oppositions fortes, notamment la suppression des classes bilangues. S’agissant des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI), l’usage du volume horaire consacré à cette nouvelle approche pourrait dépendre du choix du conseil d’administration de l’établissement (qui aurait la possibilité par exemple de la remplacer par l’enseignement des langues anciennes)

Décryptage Vers Le Haut

Le nouveau Président manifeste sa volonté  d’apaiser les débats scolaires, en se réconciliant avec les enseignants, les élus locaux, les acteurs du débat public qui avaient manifesté une vive opposition sur la réforme du collège, celle des rythmes scolaires ou celle des programmes.

2. Priorité au primaire et pour les élèves les plus fragiles

Mesure majeure du programme : le dédoublement des classes de CP et CE1 en zones prioritaires (REP et REP+) pour descendre à 12 élèves dans ces classes. Pour y arriver, Emmanuel Macron a prévu des redéploiements (notamment avec les 5000 enseignants du dispositif « plus de maitres que de classes », dispositif qu’il compte supprimer.)

Il a aussi annoncé un renforcement de « l’individualisation des apprentissages en primaire » via le développement de nouveaux supports numériques ou des stages de remise à niveau en fin d’été pour les élèves du CP au CM2 qui en auraient besoin.

Décryptage Vers Le Haut

  • Par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, la France dépasse 37% de plus par élève au lycée et 15% de moins au primaire. Redéployer des moyens du secondaire vers le primaire est une intention largement partagée… qui se heurte cependant à la réalité démographique pour les années à venir : on attend une augmentation de 50 000 élèves au collège et au lycée pour la rentrée 2017 (+ 17 000 en 2018).  Cette hausse s’explique par l’arrivée de générations nombreuses en terminale (les élèves nés en 2000, et en 6e (ceux nés en 2006/2007).
  • Outre la question du calendrier et des capacités immobilières, la réduction du nombre d’élèves par classe ne saurait être la solution miracle si on ne l’accompagne pas d’une adaptation des méthodes d’apprentissage et d’une formation adéquate pour les enseignants concernés (voir en point 5.).

3. Plus d’autonomie pour les établissements  

Emmanuel Macron est partisan d’une autonomie des établissements plus grande pour « favoriser l’adaptation aux besoins de leurs élèves et aux situations locales et stimuler l’innovation». Il promet aux chefs d’établissement et à leurs équipes davantage de liberté dans l’élaboration de leur projet pédagogique. Il limite en revanche la liberté dans le recrutement aux établissements des zones d’éducation prioritaire. Leur autonomie s’accompagnerait également d’un diagnostic régulier.

Décryptage Vers Le Haut

  • Cette approche plus girondine portée par Emmanuel Macron porte en germe une des réformes qui impactera le plus l’Education Nationale et les enseignants. Cela dépendra  du niveau d’autonomie laissée au terrain : quelle marge de manœuvre dans l’élaboration et le déploiement des projets d’établissement par rapport aux contraintes budgétaires ? Quelle gestion des dotations horaires ?

4. Une relance de l’apprentissage  

Emmanuel Macron s’est engagé à développer massivement l’apprentissage, qui doit selon lui devenir la voie courante pour les formations de qualification moyenne. Simplification pour les entreprises, implication accrue des branches professionnelles, redéploiement de la taxe d’apprentissage, élargissement du préapprentissage, recours massif au lycée professionnel…  

Décryptage Vers Le Haut

  • Depuis plusieurs années, l’apprentissage a tendance à se développer dans le supérieur et à reculer au niveau de qualification inférieure (CAP, lycée pro…). Cet engagement fort en faveur de l’apprentissage devra surtout porter sur les qualifications les moins élevées. La réussite de ce chantier dépend autant de mesures techniques que d’un changement culturel dans les entreprises et dans l’Education nationale.

Les 2 points à creuser 

5. La revalorisation de la fonction enseignante

Contrairement à ses ex-concurrents et à son prédécesseur, Emmanuel Macron ne promettait pas durant la campagne de réduire ou d’augmenter sensiblement le nombre d’enseignants. Il s’engage en revanche à augmenter les salaires de certains enseignants. A ceux qui seraient volontaires pour aller enseigner en zones REP+, il promet une prime annuelle de 3000 € nets. Et à ceux qui voudraient bien écourter leurs vacances pour assurer les stages de remise à niveau du CP au CM2 avant la rentrée, il s’engage à leur verser une rémunération ad-hoc.

Décryptage Vers Le Haut

  • Les grandes réformes n’auront aucun impact si nous ne sommes pas capables de répondre à la crise des vocations éducatives et au malaise des enseignants. L’un des enjeux majeurs de la prochaine décennie est d’attirer, de former et de fidéliser les meilleurs talents au service de l’éducation, alors que près d’un quart des postes ne sont pas pourvus aux concours de l’enseignement.
  • 82,5% des enseignants sondés par l’UNSA-Education en 2017  jugent que leur rémunération n’est pas « à la hauteur de leur qualification ». Il faudrait sortir du compromis salarial actuel qui ne satisfait plus personne.  Le nouveau Président reverra-t-il l’organisation du travail des enseignants -pour mieux intégrer leurs missions, hors heures d’enseignement -  en échange de meilleures rémunérations ?

6. Vers des Etats Généraux de l’Education ?

 « Est-ce que nous souscrivons à cette idée [des Etats Généraux de l’Education] ? La réponse est oui !»

François de Rugy, soutien d’Emmanuel Macron, le 4 avril 2017 à la Mobilisation Générale pour l’Education, organisée par VERS LE HAUT[1].

Le programme d’Emmanuel Macron relativement fourni sur l’école est en revanche beaucoup plus discret sur les autres acteurs de l’éducation… Les volets relatifs au soutien à la parentalité, à l’accompagnement éducatif par les mouvements de jeunesse, d’éducation populaire ou par des acteurs associatifs… sont assez elliptiques.

Le 4 avril dernier, en réponse à une interpellation de 30 acteurs de la jeunesse et de l’éducation, le représentant d’Emmanuel Macron avait manifesté son soutien à l’appel en faveur de l’organisation d’Etats Généraux de l’Education dès le début du prochain quinquennat.

Décryptage Vers Le Haut

L’organisation d’Etats Généraux de l’Education viserait à définir la feuille de route des réformes éducatives à entreprendre pour la prochaine décennie – une « constitution éducative », pour reprendre la formule de Jean-Michel Blanquer.

Impliquer la société civile et tous les acteurs de l’éducation, pour dépasser les clivages traditionnels, serait un moyen pour le nouveau Président de marquer un profond renouvellement des pratiques, dans le droit fil de la posture affichée pendant sa campagne électorale.


[1] Pour revoir l’intervention du 4 avril 2017 de François de Rugy : http://bit.ly/2pdsWoF

Dernière modification le mercredi, 17 mai 2017
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VERS LE HAUT est un think tank dédié aux jeunes, aux familles et à l'éducation. Lancé en 2015, hors du champ partisan, il contribue au débat public à travers des propositions en impliquant des acteurs de terrain, des jeunes, des familles, des experts et des membres de la société civile. http://www.verslehaut.org/