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Les musées font-ils face à une injonction au numérique ? Telle est la question posée lors d'un des échanges de NEC 2022. Le contexte technophile, les enjeux de dématérialisation et les nombreux appels à projets mentionnant le numérique incitent en effet à le penser. Nous sommes nous-même conditionnés, ainsi que l'on peut le constater lors des hackathon Museomix où le numérique est souvent intégré, sorte de passage obligé, alors qu'il n'est qu'un outil parmi tant d'autres et que rien dans la charte de Museomix, ni dans son règlement, n'oblige à intégrer systématiquement du numérique dans les prototypes de dispositifs de médiation proposés.

 

De nombreux musées restent technophobes ou juste frileux vis-à-vis du numérique et manquent de compétences / connaissances vis-à-vis du sujet.

Ainsi la réflexion au Musée de la Piscine a commencé en 2017 alors que les incitations au numérique existaient depuis les années 2000. Difficile alors de concevoir des outils de médiation sans tomber parfois dans le solutionnisme technologique, favorisé par les budgets importants apportés par les services publics sur le numérique. Force est parfois de constater (et nous en avons fait état lors de réguliers Museomix) que l'usage du numérique reste parfois simpliste et apporte peu d'originalité alors que ses propriétés sont importantes.

On peut ainsi par exemple décupler les possibilités des dispositifs de médiation, au-delà des simples supports de type tablette ou des traditionnels quizz ou audio/vidéo-guides en développant des éléments ludiques, tactiles, permettant de s'approprier l'oeuvre, d'aller au-delà, de la pénétrer en favorisant des sujets non encore abordés.

J'ai ainsi pu constater lors de nombreuses visites avec des enfants et adolescents dans les musées que, si aujourd'hui on connaît bien mieux l'auteur d'une oeuvre que son modèle, l'intérêt de mon public allait beaucoup plus à l'identité et la vie de la personne représentée. Merci Wikipédia ! Je surfais sur le web pour leur indiquer qui était tel ou tel personnage représenté, pourquoi la dame ou l'enfant peint avaient eu droit à leur portrait. Les cartels ne peuvent tout raconter et le numérique permettrait de les étendre, voire de les proposer en version multilingue.

Les problèmes rencontrés sont identifiés : d'une part, une certaine méconnaissance du numérique et de ses possibilités de la part des musées, d'autre part un modèle global de dispositif "100% numérique" alors qu'il pourrait ne l'être qu'à 50%, de fabrication numérique ou d'inspiration numérique. De là à imaginer des espaces d'idéation et de fabrication pour et dans les musées, il n'y a qu'un pas.

Comme l'indiquaient les intervenantes, Laura Louvrier et Éva Sandri, lors d'un de ces échanges de NEC 2022, si les budgets sont conséquents, il est parfois tentant d'utiliser ces mêmes budgets pour d'autres types de dispositifs plus en accord avec les contraintes du musée. Plus que de grandes solutions, les musées sont en recherche de solutions pas chères et utiles pour petits et grands musées, ainsi que d'outils permettant d'effectuer un contrôle de la qualité et de l'impact du numérique sur la visite et les usages du public (ergonomie, écologie, innovation et hacking du contenu et du parcours de visite, inclusion du public, durabilité...).

En ces temps de nécessaire sobriété énergétique, on peut de même se questionner sur les problématiques de longévité des dispositifs et d'insertion parmi les œuvres, en incluant également des impératifs de recyclage et de réutilisation du matériel.

En guise de conclusion de ces échanges, on pouvait s'accorder sur le fait que le numérique doit rester un outil et non un objectif et que les projets doivent venir de la médiation, de la conservation, voire du public, mais ne pas constituer une injonction arbitraire.

NEC : https://numerique-en-communs.fr/

Dernière modification le vendredi, 30 décembre 2022
Cauche Jean-François

Docteur en Histoire Médiévale et Sciences de l’Information. Consultant-formateur-animateur en usages innovants. Membre du Conseil d'Administration de l'An@é.