Une banalité
Dans le cadre d’une réforme de l’organisation des études au lycée général et technologique, la procédure d’orientation à l’issue de la classe de seconde est présentée d’une manière fort banale à l’aide d’une simple note de service. Dormez, dormez, aucune révolution en perspective. Soyez tranquilles…
On y retrouve tous les termes, toutes les étapes de la procédure d’orientation que nous connaissons : les demandes, les propositions, les décisions, les moments, les deuxième et troisième trimestres, les intentions des uns et les réponses des autres, l’appel.
Rien ne change… sauf, sauf l’objet en question : la série !
Le principe de l’option
A l’origine des procédures d’orientation (1880), la décision portait sur le passage en classe supérieure. Puis avec la différenciation des formations, les décisions ont porté sur les filières.
Concernant l’orientation vers le professionnel, la spécialité professionnelle fut toujours de la responsabilité des familles avec une restriction, celle des places, d’où les procédures d’affectation.
Et depuis l’apparition de la notion d’option dans l’organisation de l’enseignement secondaire, au moment de la réforme Haby, l’option est de la responsabilité de la famille, avec toujours la restriction de l’existence de places, et ceci relevant de la gestion locale dans l’établissement.
Or la réforme de l’organisation des études au lycée a supprimé la notion de série. On n’est plus dans une logique de filière, mais de combinaison. Chacun choisit ses options. Et l’on revient, au moins dans la partie formation générale du lycée à la bonne vielle pratique du passage en classe supérieure : la classe de première forme une seule voie d’orientation.
Le juridique et le local
Les procédures d’orientation telles qu’elles existent en France sont de la responsabilité de l’Etat. C’est le chef d’établissement qui prend la décision d’orientation. Le chef d’établissement est le représentant de l’Etat. Et le conflit possible autour de cette décision est réglementé par les procédures d’appel, et éventuellement le tribunal administratif. On est là dans un monde juridique, réglementé.
L’observation de l’évolution des procédures d’orientation, et cette dernière modification le confirme, montre que le champ contrôlé par la procédure se restreint de plus en plus, laissant les acteurs de terrain dans un face à face.
Le principe combinatoire, que je prône depuis longtemps, est favorable aux apprenants, mais sur le plan organisationnel, très compliqué à mettre œuvre. Depuis qu’il est apparu dans notre système, on a pu voir les freins moteurs qui se sont enclenchés immédiatement. En 1982, lorsque la Gauche arrivée au pouvoir met en place la réforme envisagée par le ministre Beullac, les lycées se trouvent confrontés au problème. Jusque-là les élèves étaient orientés vers des classes particulières. Désormais ils rentrent dans une seconde de détermination ou indéterminée… et choisissent des options. L’interprétation du sens de la réforme allait vers la création de classes de secondes hétérogènes, mais dans la pratique et pour simplifier l’organisation horaire des élèves, mais aussi (surtout) des enseignants, les options furent regroupées en classes homogènes, recréant ainsi les filières dès la classe de seconde. La classe homogène permet une pédagogie homogène. Gageons qu’il en sera de même pour cette réforme.
Reste que la question sera comment obtenir la combinaison désirée, d’un côté, et de l’autre comment faire en sorte que les possibilités de combinaisons proposées soient choisies ?
Mais bon sang, mais c’est bien sûr
Et oui, comment faire ?
Et bien la réponse est dans la réforme, au moins apparemment. Et cette réponse c’est l’accompagnement ! 54 heures annuelles y sont consacrées. Réalisées par qui ? Ça c’est nettement moins clair.
Toujours est-il que l’objectif de cet accompagnement est présenté selon son versant éducatif. Il s’agit d’une aide apportée aux élèves et aux familles, attribuée globalement pour son exercice à la fameuse équipe éducative, le chef d’établissement ayant à répartir les rôles… En passant, pas un mot sur le rôle joué par les PsyEn, ex conseillers d’orientation-psychologues.
Donc l’année sera consacrée à éclairer le/les choix de l’élève et de sa famille. Et petite précision d’importance que l’on trouve en fin de cette note : « Les souhaits mentionnés sur la « fiche dialogue » font l’objet de recommandations du conseil de classe dès le deuxième trimestre. » Et surtout : « les familles émettront leurs choix définitifs en fin d’année scolaire, après l’avis du conseil de classe du troisième trimestre, en toute connaissance de cause, pour la réussite et l’implication de l’élève dans la suite de son parcours. »
Mais on voit ainsi que la démarche « éducative » risque, a toutes les chances de voir se transformer en une démarche d’influence plus ou moins pressante à fin de réduire les problèmes organisationnels engendrés par la réforme « libérale ».
Enfin remarquons le rappel de l’affirmation du nouveau statut du redoublement : « Sous réserve d’avoir mis en place des modalités de prise en charge des difficultés scolaires, un redoublement pourra être envisagé. » La difficulté à la mise en place de modalités particulière de prise en charge va bien entendu réduire le nombre de redoublants, mais ne va pas réduire l’idée du « redoublement » dans notre système éducatif qui marche toujours fondamentalement « à l’échec » pour paraphraser Antoine Prost.
Bernard Desclaux
Dernière modification le vendredi, 28 septembre 2018