- La première réaction semble l’ignorance trop souvent teintée de mépris. Les œillères. Le nez dans le guidon, la politique de l’autruche.
Je suis toujours fasciné par les références pseudo scientifiques qui ne mentionnent que ce qui est écrit en français, ne concerne que la France, dans le meilleur des cas l’Europe. Renforcé chez nous par un passé dominateur, ce mal courant est d’autant plus dommageable qu’il empêche de s’ouvrir sur un monde en pleine effervescence créative.
C’est l’univers dans lequel se meuvent nos politiques. Hommes et femmes. De droite comme de gauche. Et chez ceux qui réfutent l’inéluctabilité de la globalité la logique est simple : ils sont contre. Ils ignorent. Un point c’est tout.
- La seconde réaction – fréquente chez ceux qui acceptent ou encouragent la globalité - est le recours à un modèle, les Etats-Unis et, en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC), la Silicon Valley.
Mais qui dit « modèle » dit trop souvent « copie « . Ce qui ne mène à rien dans la mesure où la matrice espace-temps, le contexte, ne sont jamais reproductibles.
Et il n’y a pas de modèle sans idéologie.
Pourtant, dans mes voyages autour du monde de l’innovation, j’ai trouvé un nombre croissant d’entrepreneurs qui prennent ce qui vient d’ailleurs comme « inspiration ».
Un des plus beaux exemples m’a été donné par deux Indiens de Mumbai qui, désireux d’encourager l’émergence d’un écosystème innovant et conscient qu’ils ne pouvaient pas recréer la Californie, ont conçu la notion d’excubateur : une façon d’aider les startups sans les réunir sous un même toit (ce qu’interdit le temps de maturation nécessaire en Inde vu le prix de l’immobilier à Mumbai).
On passe ainsi de la copie à « l’adaptation », source, de « micro-innovations » selon le terme de Kai-Fu Lee, un Taiwanais qui a aidé Google à s’installer en Chine. Un excellent premier pas.
Ma nouvelle enquête sur les villes et leurs efforts pour devenir « intelligentes » me permet d’ajouter une touche. Je l’ai comprise à Hyderabad, au sud de l’Inde où l’essentiel du transport se fait par cyclopousses, les ordures sont partout et les smartphones trop rares.
Comme à Singapour (la ville la plus riche du monde) les hackers s’attaquent à résoudre les problèmes de la ville mais au lieu de créer des apps ils impriment des plans des lignes de bus qu’ils distribuent dans les échoppes proches des arrêts.
Alors que je lui demandais ce que sa ville pouvait nous enseigner, Mamtha Reddy, professeur àl’Indian School of Business, m’a répondu « la compréhension de la complexité ».
Par essence imparfaites et inéluctables les villes ne peuvent être ni copiées ni imitées. Mais chacune d’entre elles contient des milliers de pratiques, de projets ou d’idées susceptibles d’en inspirer d’autres. L’échange d’expériences est le seul recours.
Merci à Francis Pisani pour son autorisation
Publié sur Francispisani.net
Crédit photo : Richard Rhee/CC