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Publié par Laurence BEE, auteur de "Facebook et Twitter expliqués aux parents" (chez Numeriklivres), et... family manager 3.0

Son blog : Parents 3.0

"Quand mes enfants y sont, je ne suis pas tranquille. Je les surveille toujours de très près. Je fais en sorte que leurs yeux ne croisent pas toutes ces images choquantes qui les entourent, mais ça n’est pas facile. 

Depuis le temps qu’ils y vont, ils ont leurs habitudes et connaissent le site par cœur. Ils se dirigent directement vers le contenu qui leur est réservé, mais je ne suis jamais rassurée. Pour le moment, je pense avoir évité le pire, mais je reste sur mes gardes. Je sais qu’un jour, cela arrivera. Un jour, leur regard croisera une image violente, non adaptée à leur âge. C’est inévitable. Je m’y prépare. À chaque fois, j’ai l’impression d’être sur un fil ; il suffit d’un coup d’œil perdu à droite ou à gauche pour que le choc que je redoute se produise. Et maintenant que les deux tiers de mes petits zèbres savent lire, je suis encore moins rassurée : les contenus choquants, ce sont aussi les mots qu’ils peuvent être amenés à lire. Et ça ne manque pas. Moi-même il m’arrive d’être choquée par ce que mes yeux voient dès l’accueil. C’est vous dire le côté anxiogène de l’endroit.

Aujourd’hui par exemple, j’ai été soulagée que mes enfants ne soient pas avec moi, comme ils aiment le faire ordinairement quand ils savent que j’y vais : j’ai lu en arrivant « La petite fille est sortie en hurlant dans la rue : "Chez moi, il y a des morts partout !’’ », le tout écrit en lettres capitales, histoire de ne rien rater du caractère dramatique de l’affaire, et accompagné de la photo d’une fillette de l’âge de mes enfants. Et même si j’avais voulu l’éviter, ça n’était pas possible : l’affiche était placardée sur la porte, bien visible, à hauteur d’enfant. Si j’avais été sur Internet, j’aurais cliqué pour faire disparaître ce contenu choquant. Je crois surtout que je n’aurais jamais croisé son chemin puisque sur Internet, je peux agir sur les liens que je croise. J’ai le choix. Mais pas chez mon marchand de journaux.

Ah oui, parce que tout ce je vous raconte là, c’est chez mon marchand de journaux que ça se passe. Pas sur les écrans. Pas dans le virtuel. C’est du concret, du quotidien. Mes enfants viennent effectivement souvent avec moi pour acheter la presse. Et la presse, c’est le reflet de la vie : il y a des rayons « adultes » –certes en hauteur–, mais je crois que le contenu le plus choquant pour des enfants ne vient pas forcément des images, mais des mots. À ce jeu-là, le Nouveau Détective bat des records de vulgarité et d’angoisse gratuite dans l’exploitation surdimensionnée de faits divers sordides, et il est très bien positionné chez mon marchand de journaux… Je ne vais pas pour autant demander à mon marchand de journaux de supprimer ce torchon de ses rayons. Mais je vais apprendre à mes enfants à « faire avec », et à décrypter ce genre de contenu pour le dédramatiser et lui accorder la place qu’il mérite, c’est-à-dire la poubelle.

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Bon, voilà, j’ai l’air d’en faire un plat, mais en fait, pas vraiment. J’ai simplement voulu dire que le « danger », tellement inhérent à notre époque aseptisée qui s’alarme de tout et de rien, n’est pas forcément là où on croit, et qu’au final, je me sens –presque– plus tranquille quand mes enfants sont devant un écran que chez le marchand de journaux". 

An@é

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