Imaginons que le titre racoleur et catastrophique (au sens étymologique du terme) de l'ouvrage, son dessin sur la couverture, le choix des couleurs sombres ont plutôt été imaginés par les équipes marketing de l'éditeur. Voyons ce que les auteurs ont voulu exprimer...et comment :
Il faut dire, dès la première phrase de la quatrième de couverture on se demande jusqu'où iront Philippe BIHOUIX et Karine MAUVILLY : "pendant que certains cadres de la Silicon Valley inscrivent leurs enfants dans des écoles sans écran...".
Cette fameuse phrase... est-ce un produit issu de la mauvaise foi, ou de l'omission ? Non parce que dans la vraie vie, les enfants des cadres de la Silicon Valley, ils vivent reclus dans des grottes ? Serge TISSERON répondait à cette question lors d'Educrak 2015 : "les enfants des cadres de la Silicon Valley ont accès à des loisirs multiples en dehors de l'école, ils sont élevés dans des conditions très privilégiées"... imaginer que ces enfants n'ont pas un accès raisonné aux écrans dans l'ensemble de leur vie est une idée sur laquelle notre cerveau reptilien adore sauter...
Dans un souci d'approfondissement de l'enquête menée pour l'écriture du livre, on pourrait imaginer, à défaut de prendre l'avion pendant plus de 8 heures, aller voir, à Paris ou ailleurs, qui sont les enfants qui apprennent à coder lors d'ateliers hebdomadaire dispensés en dehors de l'école...
Ne jugeons pas ce travail sur une phrase, après tout.
Sur 223 pages, 50 pages sont consacrées au problème écologique posé par la production numérique et aux effets sur la santé. Ne connaissant pas suffisamment ces sujets, je me garderai bien de faire des commentaires sur ces points, en toute honnêteté.
Je me suis concentrée sur les points que je connaissais un peu mieux.
Introduction, page 17 : "Equiper chaque élève d'une tablette ou d'un ordinateur portable apparaît comme le nouveau graal de l'institution scolaire, un graal consistant à doubler chaque être humain d'une machine."
On parle de quel pays ? quelle période ? Non parce que si on parle de la France, de nos jours, j'ai dû louper un épisode. Que le souhait du président de notre république fût celui-ci au départ, il y a de nombreux mois, j'entends bien, mais que ce soit l'orientation du plan, depuis, et dans la réalité, à date, euh... dans les établissements connectés il y a des classes mobiles, oui, c'est vrai, plus ou moins d'équipement, ok, mais quels et combien d'établissements sont à ce point, tel que décrits par les auteurs, connectés ?
Alors après on ne sait pas tout, c'est sûr, mais au bout de 5 ans, JAMAIS je n'ai croisé des personnes qui militaient pour du 100% écrans, du 0 papier. JAMAIS. Même les plus innovants des enseignants n'utilisent pas les écrans autant que dit par les auteurs du livre. Par contre ils utilisent les écrans de manière très précise, pour servir des objectifs pédagogiques bien définis, et de fait, ce n'est pas pour couvrir absolument toutes les séances. Juste parce qu'utiliser pour utiliser c'est absurde.
Et imaginer que les enseignants exécutent des stratégies politiques ou commerciales comme Philippe BIHOUIX et Karine MAUVILLY nous le clament à longueur de leur livre, est atrocement réducteur pour le corps enseignant. Et tellement pas réel.
En terme de références, on ne peut objectivement pas dire que les auteurs n’ont pas parcouru nombre de rapports, études, essais... Ils s'appuient principalement sur les rapports de l'OCDE / PISA. J'entends bien, il faut bien partir de quelque part, une référence archi-connue et reconnue, c'est un point de départ stable. Rappelons juste les limites expliquées ici par exemple... http://www.apmep.fr/Informations-et-reflexions-sur-le
Page 66 du livre, il est question de l'écriture manuscrite versus l'écriture avec clavier, via une étude américaine. Sinon le Professeur VELAY, en France, travaille sur ces questions depuis quelques temps déjà... et explique justement qu’écrire à la main permet de mieux lire, entre autres. Et il est entendu. Car nulle part dans notre pays il n’est question d’abandonner l’écriture manuscrite.
Page 77, Pascal PLANTARD est cité, de manière partielle (ou partiale ?), mais pas sur INEDUC, malheureusement. De même pour les travaux de TRICOT et AMADIEU, ou Bruno DEVAUCHELLE. Savent-ils qu'ils sont cités ici, de cette manière, d'ailleurs ?
p159 "Pour l'essentiel, on l'a vu, les outils du numérique ne sont ni fabriqués, ni assemblés en France, ni même en Europe." Ah bon. "UNOWHY maîtrise tous les métiers de la distribution de contenus numériques, depuis la fabrication, en France..."
P214 "Piste intéressante [paramétrer un chronomètre dans les jeux vidéos des enfants], même si elle en dit long sur l'autorité perdue des parents..." Eh oui. L'AUTORITE. Le mot magique. Celui qui permet de mettre tout le monde d'accord. Enfin surtout celui qui l'exerce, l'autorité. Mais bon, c'est un détail...
Comment fait-on pour éduquer des enfants libre de penser, de faire, capable d'émettre une pensée critique, en 2016 ? Pour les auteurs, il faut, le temps de l'école, les isoler du monde moderne dans lequel ils vivent. Le fameux débat : l'école doit éloigner / interdire ou bien doit-elle apprendre à se servir des éléments environnants pour ne pas être desservie et desservir les enfants ?
Comme s'il fallait apprendre à nager sans jamais être immergé dans l'eau. C'est un point de vue, c'est sûr.
En espérant que, si jamais les auteurs du livre lisaient ces quelques lignes ne tiennent pas rigueur d'un style très éloigné de celui de Victor Hugo... ;o)
Dernière modification le lundi, 05 septembre 2016