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Plus connu pour ses talents de chef d’entreprise, le tout récent secrétaire national à l’UMP évoque dans son dernier livre « Puisque c’est impossible, faisons-le » quelques chapitres consacrés à l’éducation pour ouvrir un chantier fondateur alors que celle-ci serait au bord du gouffre.

Il est vrai que le bilan du service public d’éducation est aujourd’hui dégradé au regard de sa situation il ya 10 ans, comme le rappellent sans cesse toutes les enquêtes et évaluations internes et externes.

Le plaisir de se battre la coulpe et de dénoncer l’inefficacité de l’éducation nationale confine d’ailleurs quelquefois à une pratique auto punitive comme si la rédemption viendrait d’abord et avant tout par le supplice de la critique.

 Il faudra peut être aussi rappeler un jour, sans être aveugle, les mérites de notre école qui continue, malgré tout, à jouer un rôle important en terme d’émancipation. Il est vrai aussi qu’aujourd’hui la société lui donne une fonction « plus importante » : celui de faire réussir et d’intégrer la vie active.

Nous même d’ailleurs portons très souvent le débat sur les difficultés du ministère et du « système » à se réformer, mot magique abondamment utilisé depuis 5 ans pour imposer une vision de l’école plus libérale dépolluant définitivement l’école du pédagogisme et des esprits soixante-huitards.

Liberté(s), maître mot, pour tous les républicains et les démocrates !

La vision « beigbederiste » de l’école rappelle étrangement les positions de Nicolas Sarkozy pendant la campagne des élections présidentielles 2007, chantant les louages de l’autonomie absolue des établissements, conférant des droits et libertés nouveaux aux parents et souhaitant la révolution silencieuse en rapprochant les deux systèmes d’éducation, public et privé au titre de la liberté du marché scolaire.

Le résultat cinq ans plus tard est significatif. Les grandes décisions ont porté sur la chasse aux postes, 80 000 équivalents temps pleins ( des centaines de mobilisations se font jours pour dénoncer le dogme de la suppression d’un emploi sur 2 de fonctionnaires partant à la retraite), la réforme de la semaine à 4 jours ( pour aujourd’hui constater que les écoliers français sont ceux qui, en Europe, vont le mois à l’école !), la quasi disparition de la carte scolaire ( qui a renforcé la ghettoïsation et entretenue un vrai faux choix pour de nombreuses familles fixées par nécessité dans leurs quartiers)

Les propos de l’apôtre Charles sont dans le droit fil idéologique de son maître à penser « Je dirai que l’Éducation nationale est victime du syndrome de « l’État nurserie » dénonçant à la fois l’égalitarisme(« qui confine tôt ou tard à l’apathie généralisée ») érigé comme doctrine quasi totalitaire et le rôle de l’école qui doit être d’abord et avant tout centrée sur les apprentissages « lire écrire et compter ». Quelle révolution !

La lecture critique des propos permet de souligner la conception très droitière de M.Beigbeder, confondant à souhait la responsabilité et la culpabilité à travers la méritocratie.

Cette théorie du bon sens, éprouvée là encore maintes et maintes fois, revient à exonérer la société de son rôle quant à la fabrique consciente et inconsciente des inégalités sociales et scolaires.

Renvoyer sur l’individu et sa famille le poids de son échec, renvoyer sur l’élève et ses parents l’incapacité chronique, par manque de volonté, à travailler et à réussir..

« Les graves lacunes dont souffrent les Français en matière de compréhension de l’économie, et qui ont un impact important en termes de pédagogie et de faisabilité des réformes, trouvent leur origine dans l’éducation. De même, l’incompréhension du fonctionnement de l’Union européenne, y compris parmi nos étudiants impliqués dans les études supérieures, participe de son déficit de légitimité. »

Il parait certain M.Beigbeder, tout à fait certain, que le déficit d’Europe dont nous souffrons s’explique largement l’incapacité à enseigner celle-ci aux élèves et non à l’absence claire de pilotage de l’Union Européenne…Sic !

Le pilonnage en règle du collège unique répond lui aussi à cette volonté de trier au plus tôt la population scolaire et d’utiliser celui-ci pour le vivier potentiel d’emplois dont les entreprises ont besoins. C’est le retour annoncé, comme l’indique le programme de l’UMP, à l’orientation sélective en fin de 5éme traduit aussi par la volonté de créer deux types de collèges différents.

« Cette refonte du collège unique est aussi la meilleure solution aux échecs de l’orientation. Nous avons en France 250.000 à 500.000 postes non pourvus. Ce volant d’emplois, s’il était rempli, correspondrait à une diminution du chômage supérieure à 10%. »

La promotion de nouvelles écoles libres à l’image de l’expérimentation Anglaise laisse elle aussi songeur.

« Ces écoles libres peuvent être fondées par des groupes de parents, des professeurs, des fondations, des universités, des groupes religieux ou associatifs. Elles sont dirigées par des tiers indépendants du ministère de l’Éducation ou des collectivités locales qui se contentent alors de les financer. Elles ont un pouvoir renforcé sur le choix et la rémunération des enseignants, la constitution des programmes et le calendrier scolaire. Je suis cette initiative avec intérêt et pense même que nous pourrions consacrer une ligne de crédit à l’expérimentation d’un tel programme sur un territoire déterminé. »

La boucle est bouclée. Le dernier étage constitutif au grand rêve de la droite est en passe d’être réalisé : la constitution d’un marché de l’école dans lequel chacun viendrait faire ses courses et soumettant tous les établissements à la concurrence libre et loyale. Pour le plus grand mérite de tous…évidemment !

Caremelle Olivier

Enseignant et militant pour la promotion du service public d’éducation. Adjoint au maire de Lomme, délégué à la culture et au projet éducatif global.