Quatre célèbres romans
En garde ! offre un dialogue entre littérature et Histoire à partir de Traités d’escrime, de gravures, d’épées, d’affiches de la Cinémathèque-Paris… Comme pour les costumes composés par le chef-costumier de l’Opéra national du Rhin, il s’agit d’interprétations librement inspirées de romans de cape et d’épée et de ce que peut être la représentation d’un mousquetaire au XXIe siècle. Chloé Carré, commissaire de l’exposition et directrice de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, a privilégié une approche inattendue de l’escrime, non figée dans une dimension historique et ouverte sur la littérature, le multimédia et la pop culture. Quatre célèbres romans enrichissent les thématiques : Le Capitaine Fracasse (1861-1863) de Théophile Gautier, Cyrano de Bergerac (1897) d’Edmond Rostand, Les Trois Mousquetaires (1844) d’Alexandre Dumas et Le Bossu (1857) de Paul Féval. Des QR Codes permettent d’écouter des extraits sonores.
Joachim Meyer, Gründliche Beschreibung der ...Kunst des Fechtens, Strasbourg, 1570 © Ville de Sélestat
L’ouvrage sur l’escrime de Joachim Meyer (1537-1571) est contextualisé dans l’Histoire européenne de cette discipline avec des Traités italiens, français et de l’école espagnole. Ce guide pédagogique est exposé en fin de parcours, avec la possibilité de le feuilleter virtuellement.
La première thématique porte sur les transmissions, ce sujet est commun aux romans, plus particulièrement dans Le Bossu. Le personnage principal, très bon escrimeur comme son rival le chevalier Henri de Lagardère, a été formé par des maîtres d’armes qui finissent par être dépassés par leurs élèves. Sont évoquées les notions de respect, d’admiration et les fameuses « bottes secrètes », ces parades et techniques infaillibles pour vaincre l’adversaire.
Accessoire de mode
Les Traités révèlent qu’au XVIe siècle, des compétitions d’escrime notamment à Strasbourg étaient accompagnées de musiciens avec un public. Par les jeux de rythmes, l’exigence de la maîtrise du corps et même le tempo, l’escrime est à rapprocher de l’univers de la danse. Les maîtres de ballet et les auteurs de Traités d’escrime représentent sur papier les mouvements, les traces de pas pour réaliser une parade. Les positions de garde sont restituées en une seule image mais les ripostes et contre-ripostes correspondent à des enchaînements de mouvements traduits par une succession d’illustrations.
Jacques Callot, estampe de la série La Noblesse, 162 ... Estampes et des Dessins des musées de Strasbourg
La partie consacrée aux duels comporte un élégant baudrier pour épées. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, les mousquetaires n’ont pas d’uniformes et doivent s’équiper eux-mêmes. Un passage des Trois Mousquetaires décrit cette recherche d’équipements. L’épée est un moyen de distinction sociale et un accessoire de mode. Ciselée avec finesse par des orfèvres, c’est une arme d’apparat dont la fonctionnalité est réalisée par les fourbisseurs et les forgerons. Les gravures de Jacques Callot (1592-1635) présentent des personnages aux tenues soignées et raffinées. Le dessinateur-graveur a illustré différents métiers, et des aristocrates – sous l’Ancien Régime, les nobles sont autorisés à porter l’épée hors période de guerre. Sur les champs de bataille, Callot a observé les soldats Lorrains, Allemands et Français. Il a vécu à Florence et s’est intéressé aux personnages de la Commedia del arte. Le Capitaine Fracasse raconte les péripéties d’un gentilhomme : le baron de Sigognac manie très bien l’épée et interprète également un soldat fanfaron. Un livre illustré par Gustave Doré est ouvert sur le passage où Théophile Gautier cite Callot pour décrire un personnage.
L’exposition qui se poursuit par des espaces interactifs consacrés aux jeux vidéo, à la lecture et au cinéma, traite bien sûr du panache dont sont dotés les héros de cape et d’épée. A cette section, un texte de Cyrano de Bergerac peut être lu et entendu. Dans son sens premier, le panache est un bouquet de plumes qui distingue le chef de ses soldats. Edmond Rostand a proposé une définition imagée : « Plaisanter en face du danger, c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime. » L’exposition renouvelle le regard sur l’escrime – discipline olympique. Les mythes littéraires qui se sont inspirés de l’Histoire continuent à fasciner et à être réinterprétés par les artistes.
Fatma Alilate
Exposition En garde ! Bibliothèque Humaniste, Sélestat
Jusqu’au 10 novembre 2024
Commissariat :
Chloé Carré, directrice, Bibliothèque Humaniste Sélestat
Adeline Gaffez, chargée des collections, Bibliothèque Humaniste Sélestat
Laurent Naas, responsable scientifique, Bibliothèque Humaniste Sélestat
Conseillers scientifiques :
Julie Anselmini, professeure de littérature française, département de lettres modernes, Université de Caen
Olivier Dupuis, chercheur indépendant spécialisé dans l’Histoire de l’escrime et la sociologie des escrimeurs
Daniel Jaquet, chercheur associé, département d’Histoire médiévale, Université de Berne
Sarah Mombert, maîtresse de conférence en littérature du XIXe siècle, École Normale Supérieure de Lyon
L’exposition En garde ! est labellisée Olympiade culturelle et s’inscrit dans la programmation de Strasbourg, Capitale mondiale du livre UNESCO - 2024.
Dernière modification le vendredi, 06 septembre 2024