Quel regard portez-vous sur le récent vote du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour le déploiement des manuels numériques dans les lycées de la région ?
Martine Gadille : Dans une politique de manuels numériques, je vois d’abord l’équipement numérique, en termes de tablettes ou d’ordinateurs par exemple. Il y a ensuite la logique des contenus. Ce sont deux choses différentes. Je pense que la politique d’équipement, en soi, mérite réflexion car l’usage de la tablette peut ne pas se limiter à l’usage d’un ouvrage. On peut en intégrer d’autres. Par ailleurs, la tablette est un outil qui peut être rare, selon le contexte social. Par conséquent, quand on va l’équiper avec des ouvrages scolaires numériques, il est indispensable que le dispositif puisse servir à autre chose, à d’autres usages, y compris pédagogiques dans la relation entre les professeurs et les élèves.
Peut-on imaginer qu’un tel dispositif aboutisse à l’apparition de certaines inégalités dans la capacité d’utilisation de l’outil numérique entre les élèves ?
M.G. : Déjà, dans la vie courante, tous les élèves ne sont pas égaux face à l’usage d’un manuel. Tous n’apprennent pas de la même façon. Il existe de véritables différences dans la mobilisation de cet outil pédagogique. Par ailleurs, les manuels numériques posent la question de la littératie numérique, l’aptitude à utiliser les outils. Sur ce point, il peut y avoir des différences. Mais, je dirais que c’est très diversifié. Ce qu’on voit, c’est qu’avec le développement des jeux vidéos multijoueurs en ligne, la littératie numérique est très développée chez les joueurs en ligne : sur l’usage du tchat, les interactions au sujet des règles du jeu… On parle du développement d’une forme de citoyenneté en relation avec une éducation populaire numérique. Bien sûr, cette pratique n’est pas diffusée de façon égale dans tous les foyers. Et ce n’est pas forcément une question de moyens financiers.