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André Tricot est professeur de psychologie à l’Université Paul Valéry Montpellier 3, EPSYLON Lab. Son travail de recherche concerne les apprentissages et la recherche d’information avec des documents numériques, selon une approche cognitive et ergonomique. Il s’intéresse à la théorie de la charge cognitive et à l’ergonomie des interfaces homme-machine.

Interview réalisée par Anne Bernard-Delorme, décembre 2019 à propos de la théorie de la charge cognitive et de ses conséquences pour l’éducation. https://synapses-lamap.org/2020/01/07/interview-quest-ce-que-la-charge-cognitive/

 

Avant de nous donner une définition de la charge cognitive, pourriez-vous nous donner deux exemples concrets tirés de la classe ?

Si je donne le mot « chenil » à lire à une élève, la charge cognitive va différer selon que cette élève sait lire, sait reconnaitre les lettres ou ne sait ni l’un ni l’autre. L’élève qui a automatisé la lecture va avoir besoin de très peu de ressources cognitives pour lire le mot. En revanche, l’élève qui est en train de découvrir les lettres va devoir fournir un effort pour reconnaitre la lettre « c », puis la lettre « h », puis « e » etc. Elle va aussi devoir fournir des efforts, peut-être pas à sa portée, pour retrouver le son que font les lettres « ch » ensemble. Le fait que ce mot soit relativement peu fréquent dans la langue française, peut-être même ignoré de cette élève, va ajouter à la charge (pour plus de détails sur les difficultés probables d’une élève de CP dans la lecture du mot « chenil » voir www.manulex.org).

De même, si je vous demande de calculer 3 x 7, vous aurez besoin de très peu de ressources pour trouver la réponse. 3 x 21 vous demandera un peu plus. 47 x 63 un peu plus encore. 638 x 823 est très exigeant. Dans une étude menée par le psychologue Alfred Binet en 1894, deux caissiers du Bon Marché mettaient respectivement 4 et 12 secondes pour effectuer ce dernier calcul. La charge est probablement plus faible pour eux que pour vous. Sauf si la tâche vous semble infaisable et que vous renoncez d’emblée : la charge sera alors très basse. La charge cognitive est donc fonction de la difficulté de la tâche pour un individu, mais quand un seuil de difficulté est atteint, ou quand l’individu décide d’arrêter, la charge baisse ou disparaît.

Petit glossaire

Une tâche correspond à un but à atteindre dans un environnement au moyen de connaissances, c’est-à-dire d’actions (physiques) ou d’opérations (mentales) ;

Un problème est une tâche qu’on ne sait pas réaliser ;

Une connaissance est une trace du passé (action, opération, émotion, sensation) que l’on parvient à mobiliser alors même qu’on peut avoir oublié sa source ;

Un savoir est une connaissance collective, partagée par un groupe humain, sur le fond comme sur la forme (i.e. elle est instituée).

Pouvez-vous nous définir maintenant ce qu’est la charge cognitive?

La charge cognitive correspond à la quantité de ressources cognitives investies par un individu lors de la réalisation d’une tâche. Elle dépend

  • de la complexité de la tâche (le nombre d’éléments à traiter et à mettre en relation)
  • des ressources de l’individu (ses connaissances à propos de cette tâche) 
  • et de la manière dont la tâche est présentée.

Par exemple, « calculer 3 paquets de 10 gâteaux » ou « calculer 10 paquets de 3 gâteaux » ne présente pas la même exigence pour des élèves de CE1. Calculer 10 + 10 +10 est peu exigeant, par rapport à 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3. Passer par la multiplication fait baisser la charge, dans les deux cas, encore faut-il maitriser la multiplication. Ceci a été montré par deux chercheurs en psychologie cognitive (Brissiaud & Sander, 2010).

La charge cognitive est un concept qui date des années 1960, elle est utilisée dans diverses disciplines de la psychologie (notamment cognitive, sociale, du développement, neuropsychologie) et dans de nombreux domaines d’application : sécurité des transports, ergonomie des systèmes d’information, effets du stress sur les performances sportives, etc. ainsi donc que, pour ce qui nous intéresse ici, l’éducation.

Quand et pourquoi la théorie de la charge cognitive a-t-elle été élaborée ?

La « théorie de la charge cognitive » a été introduite par un chercheur en psychologie de l’éducation, John Sweller. Elle désigne une théorie qui a utilisé le concept de charge cognitive dans le domaine de l’éducation. Elle est présentée dans un article publié en 1988 dans Cognitive Science, mais fondée sur des travaux du même auteur publiés depuis 1982. La question de départ est extrêmement simple : la résolution de problèmes interfère-t-elle avec l’apprentissage ? En effet, chercher à résoudre un problème représente une tâche cognitive.

Apprendre, c’est-à-dire modifier ses connaissances, en est une autre. La résolution de problèmes est le moyen. L’apprentissage est le but. La résolution de problèmes et l’apprentissage sont donc deux activités différentes, chacune comportant sa charge cognitive propre. Comme notre capacité à traiter l’information est limitée, si le moyen est trop exigeant, il n’y aura peu ou pas de ressources pour apprendre. 

Peut-on réduire la charge cognitive associée à la résolution d’un problème ?

Une façon de réduire la charge cognitive associée à la résolution de problèmes est d’utiliser une présentation du problème sans spécifier de but.

Sweller et Cooper (1985) ont montré que le même problème présenté sans but spécifié améliore l’apprentissage par rapport à une présentation conventionnelle (voir figure).

 

La raison en est que les deux problèmes permettent d’apprendre à mettre en œuvre les mêmes connaissances, mais la première présentation est moins exigeante. En fait,  elle exonère l’élève du raisonnement qui consiste à décider de calculer l’angle ABC d’abord, les informations fournies ne permettant pas de calculer directement DBE.  En rendant le problème moins exigeant, on le met à la portée d’un nombre plus important d’élèves, leur permettant ainsi d’apprendre comment calculer l’angle DBE. Cet exemple montre que réduire la charge cognitive peut permettre de favoriser l’apprentissage des élèves les plus en difficulté.

D’autres façons de réduire la charge sont encore plus simples : on peut notamment donner un problème résolu à étudier avant de donner un problème à résoudre favorise l’apprentissage. Cet effet a été répliqué des centaines de fois. Par exemple, au lieu de donner aux élèves une tâche de rédaction, on leur donne d’abord une tâche d’étude d’une bonne rédaction. Dans une étude concernant une tâche de rédaction particulièrement exigeante, des étudiants coréens devaient rédiger un texte en anglais. Un groupe étudiait une rédaction préalablement, tandis qu’un autre groupe rédigeait un texte préalablement. Dans un second temps, les deux groupes devaient rédiger un texte sur un sujet identique. Les résultats montrent que le premier groupe écrit une rédaction de meilleure qualité que le second. Un résultat analogue a été obtenu avec une autre tâche de rédaction exigeante (rédiger un texte argumentatif en sciences).

Autre exemple : dans un cours de droit sur la cour européenne de justice, le texte à étudier est présenté en allemand (problème classique à l’université ou dans les sections européennes au lycée) ou en allemand avec la traduction en français en vis à vis (problème résolu). Les étudiants qui ont eu le texte traduit non seulement comprennent mieux les notions de droit abordées dans le texte, mais apprennent plus de lexique en allemand et sont plus capables de réinvestir ce lexique dans d’autres contextes linguistiques. 

Ainsi, peu à peu, une quinzaine d’« effets » ont été mis au jour (ou redécouverts), quinze manières d’améliorer les apprentissages scolaires en réduisant la charge cognitive, quand les élèves en ont besoin. Elles sont résumées dans le tableau suivant.

 

 

La théorie de la charge cognitive conduit-elle à une méthode d’enseignement particulière ? 

La théorie de la charge cognitive n’est pas une méthode d’enseignement, elle ne dit pas aux enseignants comment il faut enseigner. Elle produit des connaissances (les 15 effets présentés dans le tableau) que les enseignants peuvent utiliser lorsqu’ils conçoivent des situations d’enseignement. Selon la tâche proposée, le support envisagé ou le niveau des élèves, les connaissances pertinentes sont différentes.

La théorie de la charge cognitive est-elle fondée sur des connaissances scientifiques solides? 

La théorie de la charge cognitive est fondée sur la réalisation d’expérimentations randomisées contrôlées. Pour obtenir un « effet » il faut que celui-ci ait donné lieu à des réplications dans des disciplines différentes, avec des élèves d’âges différents, dans des pays différents. 7000 à 8000 expérimentations relevant de cette théorie ont été publiées à ce jour.

La majorité des expérimentations conduites dans le cadre de la théorie de la charge cognitive sont conduites en classe et non pas en laboratoire. Mais ce sont des situations de classe expérimentales : la distribution des élèves dans les conditions expérimentales est aléatoire. La consigne, le matériel expérimental, le temps imparti, l’évaluation de l’apprentissage : tout est strictement contrôlé. 

 

 

Qu’est-ce qui fait qu’une tâche devient plus exigeante qu’une autre en terme de charge cognitive?

On peut analyser l’exigence cognitive de chaque situation d’apprentissage scolaire comme relevant de trois sources (Sweller, Van Merrienboer, & Paas, 2019) :

– la charge intrinsèque, liée aux informations à traiter et à mettre en relation pour réaliser la tâche. Rappelez-vous du problème « calculer 3 paquets de 10 gâteaux » ou « calculer 10 paquets de 3 gâteaux ».

– La charge extrinsèque, liée aux informations inutiles. Maints supports scolaires (manuels, fiches) comportent des images, des liens hypertexte, des différences de typographie qui constituent autant d’exemple d’informations parasites par rapport à la tâche à accomplir. 

– La charge essentielle, liée à l’apprentissage lui-même, c’est-à-dire à la transformation de connaissances. Une élève qui apprend beaucoup de connaissances, qui modifient en profondeur ses connaissances antérieure aura une charge plus importante qu’une élève qui n’apprend rien (par exemple parce qu’elle sait déjà ce qu’on veut lui enseigner). 

Si la charge intrinsèque et/ou la charge extrinsèque sont trop élevées,  il ne reste plus de ressources pour la charge essentielle, c’est-à-dire pour apprendre. Mais dans le cas d’un élève qui a beaucoup de connaissances dans un domaine concerné, on peut augmenter l’exigence de la tâche de manière qu’il fournisse plus d’efforts, et qu’elle l’engage plus. Il est bénéfique de produire un effet de « difficulté désirable » (Bjork, 2017).

La théorie de la charge cognitive n’implique donc pas qu’il faut systématiquement baisser l’exigence de la tâche ou l’effort demandé aux élèves, mais calibrer cette exigence en raison des ressources de chaque élève, par rapport à chaque apprentissage visé. Les connaissances d’un même élève varient d’un domaine à un autre. Il est donc important de s’y adapter.

Tous les apprentissages impliquent-ils la théorie de la charge cognitive ?

Oui, les apprentissages scolaires impliquent tous la théorie de la charge cognitive, mais tous les apprentissages ne présentent pas la même exigence. 

On peut notamment faire la distinction entre apprentissages adaptatifs de connaissances primaires comme la langue maternelle orale ou la reconnaissance de visages – qui sont peu ou pas exigeants cognitivement – et apprentissages secondaires comme l’apprentissage de la lecture ou les mathématiques – qui le sont plus  (Geary, 2008). 

Les êtres humains, comme les autres animaux, ont une capacité d’apprentissage qui correspond à leur capacité à s’adapter à leur environnement et aux changements de cet environnement. Les humains sont capables d’apprendre en s’adaptant à leur environnement physique, vivant, social, culturel, linguistique, familial, affectif, etc. Par exemple, si un enfant grandit dans un contexte où on parle anglais, il va apprendre à parler anglais, tandis que s’il grandit dans un contexte où on parle français, il va apprendre à parler français. S’il grandit au Groenland, il apprendra à percevoir de nombreuses nuances de blanc de différentes neiges, tandis que s’il grandit à Marseille, il saura qu’il existe LA neige et qu’elle est blanche. Les apprentissages adaptatifs se réalisent en immersion: l’enfant joue, explore, il interagit socialement avec les adultes et avec les autres enfants et il acquiert ainsi, par l’observation et l’imitation, chaque jour de nouvelles connaissances sur son environnement matériel et social. Les apprentissages primaires n’ont pas besoin de l’école pour se faire, ni d’autres formes structurées de transmission des connaissances culturelles. Ils se font spontanément et comportent une motivation intrinsèque et un plaisir naturel. Cependant, la limite de ces apprentissages réside dans le fait qu’il est difficile pour un individu de prendre connaissance de cette manière des conquêtes de nos cultures. 

Pour pallier cette limite, toutes les sociétés humaines ont développé des stratégies pour transmettre leurs inventions, leurs innovations, leur culture. Certaines d’entre elles ont créé des écoles. En allant à l’école, les enfants pourront apprendre des connaissances qui ne correspondent pas à leur quotidien.  Mais avec une exigence cognitive qui augmente.  

Les apprentissages scolaires reposent sur la mise en œuvre de tâches exigeantes comme la résolution de problèmes, la lecture de textes, la recherche documentaire, la préparation d’exposés, l’écoute du professeur qui explique quelque chose.  C’est pour cette raison que la théorie de la charge cognitive y a toute sa place. 

 

 

Quelles sont les relations entre charge cognitive, attention et mémoire ? 

La théorie de la charge cognitive implique que nos ressources cognitives sont limitées. Mais de quelles ressources s’agit-il? Essentiellement de notre attention et de notre mémoire de travail. Une information est gardée en mémoire de travail le temps nécessaire pour l’analyser,  la transformer, la mettre en relation avec d’autres informations, et éventuellement la mémoriser, c’est-à-dire la transférer dans la mémoire à long terme sous forme de souvenir ou d’apprentissage.  Ces opérations demandent de l’attention. Le traitement de l’information est donc affecté par les limites de notre mémoire de travail et par celles de l’attention. Plus une tâche demande d’attention, plus elle est exigeante du point de vue de la charge cognitive. 

Les apprentissages scolaires sont souvent explicites et, en tant que tels, ils mobilisent de l’attention. Ils impliquent souvent des tâches supplémentaires que l’on peut différencier de la connaissance à apprendre.  L’effort attentionnel des élèves est alors triple : ils doivent mobiliser leur attention pour réaliser la tâche, pour traiter le support pédagogique et pour apprendre.

Est-ce la même chose pour la mémoire à long terme?

C’est l’inverse en fait.  La mémoire à long terme permet de faire baisser la charge cognitive.

La mémoire de travail, à court terme, est limitée. Par contre, on ne connait pas les limites de la mémoire à long terme, certains la disent illimitée. Apprendre a comme conséquence de modifier, construire, élaborer des connaissances en mémoire à long terme. Quand nous traitons un aspect du monde qui est nouveau, qui ne correspond pas à une connaissance de la mémoire à long terme, la charge cognitive en mémoire de travail est importante. Quand, au contraire, nous traitons un aspect du monde qui est bien connu, qui correspond à une connaissance de la mémoire à long terme, la charge cognitive est très faible. Pour prendre un métaphore, la mémoire de travail ouvre une petite porte du monde extérieur vers la mémoire à long terme, rendant l’apprentissage couteux. La mémoire à long terme ouvre une grande porte en mémoire de travail vers le monde connu, nous rendant efficaces dans les domaines où nous sommes experts. 

Sweller et quelques autres ont discuté de l’avantage, au plan évolutif, de cette contrainte « à sens unique », qui expliquerait notamment pourquoi les connaissances ont pris tellement d’importance dans notre espèce. Nous avons une capacité de mémoire de travail plus faible que nos cousins les chimpanzés et c’est peut-être pour répondre à cette faiblesse que nous avons développé des connaissances. 

Ainsi, le fait de posséder des connaissances dans sa mémoire à long terme a un effet presque paradoxal : celui d’aider à apprendre et à résoudre des problèmes du même domaine de connaissance.

Si vous voulez prédire la capacité d’un élève à résoudre tel problème de physique, ne vous demandez pas s’il est intelligent ou créatif ou indépendant à l’égard du champ, demandez-vous plutôt s’il a appris les connaissances spécifiques en sciences physiques qui permettent de résoudre ce problème (Chi, Feltovich, & Glaser, 1981 ; Tricot & Sweller, 2016).

Dans l’exemple que j’ai pris ci-dessus à propos du calcul des angles du triangle, posez-vous simplement la question : quelles connaissances enseigner pour que les élèves puissent résoudre le problème ? Des stratégies générales de résolution de problème ? Ou le fait que « la somme des angles d’un triangle est égale à 180° » et que « les angles opposés par le sommet sont égaux » ?

La réduction de la charge cognitive est-elle particulièrement cruciale chez certains enfants souffrant de troubles de l’apprentissage ? 

Oui, très probablement. C’est un domaine qui a encore été très peu investi par les chercheurs, mais il y a de très sérieuses raisons de croire que la théorie de la charge cognitive serait pertinente pour concevoir des situations d’enseignement adaptées aux élèves porteurs de troubles de l’apprentissage. Par exemple, quand on regarde les conseils de « bon sens » donnés aux enseignants pour aider les élèves dyslexiques on trouve souvent : « passez par l’oral ». Le raisonnement est que la présentation orale de textes écrits réduit les exigences de la lecture, ce qui permet la compréhension. Pourtant, la littérature empirique sur le sujet est bien loin de soutenir cette préconisation (voir la méta-analyse de Wood et al. 2018). Il semble que le conseil de bon sens ait en effet oublié qu’un texte entendu plutôt que lu présente un inconvénient : c’est un flux continu d’information (effet n° 12 dans le tableau). Au contraire un texte écrit permet de s’arrêter, de revenir en arrière sur ce que l’on n’a pas bien compris, de souligner, d’écrire des notes. Pour être efficace, un texte entendu plutôt que lu pourrait sans doute comporter des pauses, pendant lesquelles les élèves arrêtent d’écouter pour se focaliser sur la compréhension (Vandenbroucke & Tricot, 2018; Tricot et al., in press; Wood et al. 2017). Mais ce dernier point reste à répliquer.

Y a-t-il des matières parmi celles qui sont enseignées à l’école qui sont particulièrement lourdes en charge cognitive ? Ou, autrement dit, des matières où il est particulièrement difficile pour l’enseignant de réduire la charge cognitive ?

Des matières non, pas à ma connaissance. Des manières oui, et malheureusement ce sont souvent les approches qui voudraient rendre les apprentissages scolaires plus intéressants, plus ouverts : la démarche d’investigation quand elle est utilisée comme moyen d’apprendre des connaissances en sciences, sans avoir été enseignée elle-même ou sans être fortement guidée ; les tâches complexes abordées sans que les connaissances nécessaires à leur mise en œuvre n’aient été préalablement enseignées ; les apprentissages par le jeu, quand celui-ci sollicite trop de ressources attentionnelles et ne laisse pas de place à l’apprentissage ; la pédagogie de projet quand le projet lui-même présente des exigences éloignées de la connaissances à apprendre et/ou quand les connaissances pour réaliser celui-ci n’ont pas été enseignées. La liste est longue encore.

Quel est votre avis sur les outils numériques ?

Impossible de répondre dans le cadre cet interview. Voir le prochain rapport du CNESCO à paraître sur ce thème. Il fait plusieurs centaines de pages.

Peut-on parler d’une charge cognitive chez le professeur en train de faire sa classe ?

Je crois que oui, absolument. C’est un métier d’une exigence démesurée, avec typiquement une double tâche : réussir à enseigner, c’est-à-dire à faire apprendre aux élèves les connaissances visées en leur faisant réussir les tâches envisagées ; réussir sa classe, c’est-à-dire la gestion des interactions entre les élèves et soi-même, et entre les élèves entre eux. Et cette double tâche est dynamique, elle évolue constamment, et doit être régulée constamment (Dessus et al. 2015). Heureusement, avec l’expérience, nous automatisons beaucoup de connaissances à propos de l’enseignement, certains de ces connaissances importantes sont assez « primaires » (au sens de Geary), mais le risque est alors grand de nous faire piéger par nos automatismes.

Article publié sur le site : https://synapses-lamap.org/2020/01/07/interview-quest-ce-que-la-charge-cognitive/
Interview réalisée par Anne Bernard-Delorme, décembre 2019

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Références

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Dernière modification le mercredi, 15 janvier 2020
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