Année 1968 : début de l'aventure Université de Vincennes.
Une université pensée pour partager le savoir, sans aucune condition de diplôme ou d'âge.
Il se trouve que Virginie LINHART a émis un souhait : que madame la ministre voit son film.
Elle a été exaucée.
Hier soir N. Vallaud Belkacem a regardé le film et participé au débat en présence de la réalisatrice, et de Claude Mouriéras, directeur de l'école Ciné Fabrique. Débat animé par The conversation France.
Mai 68 : les étudiants occupent l'espace public : "La rue est à eux il sont nombreux, bruyants, révoltés : il faut exiler les trublions du quartier latin."
Alors Edgar Faure leur construit une université. Dans le bois de Vincennes. 30 000 mètres carrés, en 3 mois. (Oui, du coup, sans trop de pierres de taille). Pour accueillir 8 000 étudiants. (Il seront 30 000 10 ans après.)
"Ils se retrouvent autour d'un espoir fou : tout changer."
Pour voir le film c'est ici : http://www.arte.tv/guide/fr/059529-000-A/vincennes-l-universite-perdue
Le synopsis :
"Dans le bois de Vincennes, jadis, il existait une université révolutionnaire. Là-bas, les fils de bonne famille pouvaient s'instruire aux côtés d'étudiants venus du monde entier, le bachelier studieux côtoyait des femmes et des hommes aux parcours sinueux.
Là-bas, on expérimentait : suppression des cours magistraux, des limites d'âge, ouverture aux paysans, aux ouvriers et aux non diplômés, naissance d'un département de psychanalyse, de cinéma, création de cours du soir pour les salariés, d'un souk, d'une crèche...
Autant de choses impensables pour un pouvoir gaulliste à bout de souffle, protecteur d'un monde ancien. Mai-68 est passé par là et pendant douze ans, Vincennes vit, s'agite, dérange, attirant les meilleurs professeurs du pays, marqués (très) à gauche : Michel Foucault, Gilles Deleuze, Hélène Cixous, François Châtelet, Jean-François Lyotard, Madeleine Rebérioux, Jacques Rancière ou encore Robert Castel.
"La forêt pensante" devient le lieu de référence mélangeant militantisme et apprentissage. Les luttes sont quotidiennes. La castagne aussi, entre gauchistes et communistes, étudiants et policiers, anarchistes et démocrates... Mais ce joyeux chaos se trouve notamment miné par des affaires de drogue. Le prétexte idéal pour détruire Vincennes à l'été 1980."
Si jamais vous n'avez pas le temps de regarder tout de suite le film : quelques phrases marquantes :
(La plupart des témoignages recueillis sont physiquement sur le lieu de l'université : une clairière dans le bois de Vincennes. Nous (spectateurs) on voit juste des gens dans un champs au milieu de la forêt. Pas d'arbres, des herbes hautes, c'est tout.)
"L'emplacement est introuvable : il n'y a ni plaque ni aucune marque"
"On s est mis à rêver ce rêve, ça ne devait pas être une annexe de La Sorbonne." "On voulait un bâtiment plus ouvert, permettant les échanges entre étudiants et enseignants."
Une crèche et une école, initialement oubliées sont rapidement construites pour accueillir les jeunes enfants et permettre aux mamans d'assister aux cours !
Philosophie aujourd'hui brillamment défendue par Coworkcrèche.
Sur les murs dont les étudiants se sont emparés, on voit des messages : "Les trotskystes sont à la révolution ce que le doryphore est à la pomme de terre." "On a raison d'être fous"
"Deleuze, Foucault... élaboraient leur pensée en même temps qu ils enseignaient"
"A aucun moment ne se posait la question de pourquoi fait-on des études, on était là pour apprendre, pour le savoir."
"C'était pas une classe, c'était comme à l'époque des grecs."
"Vincennes a rendu les gens intelligents. Peut-être qu'on était intelligents avant mais on ne le savait pas, et on nous a aidé à le savoir."
"Vincennes m'a permis d' être moi"
"Vincennes permettait à tous ceux qui le souhaitaient de changer de vie."
Ce qu'il reste de Vincennes dans l'esprit d'un ancien du lieu :
"Oser penser, oser s'exposer, quitte à passer un peu pour Cxx, ou pas forcément."
BREF
L'Université de Vincennes c'était :
- L'interdisciplinaire, (qui n'existait pas avant!)
- Des domaines nouveaux et enseignés sans prévalance l'un par rapport à l'autre : musicologie, psychanalyse sur le même pied d'égalité que les domaines classiques et considéré comme noble,
- Une liberté d'espace : les cours se passaient à l'intérieur comme à l'extérieur des bâtiments,
- Des savoirs partagés et simple d'accès pour quiconque,
- Une manière de construire l'université au fur et à mesure, par l'expérience, avec la communauté,
- L'ESPOIR, LA CREATIVITE, L'ACTION...
Au moment de la destruction : cette phrase glaçante :
"Il était essentiel que les symboles [ndlr : de tout ce qui est énuméré ci-dessus] disparaissent."
Le débat s'est ouvert sur cette question de la réalisatrice à la ministre : "Qu'est ce que Vincennes peut nous dire d'aujourd'hui ?"
La ministre sensible à l'ouverture à tous sans conditions de diplôme d'âge... etc
S'en sont suivis beaucoup d'affirmations plutôt que de questions, d'expériences pointant du doigt le ministère, l'institution au sens large sur tel ou tel point.
Personne dans la salle n'a parlé du positif de notre époque.
Oui il n'y a plus nulle part sur la planète où l'on peut ouvrir une salle et assister à un cours de Deleuze ou Foucault.
Par contre sans condition d'âge, de diplôme on peut aller suivre un cours remarquable sur France Université Numérique à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.
On peut comprendre ce qu'on à nous raconter Edgar Morin, Michel Serres sur youtube.
On peut découvrir des pensées, des expériences que l'on aurait jamais croisées sans les conférences TED.
Il est possible d'aller au Centre de Recherche Interdisciplinaire refaire le monde pour de vrai.
Aussi, et c'est bien l'enjeu de notre époque (à mon très humble avis), c'est de faire en sorte que TOUS sans conditions sachions que tout cela existe, transmettre l'appétance pour y aller, persister et savoir comment s'en servir.
Dernière modification le samedi, 09 juillet 2016