La recherche sur les mécanismes cognitifs et cérébraux des apprentissages a récemment produit des résultats majeurs. Plasticité cérébrale, nutrition, sommeil, régulation émotionnelle, attention, prédiction, retour sur erreur sont des ingrédients indispensables à l’apprentissage, dès la petite enfance et tout au long de la vie. Ces connaissances représentent un atout considérable pour la formation initiale et continue des enseignants. Leur diffusion et leur mise en pratique sont essentielles pour améliorer la qualité de nos systèmes éducatifs en vue de l’épanouissement de tous les enfants, quelle que soit leur origine. Les avancées des sciences cognitives pourraient-elles susciter de nouvelles pédagogies qui permettent à chaque enfant de tirer pleinement parti de ses possibilités intellectuelles et affectives ?
Vingt-cinq chercheurs, parmi les meilleurs spécialistes des sciences cognitives étaient réunis pendant deux jours à Paris afin d’échanger et de partager les différentes approches au plan international pour examiner leur impact sur l’école de demain, autour de Stanislas Dehaene, professeur de sciences cognitives au Collège de France et président du Conseil Scientifique de l’Education nationale.
Maîtriser les avancées de la science au service de la pédagogie et de la réduction des inégalités
Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco ouvrait le congrès en rappelant que 6 enfants sur 10 ne maîtrisent pas les fonctions de base de la lecture et des mathématiques, alors que des millions d’enfants dans ce cas sont effectivement scolarisés. La France est un laboratoire d’idées, un pays producteur de normes de progrès dans le cadre de l’agenda mondial jusqu’en 2030 (Objectifs de développement durable).
Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer affirmait la nécessité pour les professeurs, en cette période de révolution scientifique et technologique, de maîtriser les avancées de la science afin de pouvoir mettre à profit les progrès de l’intelligence artificielle pour personnaliser les parcours de formation des élèves. Il s’agit aussi d’une révolution orientée par la recherche, pour la mise en évidence de la preuve, une démarche en opposition totale avec le négationnisme. En cela, le Conseil Scientifique de l’Education nationale joue un rôle majeur en lien avec la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP).
Il importe de réussir un mariage harmonieux entre l’homme et la technologie afin que ce monde technologique devienne plus humain en maîtrisant l’éthique et le pédagogique. Le ministre affirmait aussi une grande ambition : « L'éducation permettra de résoudre les défis de notre temps. »
Stanislas Dehaene fixait le cap : « La réduction des inégalités scolaires est le phare qui doit guider notre action ». Constatant le retard pris par notre pays dans ce domaine, il est nécessaire de donner aux enseignants et aux élèves de nouveaux outils, sans oublier que : « La clé, c’est l’enseignant à qui il faut donner les moyens et des outils concrets pour son « empowerment » (sa capacitation). Ce colloque est l’occasion de livrer un état des lieux des résultats de la recherche pour aller aussi vers l’épanouissement de tous les enfants. Pour atteindre ces objectifs, au sein des sept groupes de travail du Conseil Scientifique, l’accent sera mis sur la psychologie cognitive plus que sur les neuro sciences.
Le mardi 28 mars était consacré aux " Fondamentaux des sciences de l’apprentissage " et à " l’amélioration de l’enseignement, perspectives internationales "
Au programme :
- Patricia K. Kuhl, Université de Washington, États-Unis : Les périodes critiques de l’apprentissage du langage
- Ghislaine Dehaene-Lambertz, Inserm, France : Le développement du cerveau, de l’utérus à l’école
- Iroise Dumontheil, Université de Londres, Grande-Bretagne : Le cerveau de l’adolescent
- Discutant : Anne Christophe, École normale supérieure, France
- Sidarta Ribeiro, Université fédérale du Rio Grande do Norte, Brésil : Nutrition et sommeil, piliers fondamentaux de l’apprentissage
- Marcela Peña, Université pontificale catholique, Chili : Santé et éducation, une collaboration cruciale pour le développement
- Discutant : Elena Pasquinelli, EHESS-École normale supérieure, France
Améliorer l’enseignement : perspectives internationales
- Kevan Collins, Fonds de dotation pour l’éducation, Grande-Bretagne : Comment fonctionne le Fonds de dotation pour l’éducation ?
- Esther Duflo, Massachusetts Institute of Technology, États-Unis : Des sciences cognitives aux expérimentations de terrain en Inde
- Éric Charbonnier, OCDE : Une perspective comparative de l’éducation fondée sur des preuves
- Nandini Chatterjee Singh, Institut Mahatma Gandhi, UNESCO : Perspectives interculturelles de l’évaluation des compétences.
- Discutant : Fabienne Rosenwald, Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, France
Les fondamentaux des sciences de l’apprentissage : du nourrisson à l’adolescent
Ghislaine Dehaene-Lambertz montrait que les grands réseaux fonctionnels décrits chez adulte sont observés chez le nourrisson, sachant que la dynamique temporelle de ces réseaux est très différente chez l’enfant de celle de l'adulte. Il convient aussi de prendre en compte l’importance de la cognition sociale qui caractérise l'ensemble des processus cognitifs (perception, mémorisation, raisonnement, émotions) mis en œuvre dans les processus d’apprentissage chez l’humain.
Iroise Dumontheil s’interrogeait sur les caractéristiques spécifiques observées à l'adolescence. En effet, des changements physiologiques majeurs se produisent : changements hormonaux, changements de la structure du cerveau (rapport entre matière grise et matière blanche), changement d'épaisseur du cortex qui va en s'affinent, évolutions qui se combinent avec des capacités à adapter son comportement de matière flexible pour atteindre un but. Particulièrement remarquable est l’hypersensibilité des adolescents à l'exclusion sociale, ainsi que leur grande sensibilité aux émotions et récompenses, leur recherche de sensations qui et donc aussi porteuse de prise de risques accrue en présence d'observateurs de leurs amis. Le comportement des adolescents est très influencé par le contexte social.
Autant de caractéristiques que des éducateurs et enseignants doivent prendre en compte, car la santé physique, essentielle (exercices physique, nutrition, sommeil, stress), doit être préservé dans un contexte social et affectif qui joue un grand rôle : d’où l’importance des pairs, des modèles de comportement, de la collaboration, sachant que ce qui se passe dans la vraie vie se réplique sur les réseaux sociaux via Smartphones. Il convient de favoriser l’empathie à l'école, en mettant en place des processus de collaboration, de récompenses, des moments de régulation des émotions (relaxation) à travers les divers
Les sciences cognitives seraient-elles désincarnées ? Comment prendre en compte tout le corps de l'enfant et la santé ?
Sidarta Ribeiro s’appuie sur les observations faites dans les apprentissages en situation de pauvreté où la biologie est le facteur fondamental. Nutrition, sommeil, exercice physique sont des facteurs simples qui ont un impact important sur la performance cognitive et les résultats scolaires. En effet, 70% du glucose utilisé par le corps l'est par le cerveau (des tests montrent une amélioration de 35% des performances intellectuelles avec apport de glucose). Le sommeil aussi est l'un des facteurs important. Sachant que chacun manque de sommeil, on a observé l’impact de la sieste sur la mémorisation : les efforts réalisés pendant l’apprentissage disparaissent si le sommeil n'est pas là pour consolider la mémoire. On sait également que les graisses dans l'alimentation diminuent de moitié les performances cognitives des rats. En revanche les exercices physiques éveillent le cerveau et accroissent les performances cognitives
Les cours devraient donc être raccourcis à moins de 50 minutes, car dans ce cas, de grandes difficultés de concentration sont observées. Au contraire, des pauses devraient être observées pour réveiller le corps et donc accroître la capacité cognitive.
Marcela Peña étudie le lien essentiel entre la santé et l’éducation pour le développement cognitif précoce et l'apprentissage. Il existe par ailleurs un lien avéré entre le niveau d'études et la durée de la vie, tout comme pour la mortalité infantile des enfants dont les mères sont allées ou non à l'université.
La dyslexie touche approximativement 10% de l’humanité dans toutes les zones du monde, car 617 millions d'enfants et adolescents ne parviennent pas à lire de manière courante quoiqu'en étant scolarisés.. Que faire? Essentiellement intervenir pendant les premières années pour aider à la différenciation phonologique. Un travail est mené actuellement sur la mise au point d'un logiciel de jeu de reconnaissance d'un mot prononcé en lien avec l'image.
Sir Kevan Collins. Education Endowment Foundation (EEF) dirige le Fonds de Dotation pour l'Éducation qui est un organisme privé - très important affirme-t-il, car impartial. Comment utiliser les résultats des études en mettant en place un écosystème d'apprentissage pour faire face à l'incidence de la famille sur les compétences et combler le fossé qui s'accroît entre les enfants à l'école ?
L’accroissement des inégalités et l’exclusion sont les grandes craintes pour l'avenir.
En matière d’éducation, il n’existe pas de lien direct entre une augmentation du financement et de meilleurs résultats. Les bonnes questions qu’il faut se poser sont : comment mieux utiliser le temps disponible de manière sage et comment mettre les connaissances disponibles à disposition de tous les acteurs de l'éducation? C’est ce qu’il y a de plus difficile : tel est l’objectif des 30.000 études qui ont été menées depuis 1980 : celles-ci constituent une aide à la prise de décision en montrant à la fois l’efficacité des dispositifs et leur coût. On obtient ainsi un tableau disponible en ligne qui montre l’effet des politiques éducatives. Ce qui compte pour les enseignants ce n'est pas ce qui se passe dans un laboratoire, mais dans une véritable salle de classe.
Une initiative intéressante est la création d’un réseau d’écoles innovantes Research School Network qui permet de fédérer les écoles autour de l’innovation via des partenariats internationaux en lien avec l’EEF.
Esther DUFLO mène des expérimentations de terrain en Inde dans le cadre du Laboratoire de lutte contre la pauvreté dans le but de s’assurer que les politiques publiques en matière d’éducation soient bien fondées sur des études scientifiques. Les enfants sont inscrits en Inde, mais avec un fort taux d'absentéisme et les enfants apprennent peu. La moitié des enfants ne savent pas lire un paragraphe au CE1 ; en quatrième moins de la moitié des élèves ne savent pas faire une division. L’école est incapable de reconnaître et de s'appuyer sur les connaissances qui existent chez les enfants. C’est ce que l’on observe dans l’enseignement des maths, avec des jeux de marché où les enfants savent compter alors qu'ils ne savent plus en classe.
Quel est le problème? En fait les enfants ne sont pas incapables d'apprendre et ce n'est pas non plus que les enseignants ne soient pas assez payés ou pas assez motivés. Mais ils ont obligation de terminer un programme très lourd et complètement déconnecté des caractéristiques et des capacités des élèves. "Teaching at the right level" (enseigner au bon niveau): tel est l’objectif du dispositif que permettra de remédier à ces difficultés. Une approche efficace débutée hors de l'école, mais qui a ouvert récemment dans les écoles publiques avec une généralisation dans le reste du monde, notamment en Afrique.
Eric Charbonnier, expert éducation à l’OCDE travaille sur les comparaisons internationales. L'éducation est un sujet majeur pour l'insertion professionnelle et sociale, l’intégration dans un monde complexe et anxiogène. Les études PISA, réalisées tous les trois ans sur des tests auprès des jeunes de 15 ans aident à poser un diagnostic. Que nous disent ces études ?
La performance moyenne des élèves dans le domaine des sciences a baissé en dix ans.
La France est dans la moyenne des pays de l'OCDE avec un tiers des élèves très performants, mais beaucoup d'élèves en échec scolaire.
Une situation très différente du Danemark où les élèves sont plus groupés en termes de résultats. La France n’est pas dans le groupe des égalités sociales : en effet, si l’enfant est issu d’un milieu défavorisé, il a quatre fois plus de probabilités d’être en difficulté selon PISA. Et cela est aggravé par le fait que les inégalités sociales ont aussi des incidences sur les aspirations des élèves, alors même qu’en France, le système des notations brime les ambitions des élèves.
Les difficultés à quinze ans prennent leur source dans les premières années d'éducation : c’est ce que confirme l’étude TIMSS sur les élèves de CM1 en mathématiques qui affiche aussi des résultats préoccupants en France.
Sont en cause le manque de formation continue et de formation par les pairs. En effet, deux enseignants sur dix seulement ont été voir travailler un collègue. Une situation à comparer avec la formation continue à Singapour ou en Corée qui montre un important décalage avec la France.
Le Blog d’Eric Charbonnier : « Une statistique est souvent plus fiable qu’une idée reçue. » http://educationdechiffree.blog.lemonde.fr
Le mercredi 29 mars était consacré à différents défis d’apprentissage : la lecture, la mémoire l’attention, les mathématiques avec de nouveaux outils disponibles.
Au programme :
Lecture
- Kathleen Rastle, Royal Holloway, Université de Londres, Grande-Bretagne : Comment la recherche en psychologie peut nous aider à mettre fin aux « guerres de la lecture »
- Johannes Ziegler, Université d’Aix-Marseille, France : Améliorer l’acquisition de la lecture à l’aide du « GraphoGame »
- Stanislas Dehaene, Collège de France, France : Comprendre l’apprentissage de la lecture : de l’imagerie cérébrale à la salle de classe
- Discutant : Franck Ramus, École normale supérieure, France
Mémoire et attention
- Torkel Klingberg, Institut Karolinska, Suède : Peut-on renforcer les capacités de mémoire de travail et de contrôle cognitif ?
- Grégoire Borst, Université Paris-Descartes, France : L'inhibition : un mécanisme au centre des apprentissages scolaires de l'enfance à l'âge adulte
- Discutant : Jean-Pierre Bellier, Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, France
Mathématiques
- Elizabeth Spelke, Université d’Harvard, États-Unis : Le « noyau des connaissances » et les fondements des mathématiques dans la petite enfance
- Monica Neagoy, Consultante internationale en mathématiques, France - États-Unis : Les points forts de l'approche de Singapour dans l'enseignement des mathématiques ; Comment s'en inspirer ?
- Zbigniew Marciniak, Université de Varsovie, Pologne : Comment a-t-on amélioré l’enseignement des mathématiques en Pologne ?
- Discutant : Stanislas Dehaene, Président du Conseil scientifique de l’éducation nationale
Nouveaux outils et perspectives
- Bruce Mc Laren, Université de Carnegie Mellon, Etats-Unis : Les nouvelles technologies au service de l'apprentissage dans la salle de classe
- Kathy Hirsch Pasek, Université Temple, États-Unis : Encourager l’esprit critique, la créativité et la confiance
- Discutant : Vanda Luengo, Université Pierre-et-Marie-Curie, France
Pour Kathleen Rastle « Il est temps de mettre fin à la guerre de la lecture ».
En effet, un enfant sur cinq n'a pas les compétences de base en lecture en Europe de l'ouest. Ce phénomène est inquiétant, compte tenu de l’importance sociale fondamentale et de l’omniprésence de la lecture. Le faible niveau d’alphabétisation est un frein au développement de économique. L'apprentissage de la lecture est un processus long et complexe pour obtenir la capacité d'anticipation et de compréhension globale des enjeux d'un texte. L’apprentissage syllabique est une voie économique, car autrement il faudrait apprendre des milliers de mots différents (beaucoup plus qu'en chinois où 4000 caractères permettent de comprendre aisément un document écrit).
En Angleterre, depuis 2017, il est obligatoire d'apprendre à lire dès quatre ans avec une méthode syllabique. En 2012 des test à 5-6 ans sur la relation orthographe/ son pour des mots inconnus affiche 58% réussite. Après un an d’entraînement, un nouveau test montre des résultats à 80% de réussite. La théorie prédominante est que l'on doit établir une connexion directe entre un mot et son sens que l'on acquiert avec l'expérience : un lecteur faible lit 60.000 mots par an alors qu’un lecteur intéressé peut lire jusqu’à 60 millions de mots. En outre, la connaissance de la morphologie de la langue permet d'enrichir énormément le lexique (développer, développement...). Lors des tests, on constate que la compréhension d'un texte écrit est beaucoup plus complexe que l'oral avec des mots, des expressions d'une langue plus riche. L’apprentissage de la lecture peut aussi être favorisé par d’autres activités telles que le jeu d’échecs qui entraîne à élaborer des stratégies, à réaliser des circuits décisionnels similaires à ceux de la lecture en mode avancé. Un enseignant va aider les enfants à devenir lettrés.
Johannes Ziegler affirme que « la lecture étant la colonne vertébrale de tous les apprentissages », dès lors que faut il faire pour résorber les inégalités initiales? Il convient d’intervenir au sein de l'école, mieux former, accompagner, fournir des outils aux enseignants, avec une priorité aux élèves issus des REP, prendre en compte les différences des élèves. Le logiciel Graphogame (adaptation en français du logiciel finlandais) permet d’intervenir beaucoup plus tôt sur les difficultés, sans attendre l’erreur (« wait to fail ») pour intervenir.
Graphogame permet une présentation simultanée audio visuelle, la correction immédiate des erreurs, le suivi et l’adaptation au niveau de l'enfant, une progression systématique du plus facile au plus compliqué (systématique), la répétition massive (automaticité), une approche ludique motivante. L’intérêt pour l'enseignant est aussi de dégager du temps de tâches répétitives, d’organiser des petits groupes, avec des indicateurs quantitatifs permettant de suivre l'évolution, augmenter le temps passé dans le décodage. L’outil est accessible à tous les élèves en Finlande à raison de 16 minutes par jour en moyenne. Les tests montrent que les enfants lisent mieux et que les retards se réduisent, voire se comblent. Les plus fort progrès sont réalisés par des élèves partis du plus bas niveau.
Stanislas Dehaene.
Comprendre l'apprentissage de la lecture : de l'imagerie cérébrale à la salle de classe. Le langage parlé, naturel à l'espèce humaine est très vite acquis des les premiers années via les réseaux cérébraux spécifiques de l'hémisphère gauche. Apprendre à lire consiste à accéder par la vision aux aires du langage parlé.
L'alphabétisation modifie le cerveau. Lire permet d'activer des régions du langage dans l’hémisphère gauche. Lire développe les aires auditives et les aires visuelles, ainsi que la connexion entre ces aires. L'aire de la forme visuelle des mots est la "boîte aux lettres du cerveau". Son activité prédit le score de lecture de l'enfant. L’objectif en fin de CP est de lire 50 mots par minute. L'automatisation de la lecture est essentielle pour pouvoir ensuite se concentrer sur le sens du texte. La compréhension des textes écrits est le résultat d'une multiplication de la reconnaissance des mots écrits par la compréhension orale. Ce modèle est multiplicatif. Il faut enseigner également la compréhension. A huit ans, la moitié des mots connus provient de la lecture. Il ne faut donc pas retarder l'âge d'apprentissage de la lecture : le plus tôt est le mieux.
Dans la salle de classe, on a plus besoin de sciences cognitives que de sciences du cerveau.
Plusieurs logiciels sont disponibles (Élan), comme le projet Ludo qui vise un apprentissage ludique des chiffres et des lettres financé par le PIA dans le cadre d’eFRAN (Espaces de formation, de recherche et d'animation numérique).
Mémoire et attention.
Torkel Klingberg. La mémoire de travail et le contrôle exécutif peuvent ils être entraînés? Plusieurs illustrations sont données dans l'enseignement des mathématiques. La mémoire de travail ne dépend pas exclusivement d'un entraînement, mais est associée au raisonnement non verbal, à la perception spatiale etc. Or, les capacités spatiales sont susceptibles d'être améliorées. L’entraînement de la mémoire de travail est bien documenté (500 études). Se souvenir d'instructions, bien mémoriser les consignes sont des capacités très utiles à l'école. L'entraînement de la mémoire de travail permet aussi d'améliorer le comportement attentif dans la vie quotidienne. La méthode Cogmed (Working Memory Training) qui associe les neurosciences avec les innovations technologiques des jeux vidéo permet d’améliorer la mémoire de travail très corrélée aux compétences cognitives ainsi qu’aux compétences en mathématiques. L'entraînement cognitif spatial peut avoir un effet bénéfique pour l'entraînement en mathématiques.
Gregoire Borst aborde plus particulièrement le rôle du contrôle inhibiteur dans le développement neurocognitif. L'inhibition est un mécanisme au centre des apprentissages scolaires de l'enfance à l'âge adulte. Mémoire et attention en sont dépendantes.
La maturation cérébrale est dynamique, non linéaire jusqu'à 20 ans, tout comme le développement cognitif. Le contrôle de soi est le facteur le plus prédictif de réussite scolaire et intégration sociale, et beaucoup plus que le quotient intellectuel. La solution aux difficultés consiste à de définir quel est l'automatisme auquel le sujet doit résister pour éviter l'erreur. Plutôt que de mener une réflexion logique à chaque fois. L'apprentissage métacognitif donne de meilleurs résultats. Il convient donc d’entraîner le contrôle inhibiteur et d’apprendre à contrôler ces automatismes.
Pour Monica Neagoy, les mathématiques peuvent être merveilleuses ou infernales.
Comment changer le rejet des maths par une majorité d'élèves ? L'histoire de Singapour est exemplaire : l'approche de Singapour définit des points forts pour l'enseignement des mathématiques dont on pourrait s’inspirer. En effet, Singapour se définit depuis 1997 comme une nation apprenante "Thinking schools, learning nation"[1] (Ecoles de pensée, nation apprenante). Il nous faut enseigner à nos élèves comment réfléchir et raisonner : à partir des mathématiques, on met au jour des méthodes qui peuvent être valorisées dans toutes les disciplines.
Monica Neagoy reprend les 7 points clés de cette méthode qui peuvent nous inspirer en mettant en évidence les attitudes et la métacognition. Les compétences, les processus et les concepts. On insiste sur le sens, trouver du sens, mettre en relation toutes les compétences acquises. On va toujours du concret, de l’image, vers l'abstrait. Dans les classes, on va trop vite vers l'abstraction. Voir la maturation du développement selon Piaget.
La verbalisation est un autre point important : les mathématiques sont construites par le dialogue. La verbalisation par le professeur et les élèves joue un rôle fondamental : "Je mets un haut parleur sur ta pensée". La Méthode de Singapour est une méthode explicite. Les élèves sont des apprenants actifs en interaction sociale et les apprentissages doivent être coopératifs (Vygotski). Il convient aussi de donner des représentations multiples de ce qu'on enseigne. On devrait selon cette méthode enseigner les quatre opérations des le CP. Faire des histoires de division : par exemple 15:3 peut revenir à faire cinq parts de trois ou trois groupes de cinq. On pourrait enfin appliquer la " méthode des barres " pour la résolution de problèmes.
Nous pouvons tous réussir en mathématiques, car nous avons tous les zones cérébrales des maths. Ce que nous pensons de nous mêmes impacte ce que nous faisons dans la vie.
Zbigniew Marciniak
Nous sommes entourés d'informations, mais sont elles utiles? Il convient de préparer les élèves à faire face à des tâches non routinières par la " pensée stratégique ".
Les élèves doivent être préparés à reconnaître et à faire face au mensonge. Les maths sont la discipline idéale pour cela. Mais quelles sont les mathématiques dont les gens ont véritablement besoin? Ce sont celles qui privilégient le raisonnement mathématique et l’argumentation. Mathématiques, art, littérature font partie du patrimoine culturel de l'humanité : ce sont trois objectifs principaux depuis 2008 en Pologne. L'absence de motivation explique beaucoup de difficultés. On est ainsi passé de 5% de réussite à PISA en 2009 à 16,5% en 2016. Dès lors, comment motiver et mobiliser les élèves à l’aide de quelques procédés simples ? La pédagogie mise en œuvre est fondée sur un processus et non pas sur l'étude de concepts.
Ce colloque a apporté des avancées majeures pour la compréhension des processus d’apprentissage qui mettent au jour des moyens éprouvés par la recherche permettant de remédier à des difficultés scolaires accrues ces dernières années, comme le montrent les tests et comparaisons internationales. Sachant que ces difficultés sont essentiellement provoquées par les différences sociales, facteurs de décrochage et d’incapacité à réussir dans les apprentissages à l’école, un devoir s’impose à tout enseignant, celui d’agir de manière déterminée afin de réduire ce qui apparaît souvent comme une fatalité : le retard, voire même l’échec scolaire. Les sciences cognitives et les avancées de la recherche dans ce domaine mettent à notre disposition des outils et des démarches prometteuses qu’il convient d’accompagner, d’utiliser et de valoriser.
Michel Pérez
[1] “Le concept de THINKING SCHOOLS est au centre de cette vision. Les écoles doivent développer des générations futures de citoyens pensants et engagés, capables de prendre de bonnes décisions pour que Singapour reste dynamique et prospère à l'avenir”. Discours du premier ministre GOH CHOK TONG le 2 juin 1997.
Dernière modification le mardi, 07 mai 2019