fil-educavox-color1

Calypso MESZAROS propose, sur le site de l'Université de Lorraine, une synthèse de l'ouvrage "Apprendre en jouant"de Margarida Romero(1) et Éric Sanchez(2), publié aux éditions RETZ. Faisant suite à une introduction sur la pédagogie par le jeu, il se découpe ensuite en 9 parties, toutes répondant à une problématique liée à un mythe ou à une croyance sur la ludopédagogie en les confrontant aux réalités de la recherche.

« Le jeu est une idée nouvelle » Margarida Romero et Éric Sanchez retracent la place du jeu au sein de l’apprentissage, et ce depuis l’Antiquité.

Ce qui nous donne l’opportunité de réfléchir à notre rapport actuel à ce type de pédagogie. L’ouvrage nous montre également que ce phénomène de « mode » du jeu dans l’enseignement prend racine avec les nouvelles technologies et la redécouverte du jeu pour adulte, notamment avec les jeux vidéo.

Enfin, ils apportent un regard critique sur l’usage du jeu qui ne reposerait sur aucun objectif pédagogique : ils
utilisent l’image des « brocolis au chocolat ». Penser qu’on va faire aimer les brocolis (les exercices) en ajoutant
une couche de chocolat (de jeu) est un faux-semblant.

« Le jeu est une ruse pédagogique » Ils viennent alors apporter des éléments permettant de repenser cette affirmation autrement : ne serait-ce pas lorsque le jeu est utilisé comme une ruse qu’il n’est plus efficace ? Ils s’appuient sur les propriétés pédagogiques que le jeu peut comporter pour montrer qu’il est possible de l’employer de manière plus habile qu’un simple « piège ». Cela permet de dresser une sorte de liste des « pour » et « contre » le recours à cette pédagogie active, le tout soutenu d’arguments scientifiques et d’exemples concrets.


« Le jeu, c’est surtout pour les enfants » Pour cela, les auteur.trice.s montrent qu’effectivement, cet outil est largement utilisé et promu dans l’enseignement primaire et secondaire mais, à l’approche de l’âge adulte, nous y avons moins recours.

Le chapitre, grâce à des apports en psychologie et sciences cognitives, explique pourquoi cette croyance perdure : l’enfant joue car cela l’aide grandement dans son développement. Plus tard, l’adulte se voit proposer des jeux qualifiés d’éducatifs, comme par exemple les entraînements cérébraux où les compétences entretenues sont peu ou pas transposables à de réelles tâches dans la vie quotidienne et professionnelle.

Margarida Romero et Éric Sanchez invitent alors les lecteur.trice.s à questionner l’utilité et l’efficacité de ce type de jeux.

« La ludicisation permet d’améliorer les apprentissages »

Premièrement, les auteurs définissent ce néologisme afin de se repérer dans les terminologies déjà existantes (gamification, ludification, ...). Des explications quant aux appellations anglo-saxonnes - play et game - seront données et permettront alors d’utiliser des termes plus cohérents avec ce dont on veut réellement parler. Les explications sont appuyées par des cas concrets d’utilisation d’applications ludiques à utiliser en classe, comme le jeu Classcraft, tout en les reliant à des objectifs pédagogiques.

« Le jeu est une activité solitaire qui privilégie la compétition »

Sont ainsi abordées les notions de compétition et de coopération, très présentes dans les jeux. Les auteurs.rices en montrent ainsi les bénéfices comme les points plus controversés. Ils parlent également des problèmes d’addiction possibles, surtout auprès d’un jeune public. Les jeux concernés sont particulièrement les MMORPGS (jeux en ligne massivement multijoueur.euse.s) qui demandent aux joueur.euse.s une présence souvent quotidienne. Au-delà des critiques soulevées, ils mettent en lumière que ces MMORPGS permettent de développer la pratique de langues étrangères ou encore la collaboration.

« On apprend surtout des connaissances procédurales en jouant »

Dans cette partie, il est donc question de montrer que tout type d’objectif pédagogique peut être traité grâce à la pluralité des jeux disponibles. Il est donc possible de s’adapter aux profils des apprenant.e.s et ainsi multiplier les formes d’apprentissages.

« Les jeux, c’est pour apprendre ou enseigner, pas pour jouer »

Il est ici question d’évaluer ou non à partir d’un dispositif ludopédagogique. En s’appuyant à nouveau sur des exemples, les auteurs.rices montrent que cela est tout à fait possible, à condition que l’enseignant.e se soit emparé.e de la création du jeu qui fera l’objet de l’évaluation. Un point de vigilance est de mise : la notion d’évaluation peut stresser et donc compromettre l’expérience des participant.e.s.

« L’intelligence artificielle va permettre de remplacer les enseignants par des jeux »

Ici, les auteurs.rices redéfinissent et précisent la notion d’intelligence artificielle afin de montrer qu’elle reste limitée à des usages spécifiques. Cela leur permet de présenter des exemples où l’usage d’une IA peut s’avérer pertinente.

« On apprendre (mieux) en jouant »

Ils insistent sur le fait que l’apprentissage n’est possible par le jeu qu’à condition d’une alternance entre phases de jeu et phases d’enseignement explicites, autrement appelées debriefings. Pour apprendre du jeu, il est nécessaire de le quitter pour offrir un espace de réflexivité aux étudiant.e.s

Points forts

Cet ouvrage questionne la place du jeu dans la pédagogie ainsi que toutes les croyances qui en découlent. Les
chapitres sont synthétiques, ce qui constitue le réel atout du livre : il se lit très facilement et il est très accessible. Il est aussi bien à la portée de novices que d’enseignant.e.s qui ont d’ores et déjà recours à la ludopégagogie et qui souhaitent un apport plus théorique et scientifique. Il traite à la fois de la posture de l’enseignant.e lors d’une activité ludique et également de l’impact sur la motivation des étudiant.e.s. Cet ouvrage questionne l’hypothèse selon laquelle l’apprentissage serait meilleur avec le jeu.

Les chapitres sont bien séquencés avec à chaque fois une problématique puis des réponses à cette dernière avec des retours d’expériences et des données scientifiques. Margarida Romero et Éric Sanchez font un rapide état des lieux des travaux scientifiques en s’appuyant sur divers exemples. Chaque chapitre se conclut sur une synthèse des informations les plus importantes. La fin de l’ouvrage comporte également un court résumé de chaque chapitre, permettant de voyager aisément entre les pages lorsque l’on cherche un concept bien précis. Les réponses ne sont jamais forcément tranchées, laissant place à la discussion et à un recul critique de la part des lecteur.rice.s.

Rédactrice de la fiche de lecture : Calypso MESZAROS

https://sup.univ-lorraine.fr/apprendre-en-jouant/


Les auteurs

(1)Margarida Romero est Professeure des universités en technologies éducatives à l’Université Côte d’Azur et professeure associée à l’Université Laval au Canada. Récompensée pour la meilleure thèse en psychologie, ses thèmes de recherche se concentrent sur l’usage créatif des technologies pour l’apprentissage, les technologies dans l’enseignement formel et informel, la robotique éducative, les apprentissages collaboratifs.

(2)Éric Sanchez est également Professeur en technologies éducatives à l’Université de Genève (TECFA). Ses travaux portent sur l’innovation pédagogique, les usages du numérique en éducation et plus particulièrement sur la conception et l’analyse des usages de jeux numériques en contexte d’éducation formelle et informelle (musées)

1 cc

Dernière modification le mardi, 16 mai 2023
An@é

L’association An@é, fondée en 1996, à l’initiative de la création d’Educavox en 2010, en assure de manière bénévole la veille et la ligne éditoriale, publie articles et reportages, crée des événements, valorise les innovations, alimente des débats avec les différents acteurs de l’éducation sur l’évolution des pratiques éducatives, sociales et culturelles à l’ère du numérique. Educavox est un média contributif. Nous contacter.