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Il est illusoire de croire que tous les élèves vont pouvoir développer les mêmes connaissances et compétences au même rythme et selon la même chronologie stricte.

Même si ce rêve est toujours dans la tête de certains, la réalité du terrain nous contraint à envisager des adaptations de ce mode de fonctionnement, sans forcément aller jusqu’à l’école mutuelle qui était l’alternative à l’éducation centralisée au XIXème siècle.

Un juste milieu peut exister, où l’enseignant a toute sa place pour accompagner chaque élève dans ses apprentissages.

1 – De quoi parle-ton ?

On peut facilement confondre plusieurs notions et il est intéressant de commencer par les définir : 

  • L’individualisation est la prise en compte des spécificités d’un apprenant pour lui adapter un parcours de formation ‘sur mesure’. Cela peut se traduire par exemple par la dispense ou l’ajout de certains modules de formation selon le parcours antérieur de chacun. La modularisation de la formation facilite l’individualisation.
  • La personnalisation consiste à tisser des liens sociaux pour mettre en place un accompagnement afin d’intégrer l’apprenant au mieux dans le dispositif de formation : les rencontres, les forums, le tutorat sont des éléments de cette personnalisation de la formation.
  • La différenciation ‘consiste à mettre en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves puissent travailler selon leurs propres itinéraires d’appropriation tout en restant dans une démarche collective d’enseignement des savoirs et savoir-faire communs exigés.’ (Halina Przemyscki, La pédagogie différenciée, Hachette éducation, 2004) 

2 – Que peut-on différencier et comment s’organiser ?

Les paramètres de la différenciation

Plusieurs paramètres d’une formation peuvent être adaptés dans une logique de différenciation : les ressources proposées, la guidance induite par les consignes, l’accompagnement, la production finale et l’organisation du travail des apprenants. Un dossier de l’IFE paru en novembre 2016 propose des pistes pour différencier ces différentes dimensions.

Voici un tableau pour présenter de façon pragmatique ces possibilités.

Axe de différenciation

Temps
enseignant

Temps
élève

Remarques
Ressources proposées Créer ses propres ressources est très chronophage, mais beaucoup d’enseignants en ont déjà réalisées et les partagent volontiers : utilisez-les !
Guidance des consignes Vous ne pouvez pas expliquer simultanément à tous les élèves des consignes différentes, il faut donc prendre le temps de les rédiger (ou de les enregistrer) pour que chacun puisse y avoir accès au bon moment. La rédaction de consignes claires et non équivoque peut être assez chronophage.
Organisation du travail Proposer aux élèves de travailler seuls, à deux, en groupe (même pour une activité courte) ne demande pas beaucoup de temps. Cependant, cela ne se met pas en place calmement dès la première fois : c’est un changement de pratique qui nécessite un apprentissage avant de devenir une habitude. Le temps consacré à cet apprentissage doit être considéré comme un investissement.
Accompagnement Accompagner les élèves de façon différenciée ne demande pas de temps spécifique. Il faut par contre être vigilent à bien gérer ces moments différenciés pour se consacrer en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, sans négliger personne. Les élèves les plus avancés peuvent vous aider dans cette mission d’accompagnement.
Production finale Cette diversification peut s’avérer très chronophage pour vos élèves si vous leur demandez de produire une œuvre multimédia. De plus, il est souhaitable que vous sachiez produire une telle ressource avant de la demander à vos élèves afin de repérer les difficultés, le temps nécessaire et d’en définir les paramètres (taille, format, modalité de retour, …) pour vous faciliter l’évaluation.

On peur reprendre le schéma ci-dessous pour repérer les différents paramètres facilement différenciables : les interactions (travaux en groupe ou seul, présence plus moins directive de l’enseignant, intervention de partenaires externes), les ressources à disposition, les activités proposées et les productions attendues des élèves.


L’organisation de la différenciation

Le premier niveau de différenciation, séquentiel, consiste à proposer une diversification successive des activités et supports. Cela permet de varier les approches, les méthodes, les productions attendues, les ressources et soutient ainsi la motivation. Le second niveau consiste à réaliser une différenciation simultanée.  L’enseignant doit alors anticiper sa séquence pour baliser le chemin de chacun et ne rien oublier.

3 – La différenciation : une source de motivation

Rollland Viau, qui a étudié la motivation des étudiants, a répertorié 10 conditions pour motiver les élèves et la pédagogie différenciée en valide quatre : 

  • Proposer des activités diversifiées,
  • Exiger un engagement cognitif pour l’élève,
  • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix,
  • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres. 

Les autres facteurs de motivations (clarté des consignes, temps imparti pour réaliser l’activité et caractéristiques des activités proposées : sens, défi cognitif, authenticité, interdisciplinarité) sont tout aussi intégrables dans une pédagogie différenciée mais ne s’y trouvent pas « naturellement ».

4 – Des outils et des ressources pour différencier

Le premier travail dans la différenciation pédagogique est de planifier sa séquence en partant des objectifs visés afin de définir tous les paramètres essentiels et les dimensions qui seront différenciées. La grille présentée ci-dessous peut vous aider dans cette démarche.

La première page est la version vierge de la grille, la seconde est un exemple de son utilisation lors d’une formation d’enseignant sur la classe inversée.

Une fois ce travail préparatoire réalisé, il est intéressant de voir comment les outils numériques peuvent aider à s’organiser pour ne pas être débordé : 

  • L’ENT est l’espace à préférer pour capitaliser ses documents, mettre les ressources à disposition des élèves, les accompagner et récupérer leurs travaux.
  • Une multitude de ressources sont déjà disponibles sur internet et la ‘mode’ de la classe inversée a motivé de nombreux enseignants à se lancer dans la production de ressources. N’hésitez pas à parcourir des ’dépôts’ répertoriés, vous devriez déjà trouver des éléments pour commencer.
  • Il est intéressant d’organiser la différenciation avec des plans de travail. (Une présentation détaillée de cet outil et de son utilisation, avec des exemples est accessible ici). Ce plan de travail correspond à une présentation de la grille pédagogique (présentée ci-dessus) adaptée à l’élève en lui précisant l’organisation chronologique des activités proposées (si nécessaire, on peut prévoir des embranchements dans son scénario). 

Enfin, si vous voulez avancer dans vos pratiques, voici deux conseils pragmatiques :

  1. Prenez le temps d’analyser à postériori comment les séquences que vous avez différenciées se sont déroulées : Les objectifs visés ont-ils été atteints ? Cela s’est-il déroulé comme prévu ? Avez-vous remarqué des élèves satisfaits/insatisfaits de la séance ? Tout ne se mettra pas en place tout de suite mais vous progresserez très vite en adoptant une démarche d’amélioration continue (comme le propose le cycle de Kolb). La rédaction d’un carnet de suivi vous permettra de constater rapidement vos progrès.
  2. Rapprochez-vous d’enseignants qui se sont déjà lancés ! Et comme il n’est pas sûr que vous en trouviez dans la classe d’à côté, n’hésitez pas à utiliser les réseaux sociaux pour entrer en contact avec des communautés actives autour de ces pratiques. L’apprentissage par les pairs est très efficace entre enseignants, rejoignez les communautés déjà existantes ! Vous pouvez par exemple commencer par quelques communautés sur twitter autour d’un hashtag :

#NumEdu et #edumix peuvent être vos premières portes d’entrées, après vous pouvez aller sur #Num1D_OT si vous enseignez en primaire ou sur #cadre21#eduprof#tacEdChat ou #cocreatic si vous voulez voir ce qui se passe au Québec, nos amis de la belle province sont très dynamiques !

5 – En conclusion

La différenciation est une pratique riche, qui suscite la motivation des élèves et permet de faire progresser chacun. L’organisation de telles séquences peut être chronophage, surtout au début, mais vous n’êtes jamais obligé de tout différencier. Il est tout à fait compréhensible d’avancer pas à pas dans cette approche qui, vous le verrez, vous apportera de nombreuses satisfactions.

Jacques Dubois

Article publié sur le site : http://dane.ac-dijon.fr/2017/07/06/la-differenciation-une-approche-centree-sur-les-eleves/

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Dernière modification le dimanche, 05 novembre 2017
Jacques DUBOIS

Ingénieur de formation, Membre de l'équipe nationale m@gistère
École Académique de la Formation Continue - académie de Dijon
Rectorat de l'académie de Dijon