fil-educavox-color1

Un peu d'humour en cette fin de semaine au travers d'une légère rétrospective du regard des autres. Quand j'étais enfant, je me suis passionné pour la musique contemporaine et ce n'était pas bien. Imaginez la tête de mes comparses lorsqu'en CP alors que la tendance était à Émilie Jolie j'avais amené en classe un disque, il me semble de Ianis Xenakis, lors de l'écoute de la semaine. Totalement innocent et inconscient, je n'avais pas imaginé le bide monumental que j'allais rencontrer.
Idem concernant ma passion pour l'art contemporain, les œuvres typées "ça moi aussi je peux le faire" pour ce qui est des commentaires désobligeants. L'art contemporain s'expose, se vend, se marie avec le numérique, me fait rêver, imaginer...
 

Un peu plus tard, je me suis passionné également pour la musique électronique (qui me passionne toujours comme la contemporaine) et ce n'était pas bien.

En effet, comme chacun le sait, "la musique électronique n'est pas de la vraie musique car pas faite par de vrais instruments mais par des ordinateurs". Je schématise la pensée de l'époque et viens de lâcher un autre terme magique.

En effet, ayant eu la chance de rencontrer très tôt des ordinateurs, ce fut le coup de foudre pour ces derniers et... ce n'était pas bien.

D'une part, ces derniers n'auraient que peu d'incidence sur nos vies et, par ailleurs, ll y avait tant d'autres activités plus intéressantes comme le sport dont, soyons honnêtes, je n'avais cure. Et, merci, je vais bien.

Avec les ordinateurs viennent les jeux vidéo et, vous m'aurez deviné, ce n'était pas bien.

Les jeux vidéo isolent, n'apprennent rien... Bref, sans intérêt... Si les jeux vidéo restent vilipendés, il n'y a pas eu d'effondrement de civilisation par leur faute.

Si seulement je ne m'étais intéressé qu'à des jeux de sport, peut-être aurais-je été pardonné mais mon univers s'élargissait grâce aux jeux de rôles et autres jeux d'aventure. Ce n'était pas bien...

Aucune étude n'a pourtant prouvé un quelconque problème fondé avec ce type de jeux.
Non seulement j'y jouais, j'en programmais mais développais aussi ma propre musique sur ordinateur et des pratiques d'art numérique. Ce n'était pas bien... Cet univers et ces pratiques viennent d'être reconnues par l'UNESCO.
 
La musique électronique m'a amené à fréquenter le milieu des raves et free parties et j'ai à l'époque fondé avec quelques amis une association de prévention de la toxicomanie, Spiritek, toujours active. Ce n'était pas bien car, selon nos opposants, la réduction des risques n'était rien d'autre qu'une incitation à la consommation. Depuis nombre d'initiatives étatiques nous ont donné raison.

Pendant ce temps je découvrais Internet ou plus précisément le Web et ce n'était pas bien.

Sans intérêt, d'après nombre de mes comparses. Sans commentaire...
 
Étudiant en Histoire, je développais de petits logiciels et outils pour mes études et démarrais ma thèse dans un laboratoire de la Sorbonne consacré à l'histoire médiévale et à l'informatique. Ce n'était pas... logique.
 
J'avais beaucoup de mal à convaincre nombre d'interlocuteurs et interlocutrices pour qui ces deux termes étaient antinomiques. Pourtant le développement d'outils numériques permet de pousser plus loin la recherche historique et favorise de nouvelles découvertes.
 
Durant ces mêmes études, j'optais pour un langage de structuration et de description des données dont le texte : le XML et... ce n'était pas bien... Aux dires de certains milieux de la recherche, les outils existaient déjà et il valait mieux s'appuyer sur l'existant. Cela ne m'a pas empêché d'avancer et d'obtenir mon diplôme.
Consultant, chargé de mission dans le domaine du numérique et de l'éducation pour des collectivités, je tentais de diffuser la bonne parole du logiciel libre. Ce n'était pas bien... Pourquoi en effet évoluer et tenter de changer les choses pour plus de liberté et d'efficacité ? Le logiciel libre et l'open source ont désormais largement impacté le domaine du numérique et en sont des composantes essentielles, fortes de nombreuses communautés.

Après un an et demi de harcèlement moral au travail, je partais à l'aventure en tant qu'indépendant. Ce n'était pas bien non plus.

Comment en effet pouvais-je me lancer sans structure d'accompagnement, sans société de portage, sans analyse de marché ? Cela fait plus de quinze ans que cela dure...
Aujourd'hui j'utilise l'intelligence artificielle, forme du public à son usage et, devinez quoi, ce n'est pas bien ! Pour des tas de raisons assenées à longueur d'articles à droite et à gauche que je ne reproduirais pas ici.
On pourrait croire que je fatigue à force mais je n'en ai cure, l'objectif étant toujours d'avancer, de se questionner, de chercher et, si possible, de trouver des solutions. J'ai aussi eu la grande chance d'avoir une famille, des ami.e.s, des collaborateurs et collaboratrices, des professeur.e.s qui me soutenaient dans les différentes directions que je prenais. J'en souhaite autant à tous.

Je me suis amusé à faire ce petit florilège suite à une discussion récente où les critiques technologiques étaient nombreuses et surtout sans réel fondement.

Je pensais alors à celles et ceux qui essuient cela à longueur de journées sans pouvoir toujours réagir, sans avoir surtout la liberté d'agir comme bon leur semble. Beaucoup misent sur ou cherchent la reconnaissance mais ce n'est, à mon sens, pas la question la plus importante : il s'agit avant tout d'avoir la liberté de faire, d'essayer, de se tromper, de corriger sans pression aucune. Il y a encore énormément de marge dans ce domaine avant d'y aboutir et c'est tout l'enjeu de l'éducation et de celles et ceux qui au quotidien s'efforcent de trouver des méthodes innovantes, hors normes, parfois mal comprises voire incomprises et qui cependant auront peut-être un jour un impact significatif sur l'avenir. Faisons bien, faisons mal et surtout laissons médire...
Dernière modification le samedi, 20 septembre 2025
Cauche Jean-François

Docteur en Histoire Médiévale et Sciences de l’Information. Consultant-formateur-animateur en usages innovants. Vice-Président du Conseil d'Administration de l'An@é.