Les professionnels de l’éducation déploient chaque jour des trésors d’ingéniosité pour s’adapter à de nouveaux besoins et faire progresser tous les élèves et étudiants, dans leur diversité.
Les initiatives ne manquent pas, mais les usagers comme les personnels se heurtent parfois à des complexités administratives ou des incompréhensions, accentuées par la dématérialisation des procédures, qui freinent leur élan, créent du décrochage, des comportements agressifs ou violents, et fragilisent la confiance dans le système éducatif.
L’institution n’a pas toujours les moyens humains d’être présente auprès de chacun pour l’accompagner dans ses difficultés, qui risquent ainsi de s’enkyster et d’empêcher une poursuite sereine de son parcours.
Les médiateurs font en sorte de maintenir des espaces de dialogue entre les usagers, l’administration et les acteurs de la communauté éducative. Ils s’efforcent de répondre avec bienveillance et professionnalisme à une demande croissante d’écoute, d’explications et de considération des familles, des étudiants et des personnels, qui souhaitent être associés aux décisions les concernant et mieux accompagnés à des moments clés de leurs parcours, notamment lorsqu’ils font face à des événements imprévus : accidents de santé, problèmes familiaux, souffrance au travail, précarité, etc.
Depuis plusieurs années, le ministère de la Justice et le Conseil d’État reconnaissent et encouragent le développement de modes extrajudiciaires de règlement des litiges.
Dans ce cadre, la médiation a su faire la preuve d’une efficacité croissante, en particulier parce qu’elle n’impose pas de décision mais cherche à faire émerger, du dialogue et de la concertation, des solutions inédites, équitables et durables. Ainsi, sans jamais s’écarter du droit, elle contribue à l’apaisement des relations entre les usagers, les personnels et leur administration. Elle facilite, en particulier, les démarches de tous ceux qui se sentent éloignés des services publics ou n’en possèdent pas les codes. Elle contribue ainsi à créer du lien, de la transparence et de la confiance entre les administrés et l’institution scolaire, au sein d’un système qui ne cesse de se complexifier.
En 2024, les médiateurs de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont traité 23 700 saisines.
Le nombre de sollicitations a progressé à un rythme encore plus soutenu que les années précédentes (+ 16 % en un an, et + 50 % en 5 ans). Cette augmentation témoigne d’une meilleure visibilité donnée à la médiation au fil des ans. Son organisation évolue et elle améliore chaque année ses outils d’analyse pour s’adapter aux besoins des requérants et éclairer les décideurs : tous les médiateurs ont à cœur d’expliquer leur mission et d’en faire connaître les enjeux auprès des publics et des services concernés (amélioration de la qualité de service, simplification, gestion de proximité des personnels).
Les saisines présentées par les usagers représentent 76 % des demandes – dont 17 % concernent des écoliers et 49 % des collégiens ou lycéens. Les demandes provenant du premier degré sont en très forte augmentation (+ 105 % en cinq ans).
Les réclamations présentées par les étudiants de l’enseignement supérieur, public et privé confondus, constituent 27 % des demandes des usagers. Leur nombre, qui avait commencé à baisser en 2022, a amorcé une nouvelle hausse depuis deux ans. Sur cette période, ce sont les saisines concernant les établissements privés du supérieur qui ont le plus progressé. Les questions d’une clarification nécessaire de la qualité des formations, avec l’éventuelle création d’un nouveau label, et de la mise en place d’un système de reconnaissance des diplômes mieux encadré, ont fait l’objet de nombreux débats et réflexions qui sont plus que jamais d’actualité.
Les saisines présentées par les personnels constituent 24 % du total des réclamations et poursuivent leur progression en volume (5 058 saisines, contre 4 278 en 2023). Un sentiment d’essoufflement s’exprime parfois chez les agents, au sein même de l’administration comme dans les établissements, lié à l’effort considérable qu’ils ont dû fournir pour s’adapter aux réformes et aux transformations de leur environnement, et faire face à des crises multiples. La part des personnels qui a le plus augmenté est celle des non titulaires (+ 141 % depuis cinq ans), et en particulier celle des contractuels non enseignants (notamment les AESH), qui a crû deux fois plus vite que celle de tous les non-titulaires.
En complément du bilan statistique présenté dans la première partie du rapport, la médiation s’est intéressée cette année aux difficultés repérées dans l’accompagnement des transitions, que celles- ci soient contraintes, subies ou qu’elles correspondent à des choix :
• Pour les personnels, l’entrée dans le métier, les évolutions de carrière ou les reconversions, même si elles résultent de décisions personnelles, peuvent se heurter à des complexités administratives qui en rendent la réalisation difficile ou douloureuse. La médiation invite l’administration à une vigilance accrue quand le parcours d’un agent a subi des événements imprévus (accident de la vie ou du travail, problèmes de santé ou familiaux, etc.), afin qu’il soit accompagné avec humanité, au plus tôt et au plus près de ses besoins.
• Pour les élèves, une scolarité peut être altérée, voire interrompue, si l’École n’est pas en mesure d’apporter, à des étapes charnières, l’accompagnement nécessaire pour leur permettre d’accéder à l’éducation, de choisir une orientation et de réaliser leur projet en tenant compte des capacités, des aspirations et de la situation de chacun. Pour les plus fragiles, qui rencontrent des problèmes de santé physique ou mentale notamment, le soutien de l’institution est indispensable pour éviter le décrochage ou des conséquences préjudiciables pour leur futur. La médiatrice préconise une simplification des démarches administratives, un traitement plus humain des situations spécifiques et une communication renforcée avec les familles.
• Pour les étudiants, les choix d’orientation doivent pouvoir être accompagnés, voire revus, pour garantir une formation répondant à leurs aspirations et les conduire à l’insertion professionnelle. Si une difficulté ou un remord remet en cause le parcours initialement choisi et amène l’étudiant à se réorienter, les médiateurs observent que les passerelles ne fonctionnement pas toujours. Les plus vulnérables, aux conditions de vie précaires ou qui sont porteurs de handicap, risquent de perdre les aides dont ils bénéficiaient et d’interrompre leurs études.
Les recommandations de la médiatrice visent une plus grande fluidité des parcours, par la liberté de choix et un meilleur étayage tout au long du chemin.
Plus que jamais, en 2024, s’est fait sentir la nécessité de faire vivre, à tous les étages du système éducatif, l’esprit et les valeurs de la médiation, qui sont aussi ceux de l’École républicaine : le débat démocratique, la recherche de l’équité et le respect des différences, garants d’une société protectrice de la dignité des personnes et de leurs droits fondamentaux."
Catherine BECCHETTI-BIZOT
Médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur