Mais une troisième question se glisse alors dans l’interview qui n’est pas annoncée dans le titre mais dans une légende, plus bas, à propos de « la forme que doit prendre l’enseignement à l’école à l’ère du numérique ».
Mais c’est inexact, figurez-vous ! La question posée par Alice Antheaume n’est pas exactement celle-là. Un sourire en coin, plutôt contente d’elle-même, elle pose à la secrétaire d’État une question très originale qui ne lui a déjà été posée que quelques trois ou quatre cents fois auparavant — le panurgisme béat de certains journalistes ne laisse pas de m’étonner ! :
« François Hollande a annoncé un grand plan numérique pour l’école, en 2016, alors, selon vous, qu’est-ce qu’il faut apprendre à l’ère numérique, aux enfants, est-ce qu’il faut leur apprendre à coder, à savoir faire de la programmation informatique, par exemple ? »
Et la réponse d’Axelle Lemaire, qui, pourtant, s’était exprimée à ce sujet et toujours dans le même sens depuis des mois, au point même que j’ai pu douter de sa vision politique de la chose (1), martelant l’avènement d’un code rédempteur, au point même de contraindre les titulaires successifs du ministère de l’Éducation nationale, Benoît Hamon puis Najat Vallaud-Belkacem, à se positionner sur le sujet, est très loin d’être attendue. La surprise de celle qui lui pose la question n’est pas feinte quand Axelle Lemaire, après un petit sourire, prononce les mots suivants, sans dire un seul mot du code :
« Heu… Je crois qu’il faut leur apprendre à apprendre, et le numérique, pour ça, est un outil très utile parce qu’il permet d’apprendre de manière ludique, de manière interactive, et il permet aussi de personnaliser les enseignements en fonction des besoins des élèves, en fonction de leurs capacités d’apprentissage aussi. Alors, il y a le numérique à l’école et effectivement, nous souhaiterions qu’à la rentrée 2016, les enfants du niveau collège, probablement cinquième, soient équipés en tablettes mais aussi ce qui implique pour les enseignants — j’insiste sur l’accès aux contenus et aux ressources pédagogiques— une formation, c’est absolument crucial, et l’accès pour les enfants depuis la classe.
— Qui va payer, c’est l’État ?
— Qui va payer ? Il faudra que l’État vienne en accompagnement des projets des collectivités locales. Certaines ont déjà commencé à investir dans ce domaine, nous souhaitons que toutes le fassent et il y aura effectivement un soutien financier de l’État.
— Donc ça va alléger probablement les cartables des collégiens ?
— Il faut l’espérer parce que les cartables restent très et trop lourds. »
Bon, le miracle n’est pas tant dans les réponses données par la secrétaire d’État qui montrent une compréhension, disons, superficielle des enjeux mais dans le fait que ses réponses, pour la première fois, sont adéquates au questionnement. Les enjeux du numérique pour les apprentissages et l’école, pour l’acculturation et la formation des maîtres dépassent, et de très loin, le seul apprentissage d’un code et de la programmation informatique, n’en déplaise au lobby qui fait le siège de son cabinet depuis de longs mois.
Axelle Lemaire semble l’avoir compris, à défaut de savoir encore bien l’exprimer. Mais accordons-lui que l’exercice de l’interview était difficile et faisons lui, en tout cas, crédit de ce revirement heureux et de cette nouvelle vision politique qui pointe le bon horizon.
Il ne reste plus qu’à sa collègue de la rue de Grenelle à lui emboîter le pas…
Après, il y aura sans doute beaucoup à dire sur le choix curieux de cet équipement matériel. Mais attendons l’annonce officielle !
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : Parti socialiste via photopin cc