Voici enfin l’occasion de sortir d’une anomalie française !
Nous pourrons enfin former nos enseignants avec un contact au terrain, comme c’est le cas pour nos médecins !
Il faudra bien sûr installer les conditions pour que l’alternance ne soit pas qu’un vain mot, pour qu’elle permette à chaque futur enseignant d’articuler ses expériences vécues sur le terrain à un outillage théorique fourni par sa formation (à l’Université, à l’ESPE) — fonctionnement que l’on peut caractériser par le terme “alternance intégrative“.
Mais l’alternance n’est pas seulement un mot.
C’est un système de formation exigeant, qui suppose :
- Une maquette de diplôme conçue sur la logique de l’alternance (va-et-vient entre travail sur le terrain et apports théoriques, va-et-vient qui permet la construction par l’étudiant d’une expérience outillée).
- Une organisation et un rythme des stages de terrain qui tienne compte du parcours de formation et de ses exigences, ainsi qu’un étalement dans le temps (commencer les contacts de terrain dès la licence est indispensable).
- Un encadrement formé à l’enseignement par alternance. Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de formateurs compétents pour à la fois diriger des écrits (mémoire de master et écrits préparatoires) et accompagner l’étudiant dans son parcours (capacité à l’écouter, lui apporter l’outillage théorique pertinent, le conseiller dans ses lectures comme dans le travail à effectuer sur lui-même).
Je l’ai longuement expliqué au cabinet de Vincent Peillon, avec pour seul résultat apparent l’insertion de l’expression “alternance intégrative“ dans les recommandations officielles. Ce qui constitue au mieux un énoncé “de papier“, sans conséquence au niveau du réel, au pire une injonction paradoxale, puisqu’il s’agit d’une prescription privée des moyens de sa réalisation (aucune des conditions ci-dessus n’est réalisée).
Cet aspect du projet Macron doit nous permettre de sortir de cette ornière. Nous hésiterions à confier notre santé à un médecin qui n’aurait pas côtoyé le milieu hospitalier tout au long de sa formation. Nos enfants sont aussi précieux que notre santé !
Il nous faut des enseignants formés au contact du terrain, dès la licence[1].
Il y bien d’autres raisons de soutenir le projet d’Emmanuel Macron, mais du point de vue de l’École, du point de vue de l’éducation, celle-là, à elle seule, peut suffire.
Jean-Claude Sallaberry
[1] Pour plus de détails sur la formation en alternance et sur la formation des maîtres, voir Geay A., Sallaberry J.C. (1999), « La didactique en alternance ou comment enseigner dans l'alternance ? », In Sallaberry J.C. (Dir.), Revue française de pédagogie, vol. 128, L'alternance : pour une approche complexe, p. 7-15. ; Sallaberry, JC, 2014 , A la recherche du temps perdu, L’Année de la Recherche en Sciences de l’Education, n°2014, p.223-228 ; Sallaberry, JC, 2013, Pédagogies nouvelles : quelles conditions de possibilité ?, L’Année de la Recherche en Sciences de l’Education, n°2012, p.49-70 ; Sallaberry, JC, 2011, Conditions de la formation des maîtres, site Educavox, onglet ‘auteurs’.
Dernière modification le jeudi, 27 avril 2017