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Invitée au Forum Changer d'Ere à participer au débat " Pour une éducation du 3ème millénaire" auprès de Erwan Kezzar, co-fondateur de l’école Simplon, Jérémie Fontanieu, enseignant en Sciences Économiques et Sociales au lycée de Drancy (93) et 

de François Taddei, généticien, directeur du CRI, Centre de recherche interdisciplinaire à Paris 1, je m' interroge: la révolution éducative sera t-elle au rendez-vous ? En est-elle à ses balbutiements? Voit-on  poindre des changements?

La révolution éducative : ce n’est pas qu’une affaire de technique, c’est une affaire de concepts, de représentation sociétale, d’approche politique et culturelle, et surtout  une approche volontariste.

Je souhaite relever en préalable à cet article, deux éléments qui me semblent significatifs et qui brouillent l’image de la transformation de l’école, à la fois, l’incohérence et le manque de visibilité perçus au sein et à l’extérieur de l’Ecole, et l’installation de comportements sociétaux par rapport au « système » en général et aux relations induites notamment par les réseaux sociaux.

L’image brouillée de l’Ecole 

En caricaturant bien sûr je dirais que cohabitent actuellement dans les écoles des pratiques aussi radicalement opposées que celle qui consiste à ne pas partager les espaces, les stylos, les matériels et les contenus à celle qui offre une éducation ouverte s’inscrivant dans un continuum éducatif de tous les milieux de vie avec partage de ressources,  interactions multiples et constructions de projets. Cela ne facilite pas la visibilité d'une potenteille évolution !

Il est clair que se confrontent aujourd’hui plusieurs  représentations de l’école. En voilà quelques exemples : discipline toute ou interdisciplinarité ? Concurrence ou collaboration ? Priorité aux équipements ou au projet pédagogique ?  Gestion descendante des services ou nouvelle gouvernance ? Temps éducatifs cloisonnés ou prise en compte d’un continuum scolaire au-delà de la classe ? Ecole hors réseaux ou culture numérique ?

Il est bien difficile de se construire une culture commune, de mettre en place des changements profonds de représentation et de posture…

La crise de l’autorité et le choix des réseaux.

Elle se manifeste par le refus de la  représentation des individus par les politiques,  par les médias,  par les médecins…tout ce qui a pu à un moment avoir de l’autorité est mis en doute par la profusion d’informations accessibles ou par le buzz des réseaux. La tendance est à la préférence des relations horizontales choisies, les pairs, les relations réseaux plutôt qu’aux relations imposées par des traditions sociétales et les institutions. Les pratiques d’entraides et les logiques de partenariat sont en actions. Cependant les approches libérales sont très présentes et des logiques centrées sur l’économie ne co-habitent pas toujours avec les besoins du service public.

Les changements liés aux usages numériques ont des incidences au niveau de l’économie, du politique, de la société et de ses usages et dans le domaine de l’éducation avec toutes ses composantes culturelles. Quatre secteurs déjà interaction et en tension permanente sont ainsi bouleversés en profondeur par notre société connectée. Mais la conséquence directe c’est le choc de conceptions opposées, l’opposition idéologique entre deux conceptions de la société, d’où le doute, les images brouillées, l’irruption du politique dans le débat, le temps long des mises en œuvre. L’éducation n’y échappe pas.

Et pourtant, les innovateurs sont déjà là

Les innovateurs : ils utilisent, essaient, expérimentent

  • Les réseaux en classe (twictées – utilisation de twitter de pinterest…)
  • L’utilisation du Data, des données de google earth…
  • L’introduction des jeux vidéos (Minecraft par exemple.. )
  • Les  créations de ressources (manuels- Mooc’s)
  • Le byod
  • Les classes inversées
  • Les projets collaboratifs
  • Les échanges internationaux
  • Les passerelles numériques entre différents acteurs de l’éducation
  • Les formations virtuelles

Les espaces, les temps, la co-construction de nouveaux modes de gouvernance et du vivre ensemble

  • Les lieux d’éducation et de culture en accès permanent. Les espaces d’apprentissages et de culture (habitat/ Transports/lieux de médiation culturelle ou scientifique) deviennent des lieux ouverts et les outils sont à disposition de manière permanente
  • L’école  se conçoit en espaces mobiles, se structure en groupes de projet et d’apprentissages au profit de l’individualisation des apprentissages. Les projets s’amplifient  à l’échelle européenne et mondiale.
  • Les temps se transforment en  horaires modulables intégrant du temps pour les équipes de projet et pour la formation continue.

Cela exige d’autres modes de gouvernance avec des relations de confiance, une grande  autonomie pédagogique et le travail en commun de tous les personnels : enseignants, intervenants culturels, médiateurs, assistants techniques. Cela demande de nouveaux modes d’évaluation.

Les changements de posture et de pédagogie

L’intégration d’outils actuels ne peut être efficace que s’ils sont au service d’une autre relation aux savoirs et aux apprentissages, par les échanges, par la collaboration par la co-construction, par un regard positif sur les démarches d’expérimentation, par la mise en œuvre d’une culture numérique (litteracy). Les connaissances,  les informations sont à portée de clics ou de doigt, les transformer en savoirs demandent d’autres compétences.  Compétences informationnelles certes et savoir pratiquer « une diététique de l’info »  s’exprimer, argumenter, savoir publier deviennent essentiels. On comprend bien une des  difficultés actuelles, mettre en adéquation les temps, les espaces, les savoirs fondamentaux,  les programmes, la formation des intervenants et celles des formateurs…

La formation

La formation intègre désormais les formations à distance,  « mooc » ou autre formation hybride, dispositifs en réseaux et se heurte aujourd’hui aux fonctionnements cloisonnés en horaires, en disciplines et souffre d’un effet pygmalion interne qui prive l’institution des outils et des méthodes venues d’autres milieux professionnels. D’autres compétences s’invitent peu à peu dans les lieux de formation : apprendre à communiquer, à scénariser, à utiliser des « storytelling », à analyser ses gestes professionnels entre pairs,  à développer des compétences informationnelles et une culture numérique,  une « litteracy » à la hauteur des enjeux médiatiques d’aujourd’hui.

Les moteurs de l’innovation

Open innovation !

  • L’ouverture aux espaces de médiation et d’accompagnement permet la mise en œuvre de projets remarquables et un investissement réel des élèves et étudiants à la culture.
  • La découverte les acteurs du monde économique et politique est indispensable restaure une pensée systémique,  un esprit d’analyse et d’initiative.
  • La réflexion sur les contextes éducatifs à savoir choisir un espace clos avec des outils réservés ou des espaces ouverts doit se faire en toute connaissance des situations d’apprentissage et non pas à des pratiques de protection à priori.
  • Envisager l’éducation dans toute la complexité de son contexte, amène à identifier de nouveaux angles de perception et d’analyses,  à en déduire un ensemble d’hypothèses pertinentes, plus ambitieuses que de simples solutions à des problèmes.

L’apport des start up !

Elles innovent, elles proposent et elles sont utilisées par les parents. Profitons -en !

  • Aides personnalisées
  • Apprentissage des langues
  • Jeux-Révisions

La force du citoyen !

Les innovateurs sont des acteurs du changement parce qu’ils expriment leur points de vue, qu’ils proposent et expérimentent des situations nouvelles, qu’ils apprennent par les réseaux, les actions communes, la collaboration, la création de ressources ancrées dans les pratiques.

Le politique et l’institution peuvent accélérer leurs mouvements ou le ralentir. Mais ils ne pourront pas l’arrêter.

Les secteurs en mouvement

  • Les politiques publiques : territorialisation et co-construction sont en questions !
  • Le secteur économique : au niveau des entreprises, les  relations et  l’implication plus forte au niveau des apprentis, l’accueil d’élèves et des enseignants impliquent des échanges sur les méthodes et la création de nouveaux outils. Du point de vue des filières industrielles liées à l’éducatif, les échecs dus au lancement de produits ou ressources sans adéquation avec les connexions des établissements (Le déploiement du Très Haut débit est encore en cours !) ou les usages réels réorientent les propositions.
  • Le secteur sociétal : la veille et l’utilisation des réseaux entrainent  la découverte et l’analyse des nouveautés, des outils et des usages différents, détournés et créatifs.- On peut imaginer des usages éducatifs ensemble entre différents acteurs du monde économique et culturel. Les parents entrent aujourd’hui sur les réseaux et sont en passe aussi de faire entendre leur voix de manière bien plus forte qu’avec les organisations traditionnelles.
  • Le secteur éducatif et culturel : ouvrir les données et faciliter l’accès pour tous, multiplier les rencontres de tous les acteurs (colloques/ Expositions/ Fablabs/ Ateliers bidouilles/lieux de médiation…), facilitent les changements de représentation et essaiment ainsi de nouvelles pratiques,   beaucoup plus rapidement. C’est ainsi que les paramètres et contraintes de chacun sont intégrées non pas dans des oppositions ou concurrences néfastes mais dans des constructions de projets opérationnels.

Le Saint Graal actuel : collaboration, partage et  co-construction ?

Si, à priori, cela ne semble guère de mise dans les secteurs concurrentiels du secteur économique, ou du secteur politique,  les enjeux sont tels que des partenariats, des projets et des partages sont tout de même possibles … Utilisons donc la force de nos innovations et  la force de nos convictions !

 

Dernière modification le jeudi, 12 novembre 2020
Laurissergues Michelle

Présidente et fondatrice de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.