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La mythanalyse nous suggère que l'idée de mondialisation, qui est largement un effet du développement de la technologie mécanique, puis numérique, s'identifie à l'Autre sous le signe du contrôle social.

Le mythe nourrit les craintes d'un système universel et extrêmement puissant, grâce au croisement des bases de données et à un réseau de satellites permettant un contrôle numérique omniprésent de tous les faits et gestes de chaque individu.

Du numéro d'identification individuelle lié à l'assurance sociale, au numéro de téléphone personnel à vie, que nous annonce la téléphonie numérique, aux cookies, ces petits espions que les émetteurs Internet dissimulent à votre insu dans votre ordinateur, en passant par le numéro d'identification personnel de chaque ordinateur, tel que l'a proposé la société Intel pour le nouveau Pentium III (1999), pourrait s'esquisser un vaste réseau de contrôle social des activités, des déplacements, du dossier médical, financier, privé et des courriers électroniques de chaque individu, qui pourrait préfigurer un accomplissement du pire scénario de la mondialisation.

Déjà les banques nord-américaines ont construit une base de données interbancaires de données informatisées, où s’accumulent tout l’historique des faits et gestes ce chacun de leurs clients depuis 7 ans (et ce sera un jour de toute la vie de chacun, si on n’y met pas un arrêt législatif). Ils savent si vous avez été en défaut pour le solde de n’importe laquelle de vos cartes de crédit il y 2 ou 6 ans, si vous avez tardé à payer votre hypothèque un jour il y a 4 ou 5 ans, quelle qu’en soit la raison. Et ils ont ce droit, dès lors que vous ne pouvez refuser de signer une autorisation de vérification financière sur vous-même, sous peine de ne pas obtenir votre hypothèque, ou de ne pas pouvoir ouvrir tout simplement un compte en banque.

Ces bases de données sont évidemment sujettes à être croisées avec celles des compagnies d’assurance, des services de santé, des administrations fiscales et des compagnies de marketing. Tous les abus d’usage, publics ou clandestins,  sont évidemment possibles et ne manqueront pas de se produire de plus en plus à l’avenir, s’il n’y est pas mis fin par des législations vigoureuses et assorties de sanctions.

Nous sommes confrontés à une menace grave de viol de la vie privée, qui se présente aujourd’hui à nous comme une tendance inéluctable. La science-fiction, qui cultive prémonitoirement peut-être le mythe de la mondialisation, évoque déjà la puce qui sera incrustée à la naissance dans l’épaule de chacun de nous, et nous servira de carte d'identité, de porte-feuille électronique, de clé de voiture ou de maison, donnera accès à notre dossier médical, et permettra de nous repérer par satellite, si nous nous perdions, ou voulions nous dissimuler (en vain) dans la vastitude du nouveau monde. Car le cyberespace est transparent. Tant pis pour ceux qui auraient le goût de quelque obscurité.

Le renforcement du contrôle social, que favorise à coup sûr la mondialisation, implique-t-il   des institutions de pouvoir central, un Etat centralisateur dictatorial et un renoncement des citoyens à une partie de leurs pouvoirs locaux?

Depuis Aldoux Huxley et tant d'autres auteurs de science-fiction, l'idée a été constamment reprise. Ce serait dans la logique du système, même si le réseau Internet tend au contraire, dans sa phase actuelle de développement, à constituer  une structure en rhyzome incontrôlable par un pouvoir central. La technologie, permettra à coup sûr, si l'on y prend garde, à instaurer dans le réseau Internet, un pouvoir central de contrôle électronique. Sans doute est-ce même déjà là en ce début de XXIe siècle.

Dernière modification le vendredi, 08 décembre 2017
Fischer Hervé

Artiste-philosophe, né à Paris, France, en 1941. Double nationalité, canadienne et française. Hervé Fischer est ancien élève de l'École Normale Supérieure (rue d'Ulm, Paris, 1964). Il a consacré sa maîtrise à la philosophie politique de Spinoza (sous la direction de Raymond Aron), et sa thèse de doctorat à la sociologie de la couleur (Université du Québec à Montréal). Pendant de nombreuses années il a enseigné la sociologie de la culture et de la communication à la Sorbonne-Paris V (Maître de conférences en 1981). A Paris il a aussi été professeur à l'École nationale Supérieure des Arts décoratifs (1969-1980). On lui doit de nombreux articles spécialisés, participations à des ouvrages collectifs et conférences dans le domaine des arts, de la science et de la technologie, en rapport avec la société. Parallèlement il a mené une carrière d'artiste multimédia. Fondateur de l'art sociologique (1971), il a été l'initiateur de projets de participation populaire avec la radio, la presse et la télévision dans de nombreux pays d'Europe et d'Amérique latine, avant de venir s'installer au Québec au début des années 80.