Elle n’est basée que sur un code binaire trivial – 1/0, et pourtant elle implique aussi une révolution cérébrale, une mutation éthique de l’être humain, afin que nous soyons capables d’assumer raisonnablement notre nouveau pouvoir exorbitant sans nous détruire nous-mêmes et avec nous la planète.
Cette technologie numérique exige une responsabilité numérique, celle de l’hyperhumanisme.
Pour que l’anthropocène numérique ne soit pas la dernière période de notre évolution terrestre, il va falloir que notre cerveau se transforme. La technologie nous oblige à instaurer une éthique à proprement parler planétaire.
Serons-nous capables d’évoluer dans ce sens ? Par quelle mutation de notre cerveau reptilien y parviendrons-nous ?
L’« intelligence connective » que développe le numérique au niveau planétaire y contribuera certainement : plus d’information, en temps réel, crée plus de conscience, plus d’exigence, plus de sens de nos responsabilités.
Mais la dysfonction actuelle évidente entre notre cerveau et notre pouvoir instrumental de création et de destruction constitue le grand défi de l’Âge du numérique. Et il faudra que cette conscience grandissante ait le pouvoir de changer nos connections neuronales. Il faudra que nos idées modifient notre propre physiologie humaine. Ce ne sera pas la première fois, certes, à en juger par la rapidité et la divergence de l’évolution de notre espèce en comparaison des autres. Et nous savons aujourd’hui que contrairement à ce que nous avons longtemps cru, les cellules neuronales continuent à se renouveler pendant toute notre vie. Nous avons découvert que le cerveau est étonnamment plastique, et que ses cellules sont beaucoup plus polyvalentes que ce qu’on affirmait. Elles peuvent s’adapter et prendre la relève des fonctions d’autres cellules détruites par un accident. Bref, le cerveau est capable d’évoluer rapidement.
Dès le moment où l’homme est descendu, non pas du ciel, comme on a cru si longtemps, mais des arbres comme l’a affirmé Darwin, et a adopté une posture verticale pour se déplacer, à la différence des autres primates, il a réorienté son évolution en développant des capacités cérébrales très supérieures à celles qu’on observe chez les autres animaux.
Et cette divergence se traduit par des mutations mentales, psychologiques, sociales qui s’inscrivent biologiquement dans le corps (colonne vertébrale, cerveau conceptuel, habileté manuelle, etc.).
Irons-nous jusqu’à parler alors de transformations génétiques ? Oui : l’évolution de notre corps actuel le confirme. Mais à la différence de Darwin, nous ne l’attribuons pas à une sélection naturelle opportuniste, qui élimine les désadaptés et assure la survie de ceux qui ont des écarts génétiques accidentels devenus utiles.
Il s’agit de mutations génétiques résultant de projets humains, d’imaginations alternatives, de conceptualisations de l’avenir, bref d’une conscience et d’une volonté proactive d’évolution.