Le texte présente quelques facteurs dont il serait bon de tenir compte lors de la réforme de nos systèmes d’éducation. La seconde partie décline quelques caractéristiques du modèle éducatif que je préconise. Il s’agit d’une suite d’indicatifs, certaines suggestions de ce qui pourrait être, des idées pour changer l’école.
Quelques unes des réalités à considérer lors de la conception d’un nouveau système d’éducation.
A - polarisation des idées et montée de l’extrémisme ;
B - dégradation des écosystèmes : pollution des eaux, de l’air et des sols ; changements climatiques ; espèces menacées, particulièrement les populations d’abeilles et de papillons, préservation de la biodiversité ;
C - augmentation prévisible des populations migrantes suite à la montée du niveau des mers ;
D - omniprésence du numérique, la robotisation des tâches et l’intelligence artificielle ;
E - matérialisme à outrance ;
F - affaiblissement de la classe moyenne et croissance des inégalités entre les riches et les pauvres ;
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Ternir compte de ces réalités lors de l’élaboration d’un système éducatif
A - l’éducation à l’empathie et à la gentillesse afin de maintenir une certaine paix sociale essentielle au bien être de tous ;
B- des programmes d’études en sciences qui permettent aux écoliers non pas de mémoriser les mots propres à l’écologie mais de comprendre à partir d’activités participatives et d’investigations ce qu’est la pollution, l’équilibre dynamique au sein des systèmes naturels, ce que signifie la capacité de support d’un milieu, les concepts de populations et de communautés de vivants, etc. ;
C - l’apprentissage de la robotique et de la programmation à partir de 5 ans environ ;
D - initiation au concept de design et ateliers de fabrication (numérique et non) ;
E - apprendre à se nourrir ainsi que quelques simples principes d’hygiène ;
F - apprendre à prendre soin d’un logement et savoir en identifier les problèmes, du nettoyage aux réparations de base ;
G - être informé de ses droits et devoirs de citoyens, de la nécessité du bien vivre ensemble ;
H -apprendre à gérer son argent, faire un budget, les impôts, des bases de comptabilité, entrepreneurship, etc.
Quelques problèmes qui semblent caractériser les élèves des générations actuelles et suggestions en vue de pallier à ces problèmes
A - Troubles du déficit de l’attention
Je propose de centrer l’éducation à la petite enfance sur les activités physiques. Dans les pays au climat tempéré, le programme de la journée sera établi en fonction du temps qu’il fait. Pour les pays chauds, les activités extérieures se dérouleront évidemment en début de journée.
- Jouer dehors quand le temps le permet.
- Trouver des lieux où les enfants peuvent faire des promenades libres, de type marche dans des sentiers, observation et découverte.
- Avoir des espaces extérieurs et intérieurs où les enfants peuvent courir et jouer au ballon pour un minimum deux séances de 30 minutes par jour en début de classe, avant et après le repas du midi, etc.
- Jeux rythmiques, écoute de divers genres musicaux, initiation à la danse, rythmique, coordination, danse folklorique, classique, jazz, hip hop, etc.
Bref, permettre de bouger, apprendre à être sensible aux sons et aux rythmes autour de soi, s’initier au contrôle de nos mouvements et à de simples chorégraphies.
- Initiation à la méditation.
B - Analphabétisme fonctionnel et décrochage ou abandon scolaire
Je regroupe ces deux phénomènes car je crois qu’ils sont liés.
C’est au niveau de la petite enfance qu’il faut prévenir le désintéressement scolaire.
Je ne crois pas à des apprentissages scolaires formels hâtifs.
- L’école, ce lieu d’apprentissage de la vie en société, doit être un milieu de vie agréable pour l’enfant.
Les écoles se doivent d’être claires, spacieuses, belles et colorées, particulièrement dans les milieux défavorisés où l’enfant pourrait alors s’éveiller à un monde différent, apprécier un havre de paix, et y découvrir l’ordre et la beauté.
Les plantes potagères ou décoratives ne coûtent pas cher. Elles purifient l’air. Elles donnent l’occasion aux enfants d’apprendre non seulement quelques caractéristiques des êtres vivants mais aussi à devenir responsables.
- Apprendre à lire des images avant d’apprendre à lire des textes. Raconter l’histoire des illustrations projetées sur l’écran. Mettre en ordre les images de l’aventure dont on a précédemment raconté l’histoire.
- Écouter une histoire lue par l’adulte et savoir la raconter dans ses mots. Utiliser de nouveaux mots de vocabulaire ainsi que des onomatopées pour s’exprimer.
- Jouer des scénettes, mimer les personnages de l’histoire aux autres enfants démontre qu’il a compris l’histoire qu’on lui a raconté
- Une attention particulière sera accordé à la compréhension du texte lors de l’apprentissage de la lecture à l’élémentaire. J’ai fréquemment vu des enfants qui lisent très bien, c’est-à-dire décodent bien, mais sont incapables d’expliquer dans leurs mots ce qu’ils viennent de lire.
L’élève qui comprend ce qu’il lit a moins de chances de se désintéresser de l’école.
Quelques caractéristiques générales
- Les écoles sont autonomes pour l’aménagement de leurs locaux et les modalités d’application des programmes d’études. Les écoles répondront aux besoins particuliers du milieu où elles sont établies, ce qui ne signifie toutefois pas qu’elles se plieront à toutes les exigences des parents des élèves ou des élus dont elles dépendent.
- Les écoles de proximité seront favorisées sauf dans certaines régions où le «bussing» sera utilisé pour mêler les élèves de milieux sociaux économiques différents tout comme on l’avait fait aux États-Unis dans les années ’60 pour intégrer les jeunes noirs dans les écoles à clientèle uniquement blanche, système qui avait très bien fonctionné.
- Les enseignants titulaires suivent leurs groupes d’élèves pendant deux ou trois ans.
- Il faut pousser la réflexion sur l’aménagement de l’espace autour et au sein des établissements.
L’école sera agréable à l’oeil. La peinture ne coûte pas très cher, quelques murales, oeuvres des élèves, confèrent à l’école une fraîcheur juvénile.
Apporter une attention particulière à l’aménagement des écoles des quartiers défavorisés. C’est à l’école qu’on initiera certains enfants à voir le monde d’un meilleur oeil. Ils doivent y trouver leur place, s’y sentir confortable. Peut-être se permettront-ils même d’être heureux.
Présence de plantes à l’intérieur et à l’extérieur.
Favoriser de multiples espaces d’apprentissage, locaux pour la lecture avec des sièges confortables, salles dédiées aux arts du théâtre et de la musique avec tout à côté le local d’arts plastiques, classes de sciences, ateliers de fabrication, pour le travail du bois, la couture ou le tricot, la cuisine ou numériques.
Les élèves circulent calmement d’un local à l’autre.
Par contre, les gymnases et les cours de récréation sont les lieux de tous les éclats.
Idéalement les écoliers mangeraient à une cantine, mais les restrictions alimentaires de nature religieuse ou philosophique (parents stricts végétariens) ou à cause des nombreuses allergies dont souffrent les enfants d’aujourd’hui rendent cette désirable pratique souvent difficile à appliquer.
Le numérique
L’usage d’applications numériques pour la gestion de classe comme ça se fait couramment.
Une diversité d’applications numériques seront utilisées pour les «drills», ces séries d’exercices utiles à l’apprentissage de la partie mécanique du français, d’une langue seconde ou des opérations arithmétiques. Ces jeux de «drill» amuseront l’élève qui apprendra sans se sentir jugé, sans être comparé aux autres. Il devra toutefois complaire aux exigences de l’enseignant et faire les exercices qui lui sont assignés.
L’ouverture au monde par la participation à diverses activités en collaboration avec des écoles d’un autre village, d’un autre pays, d’une autre langue comme c’est possible de le faire présentement. Les élèves pourront aussi recueillir certaines données par observation, expérimentation ou par des capteurs numériques, données qui seront par la suite utilisées dans le cadre de recherches scientifiques ou plus simplement pour de leur propre initiation au travail scientifique.
L’apprentissage du code, l’usage et la construction de robots, ateliers de création numérique . . .
Utiliser avec créativité la multitude d’application dont on dispose.
On doit chercher un certain équilibre entre les composantes spirituelles, physiques, artistiques et intellectuelles de l’individu. L’élève doit connaître «ici» et «ailleurs». «Ici» pour ses racines, pour sa stabilité : l’histoire, la géographie, la culture locale. «Ailleurs» pour l’ouverture au monde, pour comprendre les autres venus d’ailleurs, pour savoir aller ailleurs : l’histoire des autres et anciennes cultures, notre planète, ses climats, ses ressources, les arts et de la musique, les langues étrangères . . .
Les enseignants doivent être capables de travailler ensemble, se partager les tâches à accomplir, avoir l’esprit d’équipe et savoir utiliser à l’avantage de leurs élèves les nombreuses ressources dont dispose leur milieu. Hé oui, je crains que ce ne soit la fin de l’époque où l’enseignant était maître après Dieu dans sa classe.
La gestion du temps
Tous les jours commencent par une trentaine de minutes d’activité physique : entraînement sportif, jogging, danse, yoga, Taichi, arts martiaux, . . . Les élèves s’adonneront à une variété de pratiques.
Les enfants adorent chanter. Ils chanteront donc lors des principaux déplacements, c’est-à-dire la rentrée du matin, les récréations, le repas du midi et la sortie de fin de journée. Ces périodes durent de 10 à 20 minutes. Les élèves des classes supérieures accompagnent les élèves des petites classes vers leurs locaux respectifs. Les petits apprennent les chants en les chantant avec les plus grands.
Puis c’est le moment avec le titulaire, en premier lieu pour la méditation. Pour cinq minutes, c’est le silence total dans l’école entière. Cette période de silence stimulera la sensibilité de l’écolier et préparera son esprit à sa journée d’apprentissages. Puis suivra la distribution des tâches, la formation des équipes de travail. Les élèves se dirigeront vers un local ou discuteront avec leur titulaire de la possibilité de commencer un nouveau projet ou tenteront de résoudre un problème particulier.
Certaines périodes seront consacrées à des sorties éducatives, visites de musées, centre de la nature, fermes, industries, résidences pour personnes âgées, centres communautaires. Il faut créer des liens entre l’école et son milieu, favoriser le sentiment d’appartenance.
L’aventure humaine ou «The Times They Are A Changin’» chante Bob Dylan, nouveau prix Nobel de littérature.
Qui s’objecterait aujourd’hui à l’usage de l’imprimerie. Après tout cette technologie permet à tous de lire et d’écrire n’importe quoi. Mais sans l’imprimerie et la Linotype nous n’aurions pas ces manuels scolaires dont la prolifération a mené à l’éducation pour tous. S’objecter à la présence du numérique sera peut-être la position de quelques irréductibles. Mais ce numérique qui s’infiltre dans tous les aspects de nos vies changera, qu’on l’accepte ou non, nos sociétés tout comme l’ont fait précédemment l’imprimerie ou les grandes découvertes. Ces cris pour le changement de nos systèmes éducatifs ne sont pas signes de l’échec de décennies de réformes scolaires. Ce sont les temps qui ont changé.
Nous vivons une époque charnière et il n’est pas facile de changer le système. L’éducation est un gros cargo. Par contre chaque classe est un souple voilier. Chaque changement effectué dans une classe est un pas vers une meilleure adaptation du système aux besoins actuels.
Pensons toutefois aux personnes pour qui enseigner est un métier, un gagne-pain auquel ils s’appliquent avec dévouement, honnêtement, mais pour qui ce n’est pas une passion. Ceux qui ont une vie extra-scolaire exigeante, de jeunes enfants, des parents âgés ou autres. Il faut s’offrir pour leur tenir la main lors de cette traversée vers d’inconnus rivages.
Quant à l’usage du numérique n’oublions pas que ce n’est pas la craie qui écrit mais la main qui la dirige. L’enseignant, malgré la nécessaire et évidente transformation de la profession, demeure le pilier sur lequel s’appuie toute la structure éducative et l’avenir de la nation.
Ninon Louise LePage
Québec.ca
Dernière modification le samedi, 21 janvier 2017