Parmi celles-ci, la nécessité de Rapprocher la formation professionnelle sous statut scolaire et l’apprentissage pour assurer le droit à la qualification par l’alternance, d'Intégrer les démarches d’alternance écoles entreprises au sein des territoires dans le cadre de stratégies régionales que j'ai présenté dans ce Rapport du Collectif des Présidents.
Ne constate-t-on pas depuis longtemps une impasse du modèle français d'alternance, où le nombre d'apprentis est trois fois moins élevé qu'en Allemagne, avec un ratio du nombre de sans emploi chez les jeunes et chez les adultes de deux à trois fois plus élevé en France ? Un blocage structurel de notre système de production de la qualification, qui malgré les nombreuses réformes de l'apprentissage n'a jamais pu dépasser les 450 000 apprentis ? C'est pourquoi nous avons suivi activement à l'AFDET les débats qui ont conduit en 2017-2018 au vote de la loi Avenir professionnel du 5-9-18. Cette fois, non seulement est mis en chantier un véritable "big bang" de l'apprentissage (dont le pilotage est confié aux branches, ouvrant le marché aux offreurs et aux demandeurs d'apprentissage comme pour la formation continue), mais l'Éducation nationale y est associée et s'engage dans la réforme des lycées professionnels, visant avec cette transformation de la formation professionnelle et de l'apprentissage à l'excellence de la voie professionnelle dans son ensemble.
Ce chantier systémique concerne les deux modes d'acquisition de la qualification et les deux modalités de l'alternance dans notre pays.
Ce dernier dispose historiquement de l'apprentissage, qui forme à la qualification les jeunes sous contrat de travail dans les CFA, et de l'alternance en entreprises sous statut scolaire, assurant la certification professionnelle des jeunes formés dans les lycées professionnels.
La réforme de ces derniers prévoit l'extension à 50% du nombre de lycées professionnels proposant des formations en apprentissage au sein d'UFA (Unité de formation en apprentissage). Elle engage dans le même esprit des évolutions des modes d'enseignement professionnel, qui avaient déjà été expérimentées en lycées professionnels : mixité des cours principaux pour les élèves des deux modalités d'alternance, mixage des enseignements généraux et professionnels menés par les professeurs de ces matières. Parallèlement, l'accompagnement à l'orientation est renforcé avec un volume d'heures dédiées selon le niveau au collège et dans les lycées.
Ces deux réformes articulées peuvent-elles débloquer la situation et engager l'essor global de la voie professionnelle ?
Longtemps vus comme qualitativement opposés, ces deux modes de qualification sont en fait beaucoup plus complémentaires que rivaux. Ils répondent à la fois à des profils de jeunes différenciés, certains sont plus adaptés à l'une qu'à l'autre, ou ont plus besoin d'un salaire comme apprenti. D'autre part les besoins des entreprises sont différents à cet égard, certaines n'ont pas besoin de s'engager pour plusieurs années dans la formation d'un apprenti et préfère tester des jeunes en stage pour assurer un renouvellement de leur pyramide des âges, et inversement. De plus, l'articulation des deux réformes pousse à mieux assurer les passerelles existantes entre les deux modalités, dans un sens comme dans l'autre, mais aussi entre CFA et lycées professionnels d'un même territoire, d'une même filière ou métier.
Les Régions pourront faciliter ces parcours avec leur nouvelle compétence d'information à l'orientation, issue de la loi Avenir professionnel, qui s'organise via des conventions régionales avec les Académies.
Une autre raison de penser que cette conjugaison des deux "systèmes" peut débloquer la situation, c'est celle de l'emploi sur les territoires.
C'est là que se situent des gisements d'emplois, dans les TPE et PME notamment, à condition de faciliter la mise en relation des offres et des demandes. On l'a vu, les besoins locaux des entreprises d'acquérir de nouvelles compétences avec des jeunes, appellent à une mixité et une professionnalisation de ces modes d'acquisition de la qualification. Mais pour répondre au mieux aux besoins de compétences, cette conjugaison nécessite une régulation des formations et une gouvernance régionale et territoriale au sein de l'architecture nationale de ces réformes.
Notre pays dispose d'un avantage pour débloquer la situation, celui de pouvoir s'appuyer sur le fort maillage des territoires en termes de lycées professionnels, de lycées généraux et technologiques, et de CFA en plus faible densité, sans oublier l'enseignement supérieur qui a moins de problème, lui, pour développer l'apprentissage en son sein.
Par contre, l'une des faiblesses actuelles de l'ouverture de l'apprentissage est la faible implantation territoriale des branches professionnelles. D'où l'importance de prendre en compte l'existence de ce maillage local et territorial des établissements et de leurs filières éducatives. D'où l'importance aussi de la régulation de l'offre de formation professionnelle initiale, lycées et CFA, sur les bassins d'emplois par une gouvernance régionale, l'ouverture de l'offre d'apprentissage créée par la loi étant garantie.
Si ces réponses structurelles paraissent pertinentes, le chantier des réformes est énorme.
Le développement massif de la formation professionnelle et de l’apprentissage nécessite de réussir au moins trois paris : comment les branches chargées du pilotage de l'apprentissage pourront-elles répondre avec les CFA à la demande ? Comment articuler l'offre et la demande sur les territoires ? Comment rendre massive la demande individuelle de formation et d'apprentissage ?
Nous venons d'y apporter très rapidement quelques réponses en ce qui concerne la formation professionnelle initiale, objet de cet article. La présentation de la loi du 5-9-18 est présentée dans le dossier que la revue Préventique m'a demandée, avec des interviews des principaux auteurs et acteurs Les réformes dans le dossier de Préventique.
En conclusion, il nous paraît indispensable d'attirer l'attention sur deux points clés pour réussir cette mutation de notre système de formation professionnelle et l'insertion des jeunes. La première condition, la véritable solution, c'est, pour tous les acteurs impliqués, de travailler ensemble. La deuxième condition, c'est de constituer au niveau régional, et au niveau territorial, une juste gouvernance, c'est-à-dire un jeu collectif, où chacun est à sa place, avec un capitaine au niveau ad hoc.
Le Premier Ministre a proposé au dernier Congrès des Régions, une timide avancée par l'expérimentation sur trois régions volontaires d'un partenariat entre les Régions et Pôle Emploi.
Dernière modification le vendredi, 11 octobre 2019Celle-ci devrait être complétée par celle du pilotage de la formation professionnelle et de l'orientation avec tous les acteurs impliqués ; et sur les bassins d'emploi par la coopération de tous ces acteurs, comme l'illustre les Campus des métiers et des qualifications, promus par ces réformes, avec l'appui des académies, des Régions, des branches, des collectivités et des associations. A moyen terme, nous semble-t-il, c'est la constitution de tels systèmes sociaux locaux autour de la formation professionnelle et l'emploi qui assureront la réussite de ces réformes.