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Près de la moitié des jeunes de familles CSP- sont en risque de décrochage en orientation comme le révèle une étude Viavoice pour l’Afev, Article 1, Chemins d’avenirs, JobIRL, Tenzing et 100.000 Entrepreneurs. Ces jeunes, massivement concentrés dans les quartiers populaires et les territoires ruraux aspirent beaucoup moins à faire des études supérieures et doutent fortement de leur capacité à réussir.

60% des jeunes ruraux issus de familles CSP- ne se sentent pas capables d’obtenir une licence. Ils sont 49% des jeunes urbains de familles CSP-, contre seulement 28% des jeunes urbains de familles CSP+ *

Une stratégie nationale en faveur d’une orientation choisie est indispensable, recommandent les 6 structures oeuvrant pour l’égalité des chances, qui accompagnent 100.000 étudiants chaque année.

Que veux-tu faire plus tard ? Quand le milieu social et l’origine géographique conditionnent les aspirations

Ils sont scolarisés dans des établissements des quartiers en Politique de la ville ou dans des territoires ruraux. Leurs parents sont employés, ouvriers, ou inactifs et n’ont pas de diplôme d’études supérieures. Ces jeunes cumulent les difficultés sociales et territoriales et, pour cette raison, ne parviennent pas à se projeter vers une orientation réaliste et ambitieuse. Ainsi font-ils des choix d’orientation différents de la moyenne des élèves. L’absence de réponse éducative adaptée alimente cette reproduction sociale et géographique.  

Lorsqu’on interroge les jeunes sur leurs futurs choix de métiers, ce conditionnement se retrouve de façon claire. Les enfants de catégories socio-professionnelles plus aisées (CSP+) citent les métiers de médecin ou professeur en tête. Les enfants des catégories socio-professionnelles modestes (CSP-) citent plus volontiers les métiers de l’artisanat, de l’industrie ou du BTP.

Quant au niveau d’études que les jeunes disent se sentir en capacité d’atteindre, les données de l’enquête mettent là encore en évidence une corrélation très nette entre niveau économique du foyer, origine géographique et aspirations :

  • 72% des jeunes urbains de familles CSP+ se sentent en capacité d’obtenir un diplôme de licence ; 
  • Ils ne sont que 51% chez les jeunes urbains issus de familles CSP-, soit 21 points d’écart ; 
  • Et seulement 40% chez les jeunes ruraux issus de CSP -, soit 32 points d’écart.

« Alors que ces jeunes sont assis sur les mêmes bancs de l’école de la République, dont lune des promesses est l’égalité de traitement et dapprentissage, on voit bien que les dés sont pipés, dès le départ. Certaines formations, certains métiers sont tout simplement interdits à une large part de nos jeunes. A fortiori quand les déterminismes sociaux et géographiques s’additionnent. Pour le dire autrement : encore aujourd’hui, en 2023, si vous êtes jeune d’origine modeste dans un territoire rural ou un quartier dit sensible, accéder aux métiers de la tech, devenir journaliste, médecin ou écrivaine vous est trop souvent interdit », note Salomé Berlioux, fondatrice et directrice générale de Chemins d’avenirs.

« S'il est entendu quil nexiste pas de hiérarchie entre les métiers, avec certains emplois qui seraient plus souhaitables que dautres, il serait hypocrite d’ignorer qu’il est de plus en plus difficile de trouver un métier lorsque l’on est peu diplômé[1], et que les niveaux de salaire sont corrélés aux niveaux de diplômes.[2]  »complète Benjamin Blavier, cofondateur et président exécutif d’Article 1.

Le principal frein à l’égalité des chances en orientation est l’environnement social et territorial.

L’environnement proche des jeunes concentre en effet la majorité des sources d’informations pour construire leur futur. C’est cet environnement scolaire et familial qui joue un rôle prépondérant dans leurs aspirations académiques puis professionnelles. Ainsi :

  • Les jeunes des établissements scolaires aux Indices de position sociale (IPS[3]) les plus faibles ne sont que 68% à souhaiter poursuivre des études après le baccalauréat. C’est 22 points de moins que les enfants des établissements socialement favorisés (90%) ;
  • Si seuls 44% des enfants dont aucun parent n’est diplômé du supérieur pensent pouvoir prétendre à un diplôme de niveau licence, ils sont 64% chez ceux dont au moins un des parents est diplômé.

Les enjeux de mobilité sont aussi mentionnés par les sondés comme un facteur de « décrochage en orientation ». Sur l’ensemble des jeunes qui ne souhaitent pas déménager pour accéder à un diplôme en lien avec un projet de métier, la moitié pointe le manque de moyens financiers comme un obstacle (57 % pour les élèves issus de familles CSP -). Cet état de fait est évidemment lourd de conséquence dans la ruralité et plus largement dans les territoires éloignés de l’offre de formation. 

Des solutions plébiscitées par les jeunes prônant l’ouverture et un accès renforcé à l’information

Au-delà de leurs parents, les élèves s’appuient sur trois ressources principales pour réfléchir à leur orientation :

  • 67% citent d’abord leurs professeurs ; 
  • 52%, les sites Internet spécialisés comme celui de l’Onisep ; 
  • 50%, leur famille proche.

Mais, quand on leur demande ce dont ils auraient besoin pour mieux réfléchir à leur orientation, les jeunes citent dans l’ordre :

  • La possibilité d’échanger avec des professionnels d’un secteur qui les intéresse (54%) ;
  • La réalisation de stages (46%) ;
  • Une meilleure information sur les formations disponibles (33%) ;
  • La visite d’universités et d’entreprises (30%).

Ainsi, alors que les ressources actuelles des jeunes se trouvent dans leur environnement immédiat et accentuent la reproduction des inégalités, ces mêmes jeunes plébiscitent au contraire des dispositifs d’ouverture, contact avec des entreprises, échanges avec l’enseignement supérieur, accès renforcé à l’information. 

Le « décrochage en orientation » de ces élèves déterminés sur les plans sociaux et géographiques appelle à des actions concrètes d’ouverture et d’accompagnement. 

« L’orientation des jeunes des territoires défavorisés est un enjeu majeur pour l’avenir de notre pays. C’est un enjeu pour l’épanouissement personnel de ces jeunes, la cohésion sociale, et pour notre économie qui se prive de nombreux talents », conclut Christelle Meslé-Génin, présidente-fondatrice de JobIRL

C’est la vocation des 6 associations ayant commandé ce sondage : accompagner ces jeunes dans leurs réflexions sur eux-mêmes et leur avenir, garantir un accès renforcé à une information claire, assurer une médiation avec le monde de la formation et de l’emploi, et ainsi permettre à chacun de construire pas à pas un parcours qui lui ressemble. 

Ces associations appellent le gouvernement à co-construire une stratégie nationale de lutte contre les inégalités sociales et territoriales en orientation. 

 

[1] Depuis 2003, le nombre de participants au marché du travail peu ou pas diplômés a diminué de 36 %, et leur emploi de 42 %. Pourtant, les professions qui les employaient se sont maintenues, mais elles recrutent à des niveaux de diplôme plus élevés : via le déclassement des plus diplômés, les peu ou pas diplômés ont été en partie évincés du marché du travail, Insee Références Emploi, chômage, revenus du travail, Juillet 2020

[2] En 2010, un salarié de niveau Bac gagnait en moyenne 1250 euros par mois, contre 1500 euros pour un diplômé de Licence, 2000 euros pour un Master, et 2500 euros pour un diplômé d’école d’ingénieurs. Insee Première n°1313, Le domaine d’études est déterminant pour les débuts de carrière - Daniel Martinelli, Corinne Prost Octobre 2010

[3] IPS, indice de position sociale d’un établissement scolaire est un indice calculé par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance [DEPP] du ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse qui résume les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves accueillis dans l'établissement

Dernière modification le lundi, 08 janvier 2024
An@é

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