La genèse d’un atelier transdisciplinaire

Cette année, la Nuit Blanche des chercheur·es s’est tenue sous le signe des Métamorphoses — un thème qui nous a invité·es à explorer les transformations profondes que l’intelligence artificielle provoque dans nos façons d’apprendre, d’enseigner, et plus largement de transmettre.

C’est dans ce cadre que nous avons conçu l’atelier L’éducation, terrain de jeu pour l’épanouissement, en partenariat avec des enseignant·es et des chercheur·es engagé·es dans les mutations contemporaines de l’éducation. L’idée : proposer au public d’expérimenter trois façons d’apprendre — l’expérimentation physiquel’échange avec un·e expert·e, et l’interaction avec une IA — dans trois disciplines : les mathématiques, la physique-chimie et les sciences de la vie et de la Terre (SVT).

Pour imaginer cet atelier, il nous a semblé essentiel d’impliquer des praticien·nes de l’éducation. Grâce au lien étroit que nous entretenons avec le rectorat de Nantes, nous avons pu mobiliser une équipe enseignante dynamique, en lien avec le Collège de la Coutancière à La Chapelle-sur-Erdre, récemment intégré au réseau des écoles associées de l’UNESCO. Le principal, Stéphane Germain, a soutenu le projet et relayé l’appel à participation auprès de son équipe.

Nous avons ainsi pu constituer un groupe d’enseignant·es aux expertises complémentaires :

  • Adeline Audureau, enseignante en physique-chimie au Lycée Léonard de Vinci de Montaigu, IAN en Physique-Chimie,
  • Patricia Blanche-Gougeon, enseignante au Collège de la Coutancière,
  • Estelle Duval, enseignante de mathématiques au LPO Nelson Mandela,
  • Bruno Guilloteau, enseignant de SVT au Collège de la Coutancière,
  • Stéphane Letexier, enseignant de mathématiques au Collège de la Coutancière.

À leurs côtés, quatre enseignants-chercheurs de Nantes Université ont enrichi la démarche par une approche transdisciplinaire :

  • Roman Malo, maître de conférences en psychologie clinique,
  • Joël Person, docteur en sciences de l’éducation et expert du numérique éducatif,
  • Jean-Philippe Rivière, spécialiste en interaction homme-machine au LS2N,
  • Colin de la Higuera, Enseignant-chercheur en informatique, titulaire de la Chaire Unesco RELIA.

Deux temps de co-construction — à distance puis à la Halle 6 Ouest — ont permis d’élaborer des scénarios pédagogiques adaptés à chaque discipline.

Trois disciplines, trois expériences d’apprentissage

  • En mathématiques, le jeu de ségo mettait en scène des lancers de Lego pour explorer l’espérance d’une variable aléatoire. Les participant·es étaient invité·es à comparer l’analyse probabiliste humaine, l’interprétation d’un·e expert·e et celle d’une IA.
  • En SVT, une mini-éruption volcanique réalisée avec du vinaigre et du bicarbonate servait de point de départ à un dialogue entre expérience physique, IA explicative, et échange avec un·e expert·e sur la dynamique des éruptions.
  • En physique, les participant·es tentaient de faire glisser un palet sur une trajectoire courbe. Cette activité ludique ouvrait la voie à des discussions autour de l’inertie, enrichies par les apports théoriques d’enseignant·es-chercheur·es.

Chaque îlot disciplinaire était structuré en trois espaces distincts : un pour l’expérimentation, un pour l’IA (avec duck.ai), et un pour l’échange avec un·e expert·e. Le public était invité à expérimenter au moins deux de ces approches avant de comparer leurs apprentissages.

Ce qu’il·elles en ont pensé…

« Apprendre, c’est aussi faire confiance »

Adeline Audureau (physique) a été marquée par les discussions avec le public : « Beaucoup ont parlé de confiance et ont souligné que les apprentissages sont complémentaires. L’IA ne se suffit pas à elle seule. »

Elle observe aussi une nette préférence pour l’expérimentation, qui reste un repère central. Et note : « Les stratégies face à l’IA varient selon les habitudes. Certain·es dialoguent avec elle, d’autres ne lui posent qu’une question. On perçoit encore beaucoup de méfiance, notamment liée à la difficulté de valider les réponses. »

Quelques verbatims du public :

  • « Il paraît qu’il faut être poli avec elle, comme ça elle va sur des sites plus sérieux. »
  • « Moi je suis informaticien… je ne fais pas confiance à une machine. »
  • « Mon collègue a utilisé une IA pour convertir des kWh en joules… Je lui ai dit de prendre une calculatrice. »

« Ce n’est pas la machine, c’est le prompt »

Stéphane Letexier (mathématiques) souligne une prise de conscience commune : « La qualité du prompt est essentielle. Il faut beaucoup de travail de modélisation pour obtenir une réponse utile. »

« Une pédagogie à diffuser plus largement »

Joël Person salue une initiative à poursuivre : « Ce dispositif m’a rappelé les Exposciences. Mais ici, le public était déjà assez acculturé aux IA grand public. Il y aurait un vrai intérêt à ouvrir ce format à un public plus large. »

Un échange l’a particulièrement marqué : « Une tutrice disait qu’un collégien ne comprenait pas la définition du Larousse. Il préférait demander à ChatGPT. »

« L’IA, une opportunité pour l’esprit critique »

Estelle Duval a apprécié le potentiel du jeu de ségo : « Il permet de confronter les réponses de l’IA, de discuter du choix du modèle mathématique, de valider ou non le raisonnement. »

Elle ajoute : « J’ai envie d’adapter cette activité avec mes élèves de seconde l’an prochain, dans un format de classe puzzle pour introduire la notion de probabilité, et de poursuivre la réflexion avec d’autres activités menées en classe qui utiliseraient l’IA. J’ai pris également conscience, ainsi que certains participants, de la nécessité d’apprendre à formuler sa demande dans le prompt.  »

Quelques images de la soirée