Des recherches montrent que l’élaboration de cartes heuristiques peut guider les activités de remue-méninges, notamment en s’appuyant sur les logiciels dédiés à cette forme de représentation graphique. Le recours aux cartes heuristiques par les apprenants peut permettre en outre de faciliter la compréhension et la structuration des idées ainsi que la mémorisation des contenus, pouvant générer par là même une augmentation de la motivation intrinsèque des étudiants et une amélioration de leurs performances académiques.
Recommandations :
- L’enseignant devra employer lui-même les cartes heuristiques pour présenter et structurer le contenu du cours et ainsi familiariser les élèves avec les techniques de mobilisation des idées et les formes de visualisation graphique de l’information ;
- Privilégier une approche du mindmapping centrée sur l’apprenant en amenant les élèves à construire eux-mêmes leurs cartes heuristiques dans le cadre des activités de conceptualisation, de hiérarchisation de l’information ou de résolution de problème ;
- Inciter les élèves à recourir au mindmapping pour les activités de mémorisation et de révision.
Les cartes heuristiques ont fait leur apparition dans les programmes officiels, notamment au sein de l’enseignement d’exploration intitulé « Création et innovation technologiques », ainsi que des enseignements technologiques dans la filière STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable). On constate un nombre croissant d’expérimentations de terrain menées à tous les niveaux scolaires en France. Du point de vue de la recherche, des travaux universitaires questionnent l’intérêt pédagogique des cartes mentales et analysent en particulier la plus-value apportée par les outils numériques. Différentes études soulignent ainsi un impact positif de cette technique intellectuelle, notamment au cours des activités de mobilisation des idées, d’organisation et de mémorisation des contenus.
Définitions
La « carte heuristique » (du grec heuriskein, trouver) est l’expression dérivée de « schéma heuristique », traduction du terme « mind map » par la linguiste Hélène Trocmé-Fabre. Le terme de « carte mentale » est utilisé également. La technique dite de mindmapping (cartographie mentale) a été popularisée par le psychologue anglais Tony Buzan dans les années 1970. Elle vise à optimiser l’organisation et la mémorisation des idées en recourant à une visualisation schématique non linéaire, arborescente et hiérarchisée, des informations.
Les cartes heuristiques peuvent être utilisées dans diverses situations d’apprentissage : remue-méninges, prise de notes, organisation de l’information, synthèse... Selon le contexte pédagogique, les cartes sont réalisées soit individuellement (prise de notes, support de présentation orale, résumé), soit collectivement (brainstorming, travail de groupe, mise en commun). Avec le développement des technologies numériques, les cartes manuelles cèdent parfois le pas devant les solutions logicielles locales ou applications en ligne.
Les bénéfices de la cartographie heuristique pour l’apprentissage
Une étude menée en 2010 par des chercheurs malaisiens (Chin Sok Fun, Norhayati Maskat) du Taylor’s College (Selangor) met en lumière les résultats d’une expérimentation menée autour des cartes heuristiques sur une période de 3 mois auprès de 50 étudiants au cours de leur premier semestre en comptabilité, avec ou sans connaissance préalable de la discipline. Durant la première phase, les étudiants ont complété, chez eux, des cartes heuristiques élaborées par l’enseignant lui-même. Ils les ont utilisées pour préparer leurs examens. Lors de la deuxième phase, suite à une formation sur les principes de base de construction d’une carte heuristique, les élèves sont amenés à élaborer eux-mêmes manuellement leurs cartes. Reflet de leur compréhension du sujet abordé en cours, les étudiants peuvent soumettre leurs productions auprès de leur professeur chaque fois que nécessaire et l’améliorer.
Les analyses des chercheurs relèvent une amélioration significative des notes aux tests lorsque l’apprenant élabore lui-même la carte heuristique, en la modifiant et/ou en ajoutant des éléments nouveaux. Ceci tend à souligner l’impact possible du mindmapping en matière de mémorisation des contenus. Dans cette démarche centrée sur l’élève, l’enseignant joue le rôle de facilitateur.
Quelle plus-value des outils numériques ?
On peut retenir deux études récentes s’intéressant aux solutions informatiques de création de cartes heuristiques. La première contribution signée par deux chercheurs en Interaction Homme-Machine (IHM), Honray Lin et Haakon Faste, de l’université Carnegie Mellon (Pittsburgh), compare, dans un premier temps, les performances d’un certain nombre de produits de mindmapping gratuits et payants, sélectionnés en fonction de leur popularité et de leurs fonctionnalités. Les résultats de cette évaluation dégagent un certain nombre de spécificités propres aux outils de cartographie informatisés : vitesse et facilité d’utilisation (saisie améliorée, raccourcis clavier), ergonomie, schématisation conceptuelle, édition collaborative. Cette analyse comparative a donné suite à une recherche ethnographique visant à approfondir les zones d’intérêt précédemment identifiées. Des sessions de brainstorming et d’entretiens ont ainsi été menées auprès de sujets familiarisés avec les cartes heuristiques.
Les cinq participants du premier groupe (3 étudiants diplômés du programme IHM et deux développeurs de logiciels de cartographie mentale) sont amenés à décrire leurs propres usages des outils numériques de création de cartes. Parmi les pratiques effectives et/ou désirées, les chercheurs relèvent l’intérêt des participants pour la prise de notes, l’organisation des idées, le travail collaboratif, ainsi que la possibilité de retrouver aisément les résultats de recherches d’informations. Une seconde phase est ensuite conduite auprès de 8 étudiants diplômés issus du Human-Computer Interaction Institute sous la forme de sessions de brainstorming à partir de questionnaires centrés sur la génération, l’organisation et la condensation d’idées. L’étude relève de nouveau l’intérêt de l’interaction sociale et de la collaboration directe ainsi que la possibilité de retrouver plus facilement l’information stockée, mais aussi d’adapter le contenu de la carte aux préférences de l’utilisateur (usage de métadonnées, application de filtres).
Ces résultats peuvent être mis en relation avec la seconde étude menée par Bang Khanh Nong, Tuan Anh Pham et Thy Mai Tran au sein du Thai Nguyen Teacher Training Institute (Vietnam) auprès de 90 étudiants en Psychologie répartis de manière aléatoire en 3 groupes distincts :
• groupe expérimental (enseigner et apprendre avec des logiciels de mindmapping)
• groupe témoin n° 1 (enseigner et apprendre de manière conventionnelle)
• groupe témoin n° 2 (enseigner et apprendre avec des cartes manuelles, papier et crayon)
Cette étude vise précisément à cerner les effets du mindmapping numérique par comparaison avec la technique de cartographie papier au niveau des résultats académiques. La méthode employée se décompose en trois phases : le pré-test (implémenté après étude du premier chapitre du cours pour évaluer le niveau de tous les étudiants), les activités cartographiques, le post-test (évaluation des performances académiques et des attitudes d’apprenants entre les groupes expérimentaux et les groupes de contrôle à l’issue du cours).
Le bilan des tests comparatifs fait apparaître de meilleurs résultats chez les étudiants ayant eu recours aumindmapping numérique en particulier. Les analyses des chercheurs (menées à partir de questionnaires soumis aux étudiants des 2 groupes recourant au mindmapping) indiquent que les cartes heuristiques aident les étudiants à mobiliser leurs idées, à les hiérarchiser, à comprendre les concepts et à collaborer entre pairs. L’outil numérique contribuerait à faciliter l’organisation des informations collectées. Les chercheurs relèvent enfin une augmentation de la motivation intrinsèque chez les étudiants, leur souhait d’appliquer lemindmapping aux cours de psychologie ainsi que le transfert de cette technique à d’autres disciplines comme la philosophie et l’anglais.
Conclusion
Les logiciels de cartographie mentale peuvent faciliter les activités de remue-méninges, de catégorisation des idées et le travail de mémorisation. La cartographie mentale peut ainsi permettre, selon les résultats des différentes études présentées, d’améliorer en partie les performances académiques des apprenants. Les analyses des chercheurs semblent ainsi rejoindre les constats empiriques effectués par un certain nombre de praticiens. Delphine Régnard, enseignante de français dans l’académie de Versailles, observe que la carte heuristique permet à l’élève de réaliser une production intéressante, graphiquement et intellectuellement. Cette technique peut aider l’élève à se concentrer sur des informations et à les organiser. Elle peut s’avérer aussi très pertinente comme outil d’aide à la révision. A cet égard, Félix Luschka, enseignant en Lettres, propose à ses élèves de lycée d’utiliser des cartes heuristiques pour l’étude de textes et la préparation à l’oral du baccalauréat.
* Pierre Nobis - Enseignant documentaliste* - Contributeur éduscol* - Rédacteur Thot Cursus
Références bibliographiques :
Bang Khanh Nong, Tuan Anh Pham, Thy Nu Mai Tran (2009), Integrate the Digital Mindmapping into Teaching and Learning Psychology. Teacher Training Component – ICT, VVOB Education Program Vietnam
Fun Chin Sok, Maskat Norhayati (2010), “Teacher-Centered Mind Mapping vs. Student-Centered Mind Mapping in the Teaching of Accounting at Pre-U Level. An Action Research”, International Conference on Learner Diversity, 7
Lin Honray, Haakon Faste (2011), “Digital Mind Mapping : Innovations for Real-time Collaborative Thinking”, Proceedings of the International Conference on Human Factors in Computing Systems, CHI 2011, 2137–2142
Mani A. (2011), “Effectiveness of digital mind mapping over paper-based mind mapping on students’ academic achievement in Environmental Science”, in T. Bastiaens & M. Ebner (Eds.), Proceedings of World Conference on Educational Multimedia, Hypermedia and Telecommunications, 1116-1121
Régnard Delphine (2010), « Apports pédagogiques de l’utilisation de la carte heuristique en classe », Ela. Études de linguistique appliquée, 158 (2), 215-222
Article initialement publié sur le site de L’Agence Nationale des Usages TICE
Dernière modification le vendredi, 10 octobre 2014