Article proposé par David Bouchillon, professeur d’Histoire Géographie auCollège Aliénor d’Aquitaine, SALLES (33), Professeur Formateur Académique.
Depuis avril 2012, j’ai mis en place la classe inversée dans toutes mes classes avec de grandes satisfactions notamment la mise en activité des élèves et le réinvestissement des élèves. Cependant, la classe inversée laisse certaines interrogations en plan.
Les interrogations de la classe inversée
Le premier problème qui se pose est le lien entre le travail à la maison et le travail en classe. Les élèves ont une capsule à visionner à la maison et font ce travail assez facilement à condition que cela soit vérifié. A cette fin, l’utilisation d’un formulaire google, couplé à un script pour envoyer les réponses à l’élève, fonctionne bien.
Cependant, l’exploitation de la capsule si elle est implicite mérite d’être davantage explicite. Il y a un lien, un temps à trouver et à mettre en oeuvre entre les deux.
Le second défi porte sur le travail en classe : la diversité des activités, la prise en compte plus importante encore de la différenciation avec la mise en place de l’enseignement par ceintures de compétences pour se diriger vers une véritable personnalisation est un souci important et engendre certaines difficultés : la difficulté pour gérer les aspects matériels importants que sont la multitude des photocopies et des travaux d’élèves à gérer.
Enfin, l’interface que constitue le site internet présente certains inconvénients. Le site internet joue en effet un rôle fondamental. Cependant, son interface, figée dans un rôle transmissif, ne permet pas l’interactivité. Par ailleurs, elle devient peu à peu inadaptée aux nouveaux appareils possédés par les élèves : smartphones, phablettes, tablettes et bientôt montres.
Depuis plusieurs mois je réfléchis pour trouver des solutions à ces questions permanentes. J’ai d’abord songé à itunes U . Néanmoins, si l’interface et l’application sont séduisantes, il n’en reste pas moins que la limitation aux appareils de la marque à la pomme ou bien aux PC ne peut être satisfaisant. C’est ainsi que j’ai redécouvert une application qui s’est avérée magique : Evernote.
Evernote est une application déjà ancienne que je connaissais sans avoir pu en voir les possibilités, par ailleurs, son interface me déroutait. J’ai pu en percevoir l’intérêt dans le travail de certains collègues comme Ghislain Dominé ou François Lamoureux. L’idée est de transformer cette application en centre névralgique de la classe inversée.
Après réflexion et aussi de nombreux « prototype d’utilisation », Evernote s’est avérée d’une richesse incroyable. Il paraissait possible d’apporter par cette application les réponses à toutes les interrogations qui se posaient à la classe inversée.
Simplicité
Evernote est un logiciel multiplateforme : tous les systèmes d’exploitation disposent d’une application dédiée, même Linux peut être utilisé puisque ce dernier peut afficher la version en ligne. Même si l’utilisation sur des plateformes différentes imposent des limites en terme de design des notes, il n’empêche qu’une question majeure posée par l’interface figée du site internet est résolue par Evernote : l’affichage peut se faire sur toutes les plateformes, sur tous les matériels dans des conditions optimales. C’est un avantage énorme pour un enseignant. Par ailleurs, l’application est très intuitive : en quelques clics, l’élève duplique la note professeur pour se l’approprier. Cette approche répond à mon sens aux préoccupations actuelles : défi de la diversité du matériel des établissements scolaires et des élèves, utilisation des appareils des élèves en classe. C’est le prochain acte !
Interactivité
Comme indiqué précédemment, la classe inversée consiste à faire visionner par les élèves à la maison des capsules vidéos. Si la question de la vérification a été facilement solutionnée par un formulaire google, il restait une interrogation : comment conserver une trace utilisable en classe de ce visionnage. La première réponse a été d’utiliser un script permettant d’envoyer à l’élève par mail ses réponses et le corrigé du formulaire. Toutefois, cela s’est avéré insuffisant, il fallait trouver un moyen de garder simplement une trace, même courte de la capsule qui pouvait être ensuite réinvestie directement dans l’activité en classe.
Là encore, Evernote s’est avérée une solution pratique. Ainsi, l’élève peut écrire dans la note. Donc, après ses réponses dans le formulaire, un nouvel élément apparait, un nouveau temps : « ce que j’ai retenu », le lien parfait entre le travail à la maison et le travail en classe.
Figure 1 : « avant la classe » et « ce que j’ai retenu »
De retour en classe, chaque groupe consacre 5 minutes à la mise en commun des réponses apportées par « ce que j’ai retenu ».
Evernote permet aussi d’annoter directement dans l’application un texte ou une image, copier un extrait d’un texte, surligner. Autant d’outils très utiles dans l’enseignement.
Figure 2 : annotation, surlignement dans Evernote.
L’application Evernote permet de classer des notes en carnets et en piles. Rapidement, j’ai compris que chaque note pouvait devenir une activité, chaque carnet, un cahier, chaque pile, une classe, le compte Evernote un véritable Espace Numérique de Travail, souple, réactif et interactif. En bref, Evernote pouvait permettre de se débarrasser du papier et de transformer la classe inversée en classe numérique digne du 3.0 ! De ce fait, l’interface devient interactive, et Evernote arrive au coeur de la classe inversée.
Figure 3 : les carnets deviennent des cahiers virtuels et se regroupent en piles, chaque pile devient une classe.
Personnalisation
La classe inversée permet une mise en activité inégalée en raison du gain de temps qu’elle permet, c’est un fait. Elle permet aussi de différencier les activités et d’assurer un suivi plus important. Peu à peu, il est apparu que la différenciation serait plus opérante avec la mise en place de l’évaluation par ceintures de compétences, à l’image des ceintures du judo. Cette dernière prévoit de proposer une activité adaptée au niveau de chaque élève dans le cadre d’une progression entre la classe de 5° et celle de 3°. La mise en oeuvre, prévue en septembre 2014 a été repoussée car elle m’est apparue compliquée pour plusieurs raisons : d’abord, elle implique d’ajouter un peu plus de complexité pour les élèves dans la gestion quotidienne du cours d’Histoire Géographie, ensuite, l’idée de mettre en place 4 ou 5 activités différentes dans la même séance me paraissait difficilement gérable matériellement notamment au niveau des photocopies à réaliser. C’est en réfléchissant à cette question qu’Evernote est apparue comme le chainon manquant. Ainsi, en numérotant chaque note, le plan de travail de la classe s’organise et permet de différencier très finement. Pour débuter 2 ceintures sont proposées aux élèves mais à terme, il est parfaitement envisageable de proposer 4 ou 5 ceintures différentes en fonction des progrès de l’élève.
Ainsi sur la figure, on pourra repérer le premier nombre qui correspond à la séquence, le ou les suivants à la séance, le dernier apportant la différenciation : 11.1-2.2 se lit donc : séquence 11, séances 1 et 2, variante 2 c’est à dire ceinture orange travaillée (Figure 1).
Figure 4 : le plan de travail de la classe.
L’élève choisit ses activités (notes), les duplique dans son cahier virtuel (carnet) et compose ainsi son propre plan de travail.
Figure 5 : Un plan de travail personnalisé
Cette approche permet de répondre aussi au défi de la prise en charge des dyslexiques pour lesquels les enseignants ont de grandes difficultés. Ainsi, Evernote permet d’insérer des sons. L’enseignant peut donc s’enregistrer au préalable et l’élève dispose ainsi d’une version audio des questions ou des textes. De la même façon, l’élève peut dicter sa réponse ou ses textes.
Figure 6 : une question et son double audio.
Coopération
La coopération sera sans doute une compétence au coeur des formations durant les prochaines années. Elle est aussi au centre de la classe inversée notamment durant le temps de classe où les élèves. sont mis en activité. Le système mis en place avec Evernote renforce cette compétence. Plutôt que de demander aux élèves de créer un compte Evernote, j’ai fait le choix de créer un seul compte, un compte classe : iclasse130, en version premium. Les élèves y disposent d’un carnet (figure 2) dans lequel ils dupliquent les notes dont ils ont besoin pour composer leur plan de travail personnalisé. De la sorte, l’enseignant a accès en permanence au cahier virtuel de chacun de mes élèves. De même, un élève absent peut rapidement rattraper son absence en récupérant une note. En classe, les élèves travaillent sur une seule note pour quatre élèves, le partage se faisant à la fin de l’heure ou à la maison. A l’évidence, cela développe le sens des responsabilités chez les élèves. Quelques gardes-fous existent toutefois, chaque note supprimée par erreur peut être récupérée dans la corbeille, une ancienne version d’une note peut être aussi. De même, il est possible de télécharger sur un ordinateur le contenu d’un carnet.
Au final, l’expérience de la classe inversée par Evernote s’avère concluante. Bien sûr, une connexion internet satisfaisante est nécessaire en classe de même qu’un appareil quel qu’il soit à la maison. Cependant, le potentiel de ce logiciel en lien avec la pratique de la classe inversée est très encourageant. Après une expérience sur une séquence en 4°, d’autres séquences devrait suivre le même chemin avant de transférer la pratique en classe de troisième.
Pour suivre l’expérience :
- le carnet « prof » : ce carnet public n’est pas interactif mais permet de connaître son contenu : https://www.evernote.com/pub/iclasse130/4-lestempsfortsdelarvolutionfranaise#st=p&n=6b2412a6-17e1-450a-86b6-4a113685b868
- le compte Twitter de l’auteur : @DBVoltaire
- l’adresse email de la classe : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Dernière modification le vendredi, 13 février 2015