Le monde de l’éducation et le monde de la recherche
C’est autoriser un questionnement lorsqu’une incompréhension ou un manque de connaissances surgit. C’est encourager une curiosité naturelle comme point de départ des apprentissages. C’est aussi remettre en cause ses propres représentations pour aller au-delà et construire de nouvelles connaissances qui seront étayées par la pratique d’une démarche construite pas à pas.
Au-delà, permettre aux élèves d’apprendre avec la recherche, c’est permettre à deux mondes de se croiser et de tisser des liens : le monde de l’éducation et le monde de la recherche. C’est permettre à chaque partie de découvrir les savoirs de l’autre et de les mettre au service d’intérêts communs se nourrissant mutuellement.
Pour les chercheurs engagés dans ce type de projets, c’est partager une passion des sciences auprès des plus jeunes et faire connaître leur domaine de recherche. Pour les élèves, c’est avoir une motivation et un accompagnement pour découvrir les sciences autrement, c’est également avoir un projet que l’on peut partager avec des pairs et même des adultes par le biais du numérique.
Pour l’enseignant, c’est devenir médiateur pédagogique dans une relation à trois pôles et c’est bien sûr apprendre de tous et de tout à chaque étape d’une réalisation collective.
Avoir envie pour les élèves et avec les élèves, être ambitieux pour eux, chercher à motiver et donner du sens à l’acte d’apprendre ne me paraît pas être incongru. Il y a mille et une manières de le faire et la pédagogie de projet en est une.
Ma classe est engagée, pour la troisième année consécutive, dans un projet d’apprentissage par la recherche avec le dispositif des Savanturiers du Centre de Recherches Interdisciplinaires de Paris. Cette année, j’ai pris l’initiative de trouver un chercheur par moi-même afin d’essayer de réduire la distance géographique entre lui et nous. Après quelques recherches internet sur le thème des neurosciences dans la région de Bordeaux, un seul mail aura suffi à stimuler la curiosité d’un directeur de recherche du CNRS à qui je demandais simplement des contacts pour lancer mon projet.
Voici donc le récit de notre première expérience commune.
Présentation de notre parrain de projet Savanturiers du cerveau.
Laurent Groc est docteur en neurophysiologie, directeur de recherche au CNRS. Au sein de l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences de Bordeaux, il dirige l’équipe « Développement et adaptation des circuits neuronaux » qui travaille plus spécifiquement sur la communication entre les neurones et les maladies psychiatriques.
http://www.iins.u-bordeaux.fr/research-teams-laurent-groc?lang=en
De manière simplifiée, l’activité de Laurent a pour but :
- de comprendre le fonctionnement du cerveau, spécifiquement comment les neurones se parlent,
- d’essayer de comprendre les maladies du cerveau pour aider à les guérir.
“Aujourd’hui, on ne connaît pas tout du cerveau. On en comprend une petite partie mais on essaie d’en apprendre plus.”
Pourquoi travailler sur un projet d’apprentissage par la recherche avec une classe d’école élémentaire ?
Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours été fasciné par la compréhension des lois qui régissent l’environnement. La science, son histoire, et ses avancées m’ont été inculqués par mon grand-père qui avait compris très tôt mon engouement pour ces questions. J’aurais rêvé avoir en classe des projets d’apprentissage par la recherche comme ceux dispensés par le programme des Savanturiers. Alors, aujourd’hui, je peux modestement être acteur d’un tel édifice et, qui sait, aider de jeunes enfants à entretenir la flamme de la science. C’est aussi simple que cela !
Merci Laurent d'avoir accepté de travailler avec nous cette année :) (la classe)
Laurent est venu pour la première fois le 17 janvier 2016 dans notre classe pour se présenter. Les enfants avaient préparé quelques questions et en ont trouvé beaucoup d'autres à poser. Voici un exposé de leurs questions et des réponses apportées.
Pourquoi appelle-t-on le cerveau “cerveau” ?
Le mot vient du latin "cerebellum", cela veut dire “petite glande”. "Cerebellum" est devenu "cerveau" en français. Le cerveau était considéré comme une petite glande que l’on a dans la tête.
Est-ce que le cerveau est la partie la plus importante du corps humain ?
Le cerveau ne peut pas fonctionner sans le reste du corps. Chaque partie du corps est très importante et a besoin des autres parties. Le cerveau est en contact permanent avec le reste du corps. Tout fonctionne ensemble.
Pourquoi le cerveau est-il le centre de notre intelligence ?
Il permet de vivre dans l’environnement et de rechercher ce qui est le plus important (manger, boire, se déplacer) et d’autres choses très importantes (apprendre). Cela permet de réagir face à l’environnement.
Comment le cerveau fait-il pour interagir avec le corps ?
Il y a deux façons d’interagir :
- Avec le cerveau, la moelle épinière et les nerfs. Le cerveau reçoit en permanence de l’information, très rapide. Le nerf passe l’information sous forme électrique au cerveau et le cerveau renvoie l’information au reste du corps (Ex :“Contracte-toi pour enlever ton doigt”)
- Des molécules sont fabriquées par le corps, les hormones. Le cerveau est capable de sentir ces molécules (par exemple, le stress). Le cerveau essaie de comprendre et de trouver des solutions. Il est en permanence à l’écoute.
Pourquoi quand on lève le bras gauche, c’est la partie droite du cerveau qui commande ?
Le cerveau est organisé en deux hémisphères chez beaucoup d’animaux. Chacun ne fonctionne pas de la même façon. Pourquoi ? Personne ne sait, c’est probablement lié à l’évolution de nos ancêtres aquatiques.
Est-ce que des nouveaux neurones se créent lorsque l’on grandit ?
Quand on est adulte, il y a juste deux zones qui produisent encore de nouveaux neurones :
- le bulbe olfactif
- l’hippocampe
donc le nombre de neurones reste à peu près stable toute la vie.
Pourquoi dans le bulbe olfactif ? L’hypothèse est que c’est une région souvent attaquée par les bactéries donc les neurones ont besoin d’être remplacés.
Certains cerveaux fonctionnent-ils moins bien que d’autres ?
Il existe des maladies du cerveau qui touchent une partie du cerveau : la partie du langage, de la mémoire… On essaie de les traiter avec des médicaments. Il est important de continuer à faire des recherches pour comprendre.
Comment êtes-vous sûr, dans une expérience, que l’on utilise la “bonne” technique ?
Par exemple, pour une expérience sur “Comment deux neurones se parlent entre eux ?”
Utilise-t-on :
- une super loupe ?
- appareil pour entendre le son ?
Est-ce qu’on le stimule ?
Il n’y a pas de "bonne technique" mais plusieurs techniques dans les laboratoires pour mieux comprendre un processus dans son ensemble.
Comment le cerveau fait-il un choix dans les informations à retenir ?
Histoire d’une découverte sur le cerveau, en lien avec le stress :
Quand on a peur, des molécules de stress sont libérées dans le cerveau. L'action en rapport, son but est d'éviter le danger. Ces molécules permettent de mettre en mémoire ces informations liées au danger.
Quand il y a danger mais que j’ai quand même besoin, “ça me fait peur mais en même temps, j’ai tellement faim”, on élabore des stratégies : faire le tour de la vipère, prendre un bâton… Le cerveau trouve des solutions.
Le processus identique pour la nourriture. Si vous êtes affamés, le nez sera alors très très fort pour détecter la nourriture.
Le cerveau des animaux est différent du nôtre mais fonctionne-t-il pareil ?
Entre espèces, les cerveaux ont des formes différentes mais les cellules sont les mêmes : les neurones sont présents et ont la même manière de se parler. Certains cerveaux sont plus ou moins complexes que d’autres selon leur organisation.
Est-ce que les animaux pensent comme nous ?
Manger, boire, éviter le danger : les premiers neurones répondent à ces fonctions de base. Vers midi, des molécules sont libérées qui provoquent la sensation de faim chez l’homme comme chez l’escargot. Par contre, d’autres neurones permettent de faire autre chose, comme apprendre.
Comment se forme l’imagination ?
L’imagination, c’est prendre les informations que l’on connaît pour les mélanger, un peu comme dans des photos dans des tiroirs. On assemble des choses que l’on connaît pour les assembler.
Les animaux ont-ils de l’imagination ?
Très probablement. Ils prennent des informations dans leur environnement. Il sont capables d’élaborer des stratégies pour se nourrir.
Comment on sait qu’un animal a de l’imagination ? C'est un travail de laboratoire, on réalise des expérimentations pour voir s'il est capable de résoudre un problème.
Comment se créent les pensées ?
De quelles pensées parle-t-on ? Il est important de se poser la question.
- la faim ?
- un souvenir ?
Ces différentes pensées ne sont pas au même endroit du cerveau. Les différentes régions sont responsables de différentes fonctions et donc de différentes pensées.
Pourquoi on dort ? Pourquoi fait-on des cauchemars ?
Le cerveau n’est pas éteint quand on dort. Il rejoue en partie ce que vous avez vu ou fait dans la journée. On a besoin de sommeil pour bien se rappeler.
Les cauchemars sont liés aux images de la journée (ou des jours d’avant) qui ont fait peur, qui ont provoqué du stress. Le cerveau reprend ces informations.
Les animaux font-ils des rêves ?
Probablement oui. On peut enregistrer l’activité du cerveau de la souris la nuit. Les cerveaux de l’humain et de la souris fonctionnent de la même manière.
Enfin, avant de partir, Laurent nous a donné quelques informations générales sur le cerveau. Nous les partageons avec vous.
Il existe deux grands types de cellules dans le cerveau :
- les neurones qui se parlent tout le temps
- des cellules qui aident les neurones à fonctionner : les cellules gliales.
Dans le cerveau, il y a environ :
- 100 milliards de neurones
- 1 billion de cellules gliales (1x10^12)
- 500 billions de synapes (500 x10^12) : autant que d’étoiles dans l’Univers !!!
Les synapses sont des espaces de communication entre deux neurones. Les molécules libérées excitent les neurones, l’information passe.
Le mot synapse vient du grec : syn (ensemble), haptein (toucher, saisir, donc connexion).
Il faut des microscopes très très puissants pour les voir (300 nm de long sur 20 nm de large) : les neurones ne se touchent pas. Il y a toujours besoin d’outils de plus en plus puissants pour voir ce qui est le plus petit.
"Quand on apprend, on crée de nouvelles synapses, on crée des chemins, cela permet de mettre en mémoire. Le nombre de synapses va énormément augmenter en grandissant, en enlevant et en créant de nouveaux chemins : les connexions se renforcent ou s’effacent selon qu’elles sont plus ou moins utilisées."
C'est fini ! A bientôt !!
https://savanturiersducerveau.wordpress.com/category/saint-exupery-langon/
La classe de CM1 de l’école Saint-Exupéry à Langon, Gironde.
Dernière modification le lundi, 08 mai 2017