Depuis quelques années, les technologies informatiques aidant, la production et la diffusion d’outils s’est développée de manière exponentielle, sur les sites à tous les niveaux de la pyramide. Ecoutant attentivement de jeunes collègues faire cours au vieux, évidemment « largué » par les pilotes, je constate que, plus ils produisent des outils, seuls le week-end ou pendant les vacances, ou avec des équipes d’enseignants, ce qui est plus rare, plus ils ont le sentiment d’être utiles, voire même de répondre aux besoins des enseignants, qu’ils déterminent eux-mêmes naturellement, et plus ils ont le sentiment de garantir la qualité de la relation hiérarchique, toujours meilleure « chez eux » que chez l’autre. La profusion d’outils serait la garantie de l’efficacité.
On se fait beaucoup d’illusions… Mais cela aide à vivre et à renforcer des comportements que l’on croit indispensables, d’autant que l’on peut montrer matériellement aux étages supérieurs que l’on travaille beaucoup. Les outils qui s’accumulent sont en fait des instruments d’oppression. Plutôt que de libérer les enseignants, ils accroissent toujours les charges de travail et l’angoisse face à la paperasse, d’autant que le technicisme et le snobisme s’associent toujours pour réduire les possibilités de compréhension. On m’envoie des outils, avec un vocabulaire pseudo savant, que les enseignants ne comprennent pas… et moi non plus. Je sais quand même encore que savoir utiliser des outils ne signifie pas savoir faire l’école…La pédagogie est plus complexe que la didactique, et plus complexe que l’usage du marteau.
Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre l’enseignant/élève face à sa hiérarchie dominante et l’enfant/élève face à son enseignant magistral.
Que fait réellement l’élève ? Est-il réellement acteur de ses apprentissages ? Comment puis-je le savoir ? Pense-t-il ? Peut-il exprimer sa pensée et dialoguer avec ses pairs ? Est-il en situation de pouvoir construire ses outils de pensée, de raisonnement ? Comprend-il le sens des savoirs scolaires ? Les met-il en relation avec ses savoirs extrascolaires ? Peut-il comparer, déduire, induire, généraliser, agir sur des objets réels ou virtuels, repérer les variables et les invariants, s’exprimer (moi, je pense que) en allant au bout de son intention de dire sans être interrompu ou évacué parce que son idée n’entre pas dans les attentes du magister ? Que fait-il réellement « sur sa table » et « dans sa tête » ?
La tendance est de regarder les résultats apparents aux exercices et aux contrôles. Mais on se garde bien de mettre en relation ces résultats avec les pratiques qui les produisent…
Mais pourquoi donc ?
Pierre Frackowiak