Edem Ntuskpui et Sasha Morozova Concours d'éloquence 2023 Voix en exil - Musée d'Orsay © Fatma Alilate
De l’exil aux études en France
Le concours s’est déroulé sous l’œil bienveillant d’un public très attentif et d’un jury présidé par Bernard Kouchner, ancien Ministre et co-fondateur de Médecins sans frontières et Médecins du monde.
A l’introduction du concours, Christophe Leribault, Président des Musées d’Orsay et de l’Orangerie, par un lapsus ô combien révélateur a parlé de « refusés » plutôt que de réfugiés. Le terme a été repris avec humour par Paolo Artini, Représentant du HCR en France, qui a rappelé l’actualité brûlante et les difficultés auxquelles sont confrontées ces exilés qui ont fui les guerres, des tragédies et qui bénéficient d’une protection internationale. Actuellement, les déplacés seraient au nombre de cent-dix millions à travers le monde. Ceux qui accèdent à l’enseignement supérieur sont désormais estimés à 6 % - ils n’étaient que 3 % à la première édition du concours d’éloquence en 2021. L’objectif du HCR est d’atteindre 15 % d’inscription dans l’enseignement supérieur en 2030.
« Le talent peut être universel mais les opportunités ne le sont pas. » Cette citation de Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a inspiré les jeunes candidats. Car ce sujet du concours d’éloquence de l’édition 2023 a bien sûr fait écho à leurs trajectoires chaotiques. De l’exil aux études en France, les étudiants ont tenu des discours poignants.
La première candidate Safiatou, dix-neuf ans, a indiqué que le talent était en chacun de nous. Au Mali, l’école la plus proche de son domicile était située à seize kilomètres, mais petite fille, elle voulait absolument apprendre. L’émotion, quelques hésitations, Safiatou très applaudie et encouragée reprit courage pour étayer sa plaidoirie. L’opportunité pour développer un talent serait de devenir plus fort. Safiatou s’est pourtant interrogée : « L’opportunité n’est-elle pas utopique ? »
« Ne laisse personne bloquer ton chemin. »
Hamida Helena venue d’Afghanistan a captivé l’auditoire.
Pour cette étudiante, si le talent est en chacun de nous, les « opportunités » nous séparent. « J’ai grandi très loin d’ici », a confié Hamida Helena qui aimait son village, les fleurs. Elle a aussi rappelé tous les interdits pour les petites filles d’Afghanistan. Son père médecin l’a soutenue dans son choix d’étudier. Ce père qui n’est plus. Hamida Helena reconnaît comme opportunité l’apprentissage de la langue française pour communiquer et partager son expérience comme elle l’a fait dans l’auditorium du Musée d’Orsay.
Sa combativité, elle la puise dans les conseils de son père : « Ne laisse personne bloquer ton chemin. Tu dois être curieuse. Il te faut chercher l’issue. Il faut lire. » Hamida Helena a obtenu le Troisième Prix ; elle a été très applaudie. Ses silences, l’intonation de sa voix, la vérité de son témoignage, Hamida Helena représentait toutes celles restées en Afghanistan, et aussi une force de caractère, un chemin de douleur.
Alain-Léandre Concours d'éloquence 2023 Voix en exil - Musée d'Orsay © Fatma Alilate
Alain-Léandre du Rwanda a avoué être un rêveur. Il a fait rire, car l’un de ses talents est l’humour. Sa plus grande opportunité ? Sa famille, notamment son frère qui a dû abandonner « ses rêves de blouse blanche » pour travailler très jeune.
Walla, réfugiée syrienne, a commencé sa plaidoirie par un chant - elle invite à provoquer le destin et par le talent à transformer les épreuves en réussite. Ali venu également de Syrie a été l’un des candidats les plus originaux en comparant huit heures de vie : ici et en Syrie. Consternant. Deux heures en Syrie est un autre exemple pour deux heures d’électricité par jour. Pudique, il indique que cette même unité de temps correspondait à l’attente pour obtenir de la nourriture. Pour son exercice oratoire, Ali s’est appuyé sur la Pyramide de Maslow : « Le talent ne peut pas émerger quand la sécurité est absente. »
La candidate Sedra a évoqué les difficultés administratives rencontrées en France. Et avec franchise elle a dit qu’elle doutait de l’existence d’opportunités universelles, elle l’a répété plusieurs fois.
Au Musée d’Orsay, les étudiants ont cité des tableaux. Alain-Léandre le candidat rêveur qui a emporté le Premier Prix, a également évoqué Saint-Exupéry.
Les témoignages ont donné de l’épaisseur aux interventions. Pendant l’interlude musical, la pianiste Sasha Morozova a raconté le choc de la guerre en Ukraine, les bombardements, le départ précipité. Cette initiative a permis de vraies rencontres avec celles et ceux que l’on entend peu.
https://www.unhcr.org/fr-fr/concours-deloquence
Fatma Alilate
Dernière modification le samedi, 01 juillet 2023