Se posent alors les questions : Comment mettre en œuvre une politique éducative d’un point de vue éthique dans une société connectée pour inclure culture numérique et éducation pour tous ? Et comment éduquer la nouvelle génération dans une perspective citoyenne et humaniste au-delà des enjeux consuméristes évidents?
Ce sujet est une préoccupation forte de l’An@é qui a déjà travaillé ce questionnement lors d’un forum à l’hôtel de la région Nouvelle Aquitaine à Bordeaux au moi de juin dernier (1).
L’animateur de cette table ronde est: Michel PÉREZ, Président de l’Association Nationale des @cteurs de l’école, qui a présenté ce débat dans un article récemment publié dans Educavox(2).
Les intervenants :
Sabrina CALIAROS, Déléguée académique au numérique, ACADÉMIE DE MONTPELLIER
Carina CHATAIN, Responsable de l’éducation au numérique, responsable du pôle Educnum, CNIL
Damien DUBREUIL, Principal du collège Jean Lartaut de Jarnac,
Michelle LAURISSERGUES, Responsable éditoriale d’EDUCAVOX.
Damien Dubreuil témoigne de la mise en place, aujourd’hui, dans les établissements scolaires, de l’éducation au et par le numérique.
Son collège de 16 classes pour 440 élèves est en restructuration ce qui permet un réaménagement des espaces en fonction de nouveaux projets et fournit une occasion et un atout pour que les enseignants de l’établissement s’emparent du numérique.
L’utilisation en forte augmentation du numérique dans les activités scolaires s’appuie sur le téléphone portable, pratique connue sous l’acronyme BYOD (et qui était le sujet de la table ronde de l’An@é au salon Educatec-Educatice 2018 (3)) Le téléphone portable est un outil pédagogique dans la classe mais aussi en dehors de la classe en particulier durant les séances d’art plastique organisées en extérieur. Le portable est aussi un des éléments constitutifs du projet ERASMUS dans lequel le collège est engagé. Outre le lien entre les établissements, il permet des présentations en vidéos avec réalité augmentée, des photos 360°…
L’utilisation du numérique ne s’arrête pas au téléphone, bien évidemment. Le collège dispose d’un fablab et d’un médialab, possède sa chaine Youtube sur laquelle est diffusé un journal en live. Un agenda partagé est mis en ligne, la salle d’étude est connectée. Le numérique est disponible partout et tout le temps grâce à un dispositif de WIFI fermé.
Les règles légitimement imposées par le respect du RGPD sont difficiles à mettre en œuvre et cela ne peut se faire que par un vrai partage des responsabilités et des tâches. La question du droit à l’image est clairement posée mais fait problème au quotidien. Enfin le souci du chef d’établissement est de rendre tout le dispositif mis en place pérenne. @damdubreuil
Les politiques éducatives des académies incluent nécessairement la culture numérique.
Sabrina Caliaros parle même d’éducation par le numérique. Cela ne va pas sans poser des problèmes de sécurité. Certes, les espaces numériques de travail (ENT) proposent un environnement sécurisé mais les pratiques des enseignants et des élèves vont au-delà de ce que permet l’ENT et alors les usagers laissent des données : c’est là que commencent les problèmes de sécurité ou plutôt que commence l’insécurité. Il faut en prendre conscience et savoir que l’école n’est pas un sanctuaire. La citoyenneté numérique est une notion encore trop vague mais un citoyen numérique doit à minima savoir quels risques il prend. Cela commence donc par des informations qu’il est impératif de donner tout en veillant à ce que celles-ci ne paralysent pas les usages. C’est là tout un équilibre à trouver.
En effet si l’on reprend l’exemple des téléphones portables déjà évoqué, il y a des outils intéressants à utiliser mais, parmi eux, certains sont plus ou moins "dangereux" et il faut le faire savoir très clairement car le RGPD n’est pas toujours d’une utilisation facile, on l’a déjà dit. Il faut impérativement connaître les règles et les partager.
L’intelligence artificielle fait une entrée remarquée dans le numérique éducatif comme en témoigne sa place dans les conférences du salon (4). Elle se développe pour les disciplines math et français d’abord. Ce sont des entreprises privées qui créent les outils et les diffusent mais ceux-ci sont l’objet d’une réelle co-construction impliquant tous les acteurs. Le but est de travailler avec les outils dont on a besoin et d’aller vers un numérique responsable. @DANEMontpellier
Pour la Commission Nationale Informatique et Liberté CNIL, chacun doit pouvoir être acteur de sa vie numérique.
Cela induit la nécessité pour chaque personne d’être informée sur le devenir de ses données personnelles et sur ses droits. Carina Chatain insiste sur la vigilance toute particulière à accorder aux données scolaires. La pratique numérique se doit d’être au service des humains et élèves, enseignants et familles doivent être protégés.
Or, des données il y en a de plus en plus. Le learning analytics quoi se développe est susceptible d’améliorer la formation mais il laisse de traces sur les élèves, on va connaître les degrés de performance, on va prédire des situations d’échec, on va prédire les situations d’élèves à risque. Il faut un cadre strict d’utilisation de ces données si l’on veut que l’intelligence artificielle soit au service de l’homme et ce sont deux éléments qu’il faut mettre en avant : la vigilance car les processus sont en constante évolution et la loyauté qui doit primer.
Le cadre juridique est nécessaire mais il n’est pas suffisant. Il doit être complété par une éducation à la citoyenneté numérique et cette éducation est le rôle de tout le monde. Il faut pour chaque citoyen comprendre les logiques de son environnement numérique, comprendre le droit, comprendre la production de données.
La CNIL a conçu un référentiel international de formation des élèves à la protection des données, adopté le 18 octobre 2016 par la Conférence mondiale des autorités de protection des données. Le premier module est applicable dès le cycle 3. Devise : « je garde la main et je suis acteur ». Le collectif Educnum a été créé dans le but de réunir tous les acteurs et moyens pour être au plus près de tout un chacun car il s’agit aussi de réduire les fractures sociales. A ce propos Emmaüs Connect est un exemple édifiant.
Un escape game (présent sur le salon) Escape game gratuit et inédit pour tous proposé proposé par le groupe VYV, la CNIL et l’An@é (avec l’aide de la Direction du Numérique pour l’Education), a été conçu pour sensibiliser les familles en partant de situations très concrètes présentant des enjeux forts de protection des données. Il a été conçu dans le cadre des journées Educnum qui se sont déroulées à Poitiers (20-22 septembre 2019) et dont l'An@é a été l'un des organisateurs. L’idée est aussi d’apporter une aide aux parents en réduisant leur angoisse. Il sera accessible par une application web début 2020.
Cadre juridique, information, formation, aide : Tout cela est complémentaire.@CNIL
Michelle Laurissergues rappelle la génèse et les objectifs du site Educavox :
Accompagner, valoriser, favoriser la diffusion des pratiques pour mieux les partager en s’appuyant sur le côté transversal du numérique, aller vers une culture commune.
La gratuité de la plate forme et sa ligne éditoriale concourent à sa dimension éthique. Au demeurant après trois abstracts sur les données, l’intelligence artificielle et la robotique, c’est un point sur la réflexion menée au sujet de l’éthique qui est l’objet du quatrième. Il reprend les apports du dernier forum d’Educavox et l’on peut mettre en exergue les mots de Pierre Antoine Chardel qui y a donné une conférence: « autant la morale est prescriptive, autant l’éthique est réflexive. Elle s’établit sur une culture commune ».
Ethique des média évidemment et cela vaut pour Educavox, éthique des services publics en lien avec les territoires : le service public ne peut pas être compensé par le numérique car plus il y a de numérique, plus il faut d’accompagnement.
L’éthique, c’est avant tout une référence à des valeurs et c’est avec les valeurs d’égalité de liberté et de fraternité en toile de fond qu’il convient de réinventer le monde éducatif.
L’école a ici un rôle majeur à jouer dans la formation du nouveau citoyen numérique. Ilest nécessaire de poursuivre des objectifs ambitieux tels que ceux de l’Education aux médias et à l’information (EMI inscrite dans la Loi de 2013) et d’éduquer les élèves à l’esprit critique qui leur apprendra l’autonomie face à la profusion d’informations qui les assaille : apprendre à sourcer l’information, à la vérifier, à la comparer tout en respectant dans son activité personnelle les valeurs inscrites dans les chartes d’usage des médias et des outils numériques utilisés.
Sur quels leviers peut-elle s’appuyer ?
Recréer la confiance numérique
Impliquer les parents, c’est le concept de parentalité numérique
Eviter les discours anxiogènes et rechercher les équilibres
Ne pas négliger le vecteur des jeunes eux-mêmes (exemple de la vidéo sur youtube qui explique comment protéger ses données en 6 étapes : « le rire jaune »).
Favoriser la démarche de projet et la médiation
Co construire avec tous les acteurs en responsabilité
Avoir enfin une conscience culturelle, politique et éthique de la société que nous voulons. @EducaVox
(1) https://educavox.fr/les-reportages/content/370-forum-educavox-2019-2/
(3) https://www.educavox.fr/accueil/reportages/le-telephone-portable-a-l-ecole-pour-quoi-faire-et-comment-1
(4) https://educavox.fr/accueil/reportages/intelligence-artificielle-et-education
Dernière modification le vendredi, 13 décembre 2019