Bien entendu, en amont du lycée, ce syndrome concerne nombre de collèges, notamment ceux qui sont intégrés dans des ensembles scolaires allant du niveau sixième à celui de terminale.
Aux yeux de certains, un plus strict encadrement de l'évaluation des élèves pourrait corriger ce déséquilibre, notamment par un renforcement des modalités d'harmonisation, interne et externe, permettant de réduire les différences découlant de ces diverses conceptions de l'évaluation.
Une mise sous tutelle de la liberté d'évaluer les élèves ne serait pas chose strictement nouvelle : il y a bien longtemps que diverses dispositions et textes réglementaires le permettent, tant au niveau de l'établissement qu'aux niveaux académiques, voire national. En l'état actuel des choses, il s'agirait de renforcer les dispositifs d'encadrement et d'harmonisation de l'évaluation existant. C'est cependant un sujet qui, aux yeux d'une majorité d'enseignants, demeure très sensible, car il renvoie à la question de savoir jusqu'où la liberté pédagogique des enseignants du second degré, jadis très grande, doit encore plus être tenue en laisse qu'elle ne l'est aujourd'hui.
1. Qu'en est-il aujourd'hui de la liberté des enseignants du second degré en matière d'évaluation des élèves ?
Commençons par dire qu'en ce qui concerne les libertés pédagogiques des enseignants, l'histoire du système éducatif est celle d'une lente, mais irrépressible tendance à leur réduction, tout particulièrement dans l' enseignement secondaire. Sans remonter trop loin dans le temps, rappelons que lors de la création du baccalauréat moderne par Napoléon 1er, en 1808, les enseignants qui intervenaient au niveau lycée étaient libres de concevoir une large partie de leurs programmes, de fixer eux-même l'ordre de déroulement des thèmes abordés, d'user de méthodes pédagogiques qui leur étaient propres, d'évaluer librement leurs élèves et les candidats aux examens et concours ... Aujourd'hui, certaines de ces libertés ont intégralement disparu (par exemple : les enseignants n'ont guère de liberté concernant les programmes qu'ils ont à traiter), quand d'autres demeurent, mais plus ou moins fortement encadrées. C'est le cas pour la liberté d'évaluer les élèves.
La liberté pédagogique a récemment été rappelée par la "loi Fillon" ("loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école") du 25 avril 2005, qui dit que c'est un fondement du métier d'enseignant, mais rappelle que cette liberté, dans ses diverses composantes, est désormais très encadrée. Cette loi a conduit à insérer dans le Code de l'éducation un article L912-1-1 qui dit que "la liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des programmes et instructions du ministre chargé de l'Education nationale, et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement, avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection". En outre, cette même loi ajoute qu'il est créé, au sein de chaque établissement, un conseil pédagogique présidé par le chef d'établissement, qui doit veiller à donner plus de cohérence aux pratiques pédagogiques internes, notamment aux regard des dispositions pédagogiques qui figurent dans le projet d'établissement, mais "sans que le conseil pédagogique ne puisse porter atteinte à cette liberté".
Malgré des termes qui se veulent neutres, voire apaisants, ce texte a été considéré par nombre de professeurs comme étant porteur d'une mise sous tutelle de plusieurs de leurs libertés pédagogiques, et en particulier de leur liberté d'évaluer les élèves. En effet, les notes et appréciations qualitatives des enseignants ne peuvent plus être considérées comme étant "libres", puisqu'elles sont désormais considérées comme étant de simples propositions soumises à l'analyse de cette nouvelle instance qu'est le conseil pédagogique, et par extension, peuvent faire l'objet de discussions suivies de transformation dans le cadre du conseil de classe. Autrement dit, de libre concepteur de son évaluation qu'il était officiellement dans le passé, l'enseignant s'est en partie rapproché d'une position de simple exécutant devant soumettre ses évaluations a des instances internes ayant le pouvoir de les modifier.
Est-il pour autant nécessaire d'aller plus loin ? Certains considèrent que les dispositifs actuels d'encadrement de l'évaluation des élèves par les enseignants offrent un cadre suffisant pour permettre une meilleure harmonisation des évaluations et donc corriger les écarts qui peuvent exister d'un lycée à un autre, mais aussi, dans un même lycée, d'un professeur d'une discipline par rapport à un autre de la même discipline. Cependant, nombreux sont ceux qui pensent que les dispositifs actuels ne suffisent pas, et qu'il convient d'aller plus loin. C'est en partie ainsi que l'on peut comprendre le sens profond de la note de service du 23 juillet 2020 (publiée dans le Bulletin Officiel de l'Education National spécial N° 6 publié le 31 juillet 2020), relative aux modalités d'organisation du contrôle continu dans les lycées, à compter de la session 2021 du baccalauréat. Comme on le verra plus loin (partie 5) dans cet article, il y a là un indéniable renforcement de la mise sous tutelle de la liberté d'évaluation des enseignants.
2. Les deux modes d'évaluation des lycéens :
Les élèves de lycée font l'objet de deux modalités d'évaluation complémentaires, mais en grande partie séparées :
- Il y a ce qu'il est convenu d'appeler "l'évaluation interne", qui consiste en l'ensemble des notes, appréciations et avis que les lycéens reçoivent de la part de leurs professeurs, tout au long de leur scolarité au lycée.
- Il convient d' ajouter "l'évaluation externe", qui est celle dont les lycéens font l'objet lorsqu'ils se présentent aux épreuves externes du baccalauréat (hors prise en compte du contrôle continu), mais aussi lorsqu'ils expriment leurs candidatures en vue d'entrer en première année de l'enseignement supérieur.
Bien que complémentaires, ces deux modalités d'évaluation ne remplissent pas les mêmes fonctions, et n'obéissent pas aux mêmes règles.
- L'évaluation interne est en grande partie le produit de ce que nous pourrions nommer "la culture propre à chaque lycée" ou "l'effet établissement". Dans les établissements dotés d'une haute réputation, le plus souvent caractérisés par la volonté de cultiver l'excellence, de développer chez leurs élèves (fréquemment issus de milieux sociaux favorisés) le goût de la réussite la plus élevée possible, l'esprit de compétition... on aura tendance à mettre principalement en oeuvre des pratiques évaluatives sommatives, voire franchement élitistes. Inversement, dans d'autres lycées, moins réputés, dont les élèves appartiennent à des milieux sociaux plus variés et fréquemment moins aisés, les équipes pédagogiques et de direction ont plus fréquemment de l'évaluation une conception plus formative que sommative, et de fait, s'efforcent de stimuler le goût de l'effort scolaire par des évaluations plus généreuses, plus formatives aussi. Le but principal recherché dans ce second cas est non de former et évaluer les élèves dans une logique de sélection pour l'admission dans les meilleures filières de l'enseignement supérieur, mais de mieux les accompagner vers une plus humble réussite qui est principalement celle du baccalauréat. Notons que de telles différences de conception de l'évaluation peuvent caractériser les pratiques évaluatives de chaque professeur d'une même discipline dans un même lycée. Mais il est indéniable que l'effet "établissement" est en ce domaine le plus déterminant.
- L'évaluation externe correspond à une sorte de transfert du regard porté sur les élèves vers des professeurs et autres évaluateurs qui n'appartiennent pas au lycée fréquenté. C'est par exemple le cas lorsqu'un élève de classe terminale est noté au baccalauréat pour sa dissertation de philosophie, mais aussi lorsqu'il est candidat à l'admission en première année de l'enseignement supérieur. Dans ces cas de figure, les jurys prennent évidemment connaissance des notes et appréciations exprimées dans le cadre du lycée d'origine, mais ils sont libres de les interpréter comme ils l'entendent, y compris de préférer juger les candidats par eux-même en les soumettant à des épreuves de concours ou d'autres modalités de sélection.
De ce point de vue, il est clair que toute évaluation exprimée au niveau du lycée fréquenté remplit une double fonction dont les professeurs n'ont pas toujours conscience : elles sont à la fois à usage interne et externe. Or, de nombreuses études démontrent que lorsqu'ils évaluent leurs élèves au sein de leur lycée, les professeurs n'intègrent que rarement cette double fonction dans leur mode d'évaluation : pour la plupart, ils font comme si les notes et appréciations n'avaient d'autre fonction que de s'adresser à leurs propres élèves et à leurs parents, ainsi qu'aux membres des conseils de classe. Il y a là en cela émergence d'un hiatus que l'on ne pourra pas mésestimer éternellement.
3. Un hiatus longtemps sans conséquence dommageable pour les élèves, mais qui devient de plus en plus problématique :
Ce hiatus n'avait guère d'importance aussi longtemps que, pour l'accès au diplôme du baccalauréat, comme pour les modalités de sélection pour le passage dans l'enseignement supérieur, on déléguait en grande partie à des jurys externes le soin de prendre les décisions, en toute indépendance par rapport aux évaluations internes réalisées dans le cadre des lycées. Mais ces dernières années, deux importantes évolutions sont venues modifier cette façon de faire.
- Pour le baccalauréat, on assiste à une forte augmentation de la part de l'évaluation des candidats fondée sur le contrôle continu (CC). La réforme du baccalauréat, qui achèvera d'être mise en place à l'occasion de la session de 2021 de cet examen, fixe à 40% (près de la moitié) le poids des notes acquises au lycée qui seront prises en compte pour la délivrance du baccalauréat général ou technologique, et l'octroi des éventuelles mentions, alors que le poids du CC n'était que d'environ 10% dans l'ancien baccalauréat. Dès lors, la réussite, et l'éventuelle obtention des mentions qui peuvent s'y adjoindre, dépendent nettement plus de l'évaluation interne, telle qu'exprimée par les professeurs du lycée fréquenté. Ajoutons qu'il nous semble fortement probable que la part du CC dans le total de l'évaluation des candidats au baccalauréat, en forte augmentation du fait de la réforme en cours, sera appelée à s'accroître dans l'avenir, amplifiant d'autant le phénomène mis en lumière.
- Pour le passage dans l'enseignement supérieur, on assiste à une forte tendance à la réduction des modalités de sélection sur concours, au profit d'une étude comparative des dossiers de candidature. C'est ainsi par exemple que, ces trois dernières années, les traditionnels concours d'entrée dans les Instituts d'études politiques, dans diverses grandes écoles (de commerce et management, d'ingénieurs et autres), dans les Institut de formation aux soins infirmiers et d'autres écoles paramédicales ou sociales ... ont été remplacés par des modalités de sélection sur dossier (le plus souvent : le dossier Parcoursup). Cette tendance va se poursuivre dans le futur.
Il résulte de cette double évolution le fait que les notes et appréciations des élèves, telles que délivrées au niveau de l'établissement, prennent de plus en plus d'importance vis à vis de l'extérieur. Autrement dit, longtemps fréquemment séparées, les fonctions d'évaluation interne et externe tendent à se rapprocher, voire à se mêler, ce qui change fortement la donne au regard des pratiques évaluatives, différentes d'un lycée à l'autre.
Pour faire chaque année de nombreuses conférences sur Parcoursup dans des lycées de toutes sortes, répartis sur tout le pays, et même parfois dans des lycées français de l'étranger, nous ne pouvons que témoigner du fait que l'une des questions les plus fréquemment posées par les parents d'élèves (surtout) et élèves (dans une moindre mesure) des lycées qualifiés de "sélectifs", est celle des pratiques évaluatives considérées comme trop "sévères", et de ce fait pénalisantes pour leurs enfants candidats au baccalauréat, mais surtout au passage vers l'enseignement supérieur . De telles questions étaient beaucoup plus rarement posées il y a quelques années. Bien plus, cette préoccupation des familles se développe au fur et à mesure qu'elles prennent conscience des deux évolutions que nous venons de présenter.
A tort ou à raison, les parents d'élèves (surtout) et élèves sont de plus en plus fréquemment convaincus que le niveau d'exigence qui règne dans ce type de lycée est trop élevé. Une telle conception élitiste de l'évaluation des élèves ne les dérangeait guère tant que le résultat aux épreuves du baccalauréat, et le passage dans le supérieur, dépendaient principalement de modalités d'évaluation externes. Prenant de plus en plus conscience du fait qu'il y a une plus grande prise en compte des modes d'évaluation internes, aussi bien pour l'octroi du baccalauréat et de ses possibles mentions, que pour le passage dans les formations supérieures sélectives, les familles découvrent que des évaluations internes qui découlent d'une conception élitiste sont porteuses d'une contre-partie : les notes et appréciations inscrites dans les dossiers Parcoursup placeraient dans ce cas leurs enfants en position de handicap par rapport à ceux scolarisés dans d'autres lycées où l'évaluation des élèves est plus formative que sommative, autrement dit, moins sévère.
4. Du fait de l'épidémie provoquée par le Covid 19, les modes d'évaluation des lycées dits "sélectifs" ont été fortement bousculés
Ils l'ont été par le recours élargi au contrôle continu, lors de la session 2020 du baccalauréat et des opérations de classement des candidats au passage en première année de l'enseignement supérieur.
Comme chacun sait, les modalités d'examens et concours ont été très fortement perturbées au printemps 2020, par l'épidémie du Covid 19, qui a très fréquemment empêché que les épreuves se déroulent comme prévu. Dans la plupart des cas, il a été décidé de remplacer les traditionnelles épreuves écrites et orales, par une prise en compte des notes délivrées dans le cadre des lycées, donc par le contrôle continu.
Force est de constater que ce changement des règles du jeu survenu brusquement en milieu d'année scolaire, a plus ou moins fortement pénalisé les élèves scolarisés dans des lycées où l'évaluation interne est sévère. Jusque-là, cette catégorie d'élèves compensaient les notes obtenues dans leurs lycées plus ou moins sélectifs, par des notes généralement supérieures obtenues lors des épreuves du baccalauréat, et parvenaient à tirer leur épingle du jeu lors des concours organisant la sélection pour le passage dans nombre de formations supérieures prestigieuses et très demandées, en obtenant dans la plupart des cas de bien meilleures notes que les élèves issus d'établissements "accompagnateurs". Or, cette année, ce processus compensatoire n'a pu se dérouler.
Conscientes de cette difficulté, les autorités ministérielles et académiques ont, pour le baccalauréat, mis en oeuvre un système complexe d'harmonisation des notes qui a conduit à rehausser quelque peu celles affichées par les élèves scolarisés dans les établissements plus ou moins élitistes. C'est ainsi qu'il a été décidé d'arrondir au point supérieur les moyennes affichées dans les bulletins de notes (par exemple, un élève qui a obtenu 8,2/20 de moyenne générale en philosophie a vu cette note forfaitairement arrondie à 9/20 si elle doit être prise en compte pour la délivrance du baccalauréat). Cependant, cette décision bénéficie à l'ensemble des candidats et n'a donc pas de valeur compensatoire.
Il a par ailleurs été décidé de donner aux jurys du baccalauréat des consignes afin qu'ils valorisent les élèves dont le dossier témoigne d'une évaluation sévère dans leur lycée d'origine, et surtout, qui mettent en lumière d'importants écarts de notation entre celles obtenues ces trois dernières années dans le cadre de l'évaluation interne de l'établissement fréquenté, et lors du baccalauréat. Cependant, force est de constater que fort peu de jurys ont effectivement fait ce travail comparatif compensatoire. Pour les élèves des lycées sélectifs, il n'en a pas résulté une baisse des taux de réussite, tout ayant été fait pour que les candidats de la session 2020 du baccalauréat (que certains nomment "le bac Covid 19", comme on a longtemps parlé du "bac 1968" en d'autres temps), ne subissent pas trop la perte des trois mois de cours en présentiel qu'il a fallu supprimer du fait de la fermeture des établissements scolaires. On a par contre observé une réduction significative du nombre des mentions octroyées aux élèves scolarisés dans des lycées sélectifs, notamment des mentions très bien et bien. Or, pour leur "image de marque", ce qui signale la différence de réputation entre les lycées, ce ne sont aujourd'hui plus les taux de réussite au baccalauréat (qui augmentent globalement de façon tendancielle, depuis fort longtemps) mais la proportion des mentions bien et très bien.
Par contre, rien de tel n'a officiellement été conçu et mis en oeuvre pour l'admission dans les établissements d'enseignement supérieur sélectifs, ce qui a incité certains jurys à s'ouvrir à l'idée que la réputation du lycée d'origine soit prise en compte, parmi d'autres critères de classement des candidats (sur ce point, nous vous invitons à lire notre article précédent publié sur Linkedin). Cependant, il semble bien qu'une majorité d'entre eux ne l'aient pas fait, faute de se sentir autorisés à le faire, et/ou faute de savoir comment procéder rationnellement à la prise en compte d' un tel critère d'évaluation des candidats. Malgré tout, le fait est qu'un nombre croissant d'établissements supérieurs sélectifs s'ouvrent à l'idée de prendre en compte la réputation du lycée d'origine des candidats.
5. La note de service du 23/7/2020, relative aux modalités d'organisation du contrôle continu, vient amplifier la tendance à réduire l'autonomie des enseignants en matière d'évaluation des élèves :
Dès lors qu'est acquis le principe d'un plus important encadrement de l'évaluation des élèves dans chaque lycée, surgit la question du cadre institutionnel dans lequel on se propose d'inscrire une telle évolution. Va-t-on, une fois de plus, céder à la tradition jacobine de l'administration française qui consiste à piloter le changement par le Centre, donc via des textes législatifs et réglementaires ministériels à vocation nationale, chargeant principalement les corps nationaux et territoriaux d'inspection de veiller à leur application en lien avec les équipes de Direction, ou choisit-on de piloter cette évolution par la périphérie, donc via des pratiques d'encadrement principalement définies et mises en oeuvre au niveau de l'établissement et/ou académiques, en confiant aux équipes de direction de chaque lycée le soin de concevoir des solutions "maison" et de les piloter ?
Comme souvent en la matière, ce qui a commencé à se mettre en place est une sorte de formule mixte entre ces deux conceptions du pilotage du changement, mais à observer les choses de près, on note en ce domaine une prééminence du pilotage fondé sur des règles et modalités définies et mises en oeuvre localement et académiquement.
C'est ce qui nous semble ressortir de la note de service du 23 juillet 2020 qui définit "les modalités d'organisation du contrôle continu conduisant à l'obtention du baccalauréat général et technologique", figurant dans le Bulletin Officiel de l'Education Nationale (BOEN) spécial N° 6, en date du 31 juillet 2020. Rappelant que "les candidats font l'objet d'une évaluation au cours du cycle terminal (classes de première et terminale du lycée)" qui doit être prise en compte à hauteur de 40% de l'ensemble de la note globale obtenue par le candidat au baccalauréat (10% "pour la moyenne des notes attribuées par les professeurs et renseignées dans le livret scolaire", et 30% pour "la moyenne des notes obtenues aux trois séries d'évaluations communes du cycle terminal"), ce texte officiel stipule que ces notes "sont validées au moment du dernier conseil de classe de chaque élève" candidat au baccalauréat. Les notes ne seront plus systématiquement celles proposées par le professeur, mais celles qui auront été validées par le conseil de classe de fin d'année scolaire.
En outre, "l'organisation des évaluations communes relève de chaque établissement scolaire. Les chefs d'établissement en déterminent les modalités et fixent le calendrier de passation après consultation du conseil pédagogique". On ajoute que "des professeurs désignés par le chef d'établissement et placés sous sa responsabilité choisissent, parmi les sujets présents dans la banque nationale, préalablement élaborés sous la direction de l'Inspection générale, ceux qu'ils retiennent pour leur établissement". Pour corriger les copies des élèves qui se soumettent à ces évaluations communes, les équipes pédagogiques disposent d' "outils de référence élaborés par les corps d'inspection, sur l'évaluation des attendus propres à chaque discipline faisant l'objet de ces évaluations communes".
Mais surtout, "une commission d'harmonisation des notes des évaluations communes est mise en place dans chaque académie". Présidée par le Recteur ou son représentant, elle est composée d'inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) et d'enseignants. Sa mission est de "procéder à la comparaison des notes des évaluations communes (moyennes et répartitions des notes par sujet et par établissement), et si nécessaire à leur révision, notamment "en cas de discordance manifeste entre la moyenne des notes attribuées pour un sujet donné à un lot de copies, et la moyenne académique pour ce même sujet". Ce texte officiel précise que "cette révision des notes peut être réalisée à la hausse comme à la baisse", mais force est de constater qu'en 2020, les commissions d'harmonisation n'ont quasiment pas usé de ce droit de réviser les notes en baisse, ayant par contre largement utilisé cette possibilité de le faire à la hausse. Enfin, "la commission (d'harmonisation) communique ensuite les notes harmonisées au jury du baccalauréat, lequel arrête définitivement la note finale de chaque candidat".
Ainsi, le professeur évaluateur, s'il continue de disposer du droit de noter librement en première instance, doit encore plus que par le passé considérer que les notes qu'il attribue n'ont rien de définitif : elles sont de simples propositions faites, au niveau de l'établissement, au Conseil pédagogique et au Conseil de classe, puis à une commission académique d'harmonisation qui fixe les notes finales de chaque candidat et les fait parvenir au jury final qui les revisite à son tour et arrête définitivement la note finale.
Conclusion :
Est-il nécessaire ou même simplement souhaitable, d'aller plus loin dans ce domaine ?
Concernant le dispositif d'encadrement de l'évaluation des élèves par les professeurs, on ne voit pas pourquoi son récent élargissement par la note de service du 23 juillet 2020 pré citée, devrait ne concerner que les seules disciplines faisant l'objet du contrôle continu dans le nouveau baccalauréat. Le problème des écarts d'évaluation se pose aussi dans les disciplines faisant l'objet d'une évaluation externe. De plus, les textes (telle la note de service que nous venons d'évoquer) citent de plus en plus le "conseil pédagogique" et le "conseil de classe" comme étant des instances internes aux établissements, ayant vocation à participer activement au dispositif d'encadrement et d'harmonisation de l'évaluation des élèves. Rappelons que le "conseil pédagogique" est une instance créée par la "loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école" du 23 avril 2005 qui édicte que "dans chaque établissement public local est institué un conseil pédagogique. Présidé par le chef d'établissement (...) il a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignement, la notation et l'évaluation des activités scolaires". En juin 2015, une circulaire a en outre imposé la création d'un conseil pédagogique au sein de chaque établissement d'enseignement secondaire privé sous contrat. Il existe donc déjà une instance interne susceptible de coordonner la notation et l'évaluation des activités des élèves. Point n'est besoin d'en inventer une de plus ! Cependant, notre constat est que cette instance est très inégalement utilisée à cet effet d'un lycée à l'autre. Il y a donc possibilité d'y renforcer le pouvoir d'agir dans ce domaine.
Mais surtout, nous considérons qu'avant de pousser plus loin la logique du renforcement du dispositif d'encadrement et d'harmonisation de la notation des élèves par les professeurs, il convient de donner du sens à une telle évolution. Disons le tout net : compte tenu du fait que la liberté en la matière est une des dernières libertés pédagogiques des enseignants, ils sont majoritairement hostiles à ce que l'on renforce leur contrôle dans ce domaine. Or, sans leur collaboration, on n'y parviendra guère. La priorité est donc de s'efforcer de les convaincre, ce qui commence par un travail de mise en évidence du phénomène et de ses conséquences dommageables. Notre sentiment est qu'une majorité d'entre eux ne sont pas pleinement conscients qu'il y a là un problème en forte croissance qu'il convient de regarder en face et de neutraliser. Il faut donc commencer par mettre cela en évidence et en appeler au bon sens de chacun d'entre eux. La réflexion sur la conception d'un dispositif renforcé d'encadrement et d'harmonisation de leurs évaluations viendra ensuite. C'est la raison pour laquelle, dans les stages que nous animons sur ce thème auprès des équipes pédagogiques de nombre d'établissements d'enseignement secondaire, nous commençons systématiquement par un temps consacré à cette nécessaire prise de conscience du problème ainsi posé.
Bruno MAGLIULO
Dernière modification le lundi, 14 septembre 2020