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A Bordeaux, s’est déroulée la dixième Université d’été de la communication pour le développement durable, les 23 et 24 août sur le thème :
Gilles Berhault Président d’ACIDD et du Comité 21, Délégué développement durable, direction scientifique de l’Institut Telecom a interrogé Marcel Desvergne, fondateur de l’Université d’été de la communication (qui a eu lieu pendant longtemps à Hourtin) et du Réseau international des universités de la communication.
 
GB : Peut-on espérer vivre sereinement dans un écosystème informationnel, dans « l’hyper démocratie transparente » promue par Jacques Attali ?
 
MD : Il est nécessaire de rappeler les hypothèses d’ « Une brève histoire de l’avenir »de Jacques Attali qui déroule l’histoire des soixante prochaines années du monde.
 
Le premier tiers du livre constitue une des plus étonnantes histoires « co-évolutive » des civilisations humaines jamais écrite : de l’ancienne Egypte aux dynasties chinoises, en passant par le Bassin méditerranéen, le Moyen Age européen, l’Inde ou le Moyen-Orient, il met en perspective les trois ordres qui conditionnent le développement des sociétés humaines : l’ordre rituel (religieux), l’ordre impérial (militaire) et l’ordre marchand (contrôle de l’économie).
 
Etape par étape, en suivant les « cœurs » du monde (Bruges, Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam, Londres, Boston, New York et Los Angeles), il décrit l’implantation de la démocratie de marché, la naissance du capitalisme, la mondialisation, l’influence croissante d’Internet et des objets nomades dans les relations sociétales et dans les nouvelles formes de travail.
 
Il se projette dans un avenir de plus en plus inquiétant, marqué par ce qu’il appelle « l’hyperempire » (l’extension de la démocratie de marché, avec ses règles impitoyables, allant jusqu’à la marchandisation du temps et du corps), « l’hyperconflit », (le choc armé de politiques, de cultures, de religions, entre des Etats ou des groupes se déclarant incompatibles, en lutte pour le contrôle des flux financiers, de l’énergie ou de l’eau). Des groupes puissants représentés par les mafias, les cartels, les « entreprises pirates », les « criminels en col blanc », s’appuyant sur « l’hypersurveillance », au détriment des règles de base de la vie privée et de l’éthique de la vie en société.
De ce champ de bataille réel et virtuel des prochaines années Jacques Attali fait émerger la lueur de l’espoir.
 
Son livre se termine sur des options de construction positive et responsable de leur avenir par les humains, rassemblées dans ce qu’il appelle « l’hyperdémocratie ».
 
Les bases de la construction de ce grand futur sont jetées : réseaux solidaires, démocratie participative, « entreprises relationnelles », ONG, micro-crédits, intelligence collective...
 
Faire naître l’hyperdémocratie  : la France aura tout intérêt à aider à la naissance de l’hyperdémocratie (forme ultime de la démocratie à la fois planétaire et participative) qui protégera ses valeurs et son existence même. Elle devra donc proposer la création d’instances de gouvernance mondiale disposant de ressources propres, en particulier par la fusion du G8 et du Conseil de sécurité.
 
A l’échelle européenne, elle devra inciter à la mise en place d’un véritable gouvernement continental, doté de compétences politiques, militaires et sociales - et pas seulement, comme aujourd’hui, économiques et monétaires.
 
Elle devra faire comprendre à ses partenaires que l’Europe est la mieux placée pour créer le premier espace d’harmonie relationnelle de la planète.
 
L’État français conservera pour lui-même toutes les compétences nécessaires à l’intégration sociale, à la promotion de la langue, de la culture, de l’éducation ; il devra favoriser, fiscalement, financièrement, la constitution d’entreprises relationnelles de toute nature (des partis, des syndicats, des ONG, des associations, des réseaux coopératifs réels ou virtuels, en particulier dans les activités d’éducation et de prévention). Il faudra développer la démocratie participative, en particulier régionale, et organiser des espaces urbains et virtuels pour que s’y rencontrent ceux qui ont envie de se rendre utiles et ceux qui peuvent offrir des occasions de l’être.
 
Cette démocratie participative aidera à faire surgir des citoyens à la fois intégrés et fidèles à leurs communautés. Des citoyens capables de donner à la France les moyens de trouver la meilleure place dans l’histoire de l’avenir.
 
Je suis dubitatif sur la notion de sérénité ! Qui dit changements dit inquiétudes et blocages si un accompagnement n’est pas instauré et des mesures économiques et sociales prises !
 
Je suis dubitatif par la complexité de la mise en place de cette hyperdémocratie sans le temps obligatoirement nécessaire face aux réalités économiques et géopolitiques du monde !
 
GB : Avons-nous vécu l’essentiel des transformations ou d’autres, encore plus importantes, sont-elles à venir ?
MD : Non, bien sûr, mais cela nécessite que nous puisions maîtriser les Numériques avec un besoin d’adaptabilité continuelle qui, bien au delà de la communication numérique au doigt et à l’œil, aujourd’hui déjà sans contact et avec l’homme et les situations « augmentées » en prenant en compte quelques hypothèses :
 
La mobilité va s’amplifier, voir par exemple Afrique qui utilise d’une façon amplifiée cette utilisation simple du portable.
 
Le « smartphone » va se dégager des données qui seront stockées dans les data-center à la manière dont les mormons gardent les informations sur les personnes.
 
Notre « vie numérique » avec notre patrimoine digital deviendra le sel de l’économie.
 
Vont se créer des histoires, des fictions, des livres, des films, des flux multiples d’échanges. La création sera certainement régénérée.
 
Vont se créer des lieux, hors numériques, chers, rares permettant de se déconnecter
 Il va nous falloir cependant « gérer » des situations « neuves » :
  • comment vivre sans posséder,
  • comment reconstruire l’éducation en implosion,
  • comment s’accommoder d’une industrie de proximité (Labs-Fab),
  • comment se réapproprier ses données personnelles dans le nuage numérique,
  • comment vivre la ville et ses contours,
  • comment organiser le vieillissement des populations,
  • comment s’adapter aux réseaux mouvants offerts par nos machines,
  • comment garder confiance en l’avenir dans un pays qui se perçoit en danger.
 Je suis néanmoins confiant si décideurs, responsables associatifs et politiques, hors de leurs territoires, s’associent. Ne regrettons pas le temps des bastides, assumons celui DES NUMERIQUES avec stratégies et confiance !
Dernière modification le mercredi, 06 septembre 2017
Laurissergues Michelle

Fondatrice et présidente d'honneur de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.