Mais que se cache-t-il derrière ces craintes ? Qu’est-ce qui fait que l’évaluation soit si souvent dénoncée comme une problématique du système éducatif ? L’évaluation ne devrait-elle pas être avant tout considérée comme un outil permettant de mesurer et repérer les difficultés que peuvent rencontrer nos élèves ? Alors pourquoi aujourd’hui a-elle perdu l’essence même de son utilité ?
Aujourd’hui, pour de nombreux élèves, l’évaluation est perçue comme une source de stress. D’ailleurs, elle est considérée de la même manière par les adultes qui la subissent. En effet, qui apprécie d’être observé voire même jugé et critiqué sur ses résultats obtenus ? Est-ce ainsi que l’être humain apprend ? Est-ce ainsi qu’il évolue et acquière de nouvelles compétences ? Nous n’avons qu’à regarder les bébés qui apprennent à marcher ou à parler pour comprendre que l’apprentissage ne s’embête pas avec l’évaluation. Et une chose est sûr, c’est que tous les bébés ont appris à marcher et à parler… un jour… et certainement pas le même jour.
Revenons un instant à notre outil, notre évaluation. Comme tous les outils, elle peut permettre d’avancer plus rapidement si elle est utilisée correctement. La question ne serait donc pas l’outil en lui-même, mais plutôt la personne qui manipule cet outil.
Trop souvent, l’évaluation est utilisée pour condamner les élèves en les catégorisant alors qu’elle devrait les accompagner dans leur progression. Lorsqu’un élève reçoit une mauvaise note, il est condamné à la conserver pendant toute sa vie d’élève. C’est comme si nous, en tant qu’adulte, nous étions condamné à vie sur les erreurs que nous avions commises. Tu as volé ce stylo à 8 ans, donc tu es un voleur et tu seras toujours un voleur !! Qui n’a pas fait un jour une erreur qu’il a regrettée ? Qui n’a pas commis des erreurs qui lui ont permis de progresser ?
Est-ce agréable qu’on vous rappelle toujours les erreurs que vous avez commises ? Je pense que la réponse est non, nous faisons des erreurs et nous apprenons. C’est ainsi et notre comportement se modifie. L’erreur que nous avions commise n’existe plus, elle est derrière nous. Les erreurs nous ont permis de changer, de nous améliorer, d’apprendre et ensuite nous sommes meilleurs que ce que nous étions.
C’est ainsi que l’homme se construit depuis que le monde est monde.
Il serait maintenant interessant de mesurer les conséquences négatives liées aux problématiques qu’engendre l’évaluation d’aujourd’hui ?
Pour l’élève
Elle est stigmatisante
Elle « étiquette » l’élève comme étant bon ou mauvais sur une longue durée alors qu’elle ne devrait être qu’un indicateur de niveau à un instant précis. Qui n’a jamais été déçu de voir sa moyenne bien inférieure à son niveau à cause de certaines erreurs ?
Pourquoi cherchons-nous à étiqueter nos élèves ?
Elle est démotivante
Souvent, elle n’est que le résultat d’un travail donné sans permettre de solutionner les difficultés. Si l’élève a eu un mauvais résultat, c’est que sa stratégie pour réussir dans ce domaine précis était inappropriée et qu’il doit la changer au risque de continuer à échouer. Ses échecs successifs diminueront son estime personnelle, ainsi que sa motivation.
Mais que faisons-nous pour qu’il améliore sa stratégie ?
Elle créée nos croyances sur nous-mêmes
En fonction de nos réussites ou de nos échecs, nos croyances en nous se modifient et notamment celles liées à nos propres capacités. Plus nous échouons dans un domaine, plus nos croyances sur nos capacités personnelles diminuent. Pour se préserver, un certain nombre d’entre nous déciderons de changer de stratégie en choisissant soit l’évitement ou l’agressivité. Cela aura un impact direct sur nos futurs choix, que ce soit dans le domaine scolaire ou tout autre domaine.
Pour l’enseignant
Elle engendre une opinion sur un élève
Selon les résultats des élèves aux évaluations, l’enseignant va avoir tendance à catégoriser ses élèves en tant que « bon », « moyen », « mauvais » ce qui diminuera son intention de faire progresser ses élèves. C’est ce que l’on a appelé l’effet pygmalion. (voir l’article sur nos croyances négatives)
Elle est représentative de l’image de l’enseignant
Si un enseignant fait une évaluation à ses élèves et que ces derniers échouent, l’enseignant aura tendance à refaire une évaluation d’un niveau nettement inférieur afin de justifier de la qualité de son travail. Aussi les élèves n’auront pas plus appris et n’auront pas le niveau requis par les programmes scolaires
Si, au contraire, trop d’élèves réussissent l’évaluation, l’enseignant aura tendance à augmenter la difficulté de l’évaluation afin d’avoir un pourcentage de réussite et un pourcentage d’échec raisonnable. C’est ce que l’on a appelé la constante macabre.
Pour les parents
Elle engendre une opinion des parents sur leur enfant
Si l’enfant échoue aux évaluations, il pourra être considéré comme mauvais par ses parents qui lui rappellerons régulièrement ses échecs et qui généraliserons à d’autres domaines de sa vie. C’est ainsi que les croyances négatives sur l’enfant seront entretenues voire même aggravées et cela aura un impact d’autant plus fort sur l’estime personnelle de l’enfant.
Elle engendre une opinion sur l’enseignant
Si l’enfant échoue aux évaluations, les parents pourront contester le savoir-faire de l’enseignant ce qui créera une tension entre les deux. Et comment un élève peut apprendre lorsqu’il est au centre d’un conflit ?
Elle déclenche une peur chez les parents sur l’avenir de leur enfant
S’il échoue maintenant, il échouera toute sa vie…
Ainsi, l’évaluation qui n’est qu’un outil engendre différentes problématiques à différents niveaux. Il serait intéressant de revoir la manière d’utiliser cet outil, pourtant très utile, afin qu’il récupère toute sa légitimité à l’école et soit un outil de plus à l’accompagnement des élèves vers le savoir scolaire.
Petite citation du jour
" Qu’est-ce que l’échec ? Rien qu’un apprentissage ; rien d’autre que le premier pas vers quelque chose de mieux. "
Wendell PHILLIPS