Une belle histoire
Donc en 1969, le ministre Edgar Faure sous le gouvernement Pompidou, après le Colloque d’Amiens en mars 1968 et après les événements de cette même année publie une circulaire le 6 janvier 1969 qui supprime les compositions, les classements et les remises de prix, demande le remplacement de la notation de 0 à 20 par une notation de A à E dans tout le secondaire. Claude Lelièvre dans un article intitulé « Une «sacro-sainte» notation sur 20 de toute éternité ? » précise que cette éternité a commencé en 1890.
A l’origine de cette classification en cinq lettres, il y a l’idée d’une pédagogie différenciée. Les cinq lettres désignent des niveaux, ce qui devait permettre de faire travailler les élèves de mêmes niveaux ensemble. Mais aucunes conditions de travail nouvelles ne sont misent en place. Les programmes sont les mêmes, la notion de classe reste la même, les horaires sont les mêmes. Difficile d’engager une révolution pédagogique.
Donc si ce système n’est pas en rapport avec une nouvelle utilité, il va garder l’utilité antérieur : classer les élèves. Et l’on voit fleurir la précision évaluative. On se met à distinguer un A- d’un A et d’un A+. Avec ce petit ajout simple à la classification de groupes on obtient une classification linéaire, une échelle en 15 points. Or, même dans le système de notation sur 20 on utilise bien rarement l’intervalle des 20 points, et 15 sont bien suffisants pour classer les élèves. Seul problème, il est bien difficile de faire des opérations mathématiques permettant le calcul de la moyenne.
Et finalement, la parenthèse dure deux ans et en 1971, Pompidou étant élu président de la république, la notation sur 20 revient dans le secondaire.
Mais avec un oubli
Mais dans ce récit, il est un oubli de taille. Si la notation sur 20 est instituée dans le secondaire en 1890 c’est pour une raison précise. Dix ans avant une circulaire a institué des règles à propos du passage en classe supérieure. Le ministère a voulu réglementer les prises de décisions concernant le passage en classe supérieure en le rattachant à la réussite scolaire des élèves (voir mon article « Notation et orientation se tiennent la main »). Mais comment évaluer le plus surement possible cette réussite des élèves ? C’est pourquoi, en 1890 la circulaire non seulement créé la notation sur 20, mais aussi les compositions trimestrielles. Et ce sera notamment sur elles que les moyennes seront calculées.
Mais lorsqu’en 1969 la circulaire d’Edgar Faure supprime la notation et les compositions, la circulaire sur le passage en classe supérieure (et les décisions à l’époque sont prises à la fin de chaque année du secondaire) n’est pas supprimée. Comment dès lors les enseignants de l’époque peuvent-ils réagir à cette double contrainte : s’occuper de pédagogie tout en classant les élèves pour prendre les décisions de passage en classe supérieure, ou orienter les élèves hors du lycée, voir les « remettre aux parents ? Bien sûr c’est la contrainte institutionnelle qui l’emporte, soit le contrôle de la circulation des élèves (qui revient d’une certaine manière à contrôler ses propres conditions de travail). On peut comprendre dès lors le détournement des 5 lettres et bien sûr le retour finalement très vite de la notation sur vingt points.
Remarquons tout de même un effet de cette circulaire d’Edgar Faure finalement contraire à ce qu’il attendait. En supprimant les compositions trimestrielles, il a renforcé le pouvoir d’évaluation de l’enseignant français.
Autrement dit, le système d’évaluation ne peut être réformé seul. La nature de cette évaluation, ses modalités, ses formes, dépendent directement des missions attribuer au système scolaire. En sachant que des missions différentes peuvent et doivent être adressée aux différents étages de notre système scolaire.
PS : ce jour, à lire et à déguster : « Claude Lelièvre : Evaluation : Un ministre et un poète ».