Le développement des informations numériques explique en partie ce changement, mais pas seulement. Le recours plus systématique aux méthodes actives (pédagogie par projet, production collaborative de document …) y est pour beaucoup. D’ailleurs s’il s’agissait seulement d’accéder à des ressources numériques, l’apprenant pourrait rester chez lui. Or les bibliothèques continuent d’être très fréquentées, surtout lorsqu’elles offrent cette possibilité de travailler à la fois individuellement, dans sa bulle, et à la fois avec les autres, en petits groupes.
L’environnement est important pour apprendre et on voit de plus en plus émerger le besoin de disposer d’un tiers lieu pour apprendre, un endroit où un apprenant peut travailler avec les autres sans nécessairement que cela soit encadré par un enseignant ou un formateur. L’expérience des Learning center ou « centre d’apprentissage », qui se développent en France ces dernières années est un bon exemple de tiers lieu.
Le learning center, une bibliothèque augmentée et une communauté d’apprentissage
L’expression « learning center » (ou « learning centre », littéralement « centre d’apprentissage ») est apparue dans les années 90 dans les pays anglo-saxons et les pays nordiques pour désigner un nouveau type de bibliothèques universitaires. Un learning center est un lieu pour l’apprentissage et l’acquisition des savoirs où l’individu se confronte à la connaissance sous des formes multiples, avec la médiation potentielle de personnels éducatifs (enseignant, bibliothécaire, médiateur, conférencier,…) mais aussi un lieu de vie, ouvert, favorisant l’échange ! C’est la diversité des modalités d’accès, physique et numérique, associées à leur facilité d’usage (disponibilité, ergonomie des espaces et des outils, ouverture horaire…) qui définit la qualité d’un learning center.
Comme l’explique Mireille Lamouroux, dans l’article « le learning center : pour apprendre à l’ère du numérique », c’est « un lieu dynamique, qui stimule l’acquisition des connaissances en donnant aux étudiants des moyens d’effectuer des recherches, de collaborer, d’échanger leurs points de vue et de consulter les personnes susceptibles de leur apporter une aide ».
Une sorte de « bibliothèque augmentée » en quelque sorte, mais pas seulement : un lieu centré sur l’apprenant, avec une offre de services qui s’oriente de plus en plus vers des démarches d’accompagnement à la construction de connaissances, et d’aide à l’appropriation de l’information.
Un aménagement favorable à l’apprentissage
L’aménagement du lieu est fondamental pour permettre différentes formes d’apprentissage. Différents espaces doivent coexister : zones de silence pour le travail individuel au calme, salles de travail en groupe, espaces de détente. On doit pouvoir y travailler dans le calme lorsqu’on le souhaite, y rencontrer ses pairs ou des personnes ressources (médiateurs, enseignants, chercheurs,..), et pouvoir échanger avec eux de manière formelle ou informelle. Et c’est cette « communauté » qui va permettre une appropriation des connaissances.
Et l’architecture intérieure (éclairage, acoustique, choix du mobilier) joue aussi un rôle. Parmi les exemples les plus connus de learning center en France, on peut citer lilliad, le learning center de Lille 2 ou encore celui de l’université Toulouse 1. Ces espaces vont par exemple mobiliser un tutorat individuel pour l’usage de base de données, des cloisons mobiles insonorisantes, des espaces à deux places pour tutorat entre pairs, ou des ateliers avec du mobilier sur roulette ou modulable, différents types d’écran, des canapés près des collections, des sièges ergonomiques… et un espace très ouvert sur l’extérieur, par des grandes baies vitrées d’une part, mais avec parfois la possibilité de sortir les ouvrages ou les revues et d’aller travailler sur la pelouse quand il fait beau ! Enfin et surtout, le coin café ou la cafétaria constitue un incontournable pour converser et faire des rencontres. Et même un espace pour faire la sieste !
Un learning center dans une université du Texas
Le design intérieur d’un learning center à Hong Kong
On peut en savoir plus sur ces nouveaux centres d’apprentissage et sur la manière dont ils sont agencés dans la conférence de Cécile Gardiès, professeure de Sciences de l’information et de la communication et Isabelle Fabre, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication, École nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole (ENSFEA).
Un « troisième lieu » ou « tiers lieu » pour créer une communauté d’apprentissage
Les sociologues y expliquent notamment comment ces espaces vont constituer ce que l’on appelle un « troisième lieu » ou « tiers lieu », un lieu physique neutre, qui permet l’interaction, la médiation entre les usagers, sans faire de différence entre les personnes. Un lieu partagé quotidiennement, intégré dans leur environnement, où l’on peut discuter, rencontrer des habitués, s’amuser ou adopter un profil bas ; bref une sorte de « second chez soi » où l’on va développer un sentiment d’appartenance. Selon les auteures, le learning center offre un moyen d’émancipation des usagers : « l’expérience proposée dans ces espaces potentiels est un processus d’apprentissage essentiel, d’adaptation créative à son environnement ».
En 2009, un rapport de l’Inspection générale des bibliothèques rédigé par Suzanne Jouguelet avait déjà pointé l’intérêt de développer ces learning center pour créer une communauté d’apprentissage : « les learning center mettent également l’accent sur l’appropriation communautaire des connaissances et l’assistance à l’usager. Largement ouverts, tournés vers l’usager, les learning center rassemblent différents services, dans une logique de guichet unique ».
S’il n’est sans doute pas envisageable de créer des Learning center dans tous les centres Cnam, il peut être intéressant de réfléchir à des espaces aménagés permettant à la fois de s’isoler pour travailler quand on a envie de travailler seul, mais aussi de travailler en groupe pour répondre aux attentes de la pédagogie par projet, ou de rencontrer ses pairs et la communauté enseignante pour être accompagné dans son processus d’apprentissage. Un lieu de vie et de travail convivial, où l’on a plaisir à se retrouver et à échanger, au service de l’apprentissage et de la créativité en quelque sorte…
L’alchimie des tiers lieux
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(1)Le living lab SOFA est un « laboratoire vivant », un lieu d’observation et d’expérimentation des pratiques et des usages socio-éducatifs du numérique.
Son objectif est d’anticiper les nouveaux usages associés aux mutations technologiques numériques et de participer à l’innovation pédagogique dans l’offre de formation du Cnam. A ce titre, le living lab SOFA est un des éléments constitutifs du Schéma Directeur du Numérique du Cnam national. https://living-lab.cnam.fr/index.php/qui-sommes-nous/
Dernière modification le mardi, 20 novembre 2018