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Publié par Eric Bruillard et Thérèse Laferrière" sur Theconversation.com : Dans les petites écoles, il y a plein d’activités qui méritent d’être partagées ", rappellent les élèves du village de Jenzat, dans l’Allier, au seuil du MOOC sur les « classes éloignées en réseau », produit en 2018 par l’Université Sorbonne Paris-Cité. Voilà qui pourrait être la devise de ce dispositif inventé dans les années 2000 au Canada. Devant faire face aux besoins d’une multitude de petits établissements dispersés sur un vaste territoire, le Ministère québécois de l’Éducation s’est alors demandé comment profiter de l’essor du numérique pour assurer l’égalité des chances entre les élèves.

Et si, plutôt que de distribuer les mêmes ressources pédagogiques aux écoles, on les amenait à travailler ensemble pour s’enrichir de leurs différences ? C’est la vision de l’école en réseau(ÉER) qu’a proposée le centre de transfert de connaissances sollicité, soit le CEFRIO (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication), après avoir fait appel au centre de recherche et d’intervention CRIRES (Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire).

Un dialogue entre les classes

Une fois réglées les questions pratiques, de l’installation d’une bande passante suffisante à l’appropriation des modes d’emploi techniques par les intervenants, le numérique a bel et bien permis d’étoffer le cadre quotidien des élèves. D’abord, les enseignants ont pu mutualiser des contenus réalisés en commun (Darling-Hammond, 2017 ; Voogt et coll., 2015) et s’appuyer sur une équipe de soutien. Grâce à un système de vidéoconférence, ils la sollicitent pour un jumelage avec une ou d’autres classes, un conseil ou une vérification technique, un échange pédagogique, un projet à monter.

En effet, là où l’ÉER du Québec se démarque, c’est dans l’effort qu’elle met à placer les élèves d’écoles séparées par de grandes distances géographiques dans des échanges et créations de contenus, dont la co-élaboration de connaissances. S’appuyant sur la curiosité naturelle des élèves, il s’agit par exemple d’inciter une classe à formuler des questions essentielles, en sciences ou en histoire, par exemple, pour les soumettre à leurs camarades d’une autre école. Guidés par leur enseignant, ceux-ci devront alors mener une démarche d’enquête pour trouver des éléments expliquant comment les avions volent, ou pourquoi l’orthographe des mots change au fil des époques…

Puis, il leur faudra trouver les mots justes pour restituer leurs recherches à leurs correspondants. Le caractère dynamique de collaboration et de recherche qu’engendre l’ÉER donne à la notion de réseau son sens plein, celui qui permet à chaque participant de confronter sa pensée à celle des autres. Il s’agit de privilégier un avancement collectif d’un savoir, plutôt qu’un apprentissage individuel, au travers de l’élaboration d’un discours progressif, avec un recours constant à l’écriture.

Du Québec aux écoles d’Auvergne

Inspirée par l’expérience québécoise, consciente de la nécessité de trouver des solutions afin d’assurer la qualité de la formation lorsqu’un environnement d’apprentissage appauvri menace certaines écoles de village de fermeture (CEFRIO, 2011, p. 7), l’académie de Clermont a décidé en 2016 de lancer une version auvergnate de l’école éloignée en réseau. En effet, l’académie, avec ses petites écoles de moyenne montagne, pouvait bénéficier de l’apport du numérique de manière similaire à ce qui avait été développé au Québec.

Dans un premier temps, des écoles se sont portées volontaires pour développer des projets incluant des outils numériques et travailler en réseau, autour de la géométrie ou d’apprentissages lexicaux notamment. En alternant des séances en classe et d’autres en ligne, quatre classes ont ainsi travaillé sur « les verbes de parole », pour discuter ensemble de leurs définitions, explorer la palette de synonymes disponibles ou faire émerger les nuances entre des termes comme « marmonner » ou « ronchonner », par exemple.

Pour rendre visible à un large public (enseignants, parents, élus) des activités possibles entre élèves, nous avons lancé un MOOC en mai dernier. L’objectif était de faire l’expérience d’un dispositif ouvert entre classes d’écoles isolées et de réfléchir aux bénéfices et aux problèmes posés par la mise en place de travaux collectifs d’élèves via les réseaux, réactivant d’une certaine manière les correspondances de classe dans un contexte technologique contemporain.

S’ouvrir à d’autres environnements

D’abord, nous avons demandé aux élèves de présenter leur école. C’est ce qu’ont fait des élèves de Jenzat pour le teaser du MOOC. Puis, toutes les classes ont conçu des énigmes pour les autres classes sous forme de texte (« Les cristaux que l’on peut retrouver dans l’eau d’érable ont-ils des formes similaires aux cristaux de neige ? »), d’images, de montage vidéo… À charge pour les autres de les résoudre.

En plus des activités robotiques (avec la présentation finale d’un ballet de robots et un concours), une galerie de photographies a été initiée, à partir de cette consigne : « Sur le chemin de ton école, choisis quelque chose de spécial que tu prendras en photo pour le montrer à tous les autres participants du MOOC ».

Le MOOC, visant un public international francophone, a réuni des classes de différentes régions de France, du Québec et de Tunisie. Outre les activités destinées aux classes et aux élèves, un espace a été dédié aux enseignants, aux formateurs, à l’équipe éducative des classes, ouvrant à des présentations et des discussions sur les différents sujets liés à l’école éloignée en réseau (collaboration, pédagogie de l’enquête, ergonomie cognitive…).

Si le MOOC réalisé est certainement un très bon pilote et permet de montrer ce qu’il est possible de faire (alors que beaucoup ont du mal à imaginer ce qui est possible), son succès est mitigé : une participation encore trop timide montrant la difficulté du terrain à prendre en main les opportunités offertes. Du temps semble encore nécessaire pour favoriser l’appropriation de dispositifs qui peuvent au démarrage compliquer la gestion scolaire.

Des bilans très encourageants

Avec le temps, revenant au Québec, les partenaires de l’ÉER ont élargi la nature des activités qui s’y déroulent (figure 1).

 

Des collaborations se mettent petit à petit en place en France, et une aide de la DNE (direction du numérique pour l’éducation) a été obtenue pour documenter le dispositif mis en place. Toutefois, il y a plus de recul pour l’opération québécoise. Si le principe de collaboration rompt avec la forme scolaire conventionnelle (un maître/une classe), il s’appuie sur des résultats de recherche qui démontrent, d’une part, l’intérêt qu’il y a à miser sur l’amélioration de la compréhension écrite pour la réussite scolaire et, d’autre part, la pertinence, à cette fin, du Knowledge Forum (KF)/Forum de co-élaboration de connaissances (FCC) – l’outil d’écriture collaborative adapté à ces activités.

Doublement constituée, l’école en réseau repose sur une relation dynamique entre technologie et agentivité. Ce sont les enseignants, agents autonomes, qui vont se saisir d’opportunités potentielles d’innovation, de nouvelles façons de structurer et de mettre en œuvre l’activité d’enseignement dans la communauté qui est la leur.

Dans son plan d’action numérique (2018), le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a choisi de soutenir la poursuite du déploiement des écoles en réseau. Un exemple à suivre en France ?

Article publié sur le site : https://theconversation.com/avec-les-classes-eloignees-en-reseau-les-ecoles-rurales-jouent-collectif-107553
Auteur : Eric Bruillard, Enseignant-chercheur, Université Paris Descartes – USPC
Thérèse Laferrière, Professeure en sciences de l'éducation, Université Laval

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Dernière modification le mardi, 08 janvier 2019
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