« Pour passer à la distance : il faut tout reprendre à 0 ! », il faut « passer à la formation à distance.
Car, les systèmes de Formation A Distance (FAD) mis en place par les institutions spécialistes comme la Télé-Université au Québec, le CNED en France ou l’Open-University britannique, c’est autre chose que l’enseignement à distance. Il s’agit de donner une place centrale à l’apprentissage et non plus seulement à l’enseignement. Je dirais même, c’est un autre monde ! Le billet de France Henri en a déjà parlé. Cela ne veut, bien entendu, pas dire que l’on ne peut rien tirer de leur expertise. Tout au contraire !
Aujourd’hui, il est question pour chacun-e d’entre nous de transformer nos « enseignements » qui se faisaient le plus souvent en présence des étudiant-e-s en créant un environnement d’« apprentissage » totalement à distance. Pour garder une bonne qualité de notre enseignement, il s’agit d’y greffer la conception de l’« activité d’apprentissage », l’activité que l’étudiant-e devra mener, par lui-même, pour apprendre et l’activité que nous devrons mener comme enseignant-e pour l’ « accompagner » dans cette nouvelle manière de faire.
Comment faire ? Cela, signifie-t-il tout recommencer à zéro ?
Je dirais que non, pas tout à fait, mais ce n’est pas une fake news ! Chacun-e tente de concevoir, en effet, en urgence un « enseignement à distance ».
L’enseignement habituellement réalisé en présence nous sert de référence. La liste des solutions techniques apportées en témoigne, puisque les outils mis à disposition servent essentiellement à mettre en ligne l’activité de l’enseignant-e : production de vidéos pour les cours ex-cathedra, forums pour les échanges de questions-réponses, etc. Cependant, il s’agit d’aller plus loin et de commencer avant de penser notre activité, de penser d’abord celle de l’apprenant ou de l’étudiant.
Pour moi, passer à la distance, c’est justement l’occasion d’analyser ce que nous faisions en présence pour aller un peu plus loin. C’est l’occasion de formaliser, d’expliciter ce que nous proposons à l’étudiant pour apprendre. C’est l’occasion de repenser sa propre activité et la manière dont notre enseignement peut la soutenir autrement dit de repenser les fonctions pédagogiques.
Fonctions pédagogiques ! N’arrêtez pas ici votre lecture : ce n’est pas du jargon. Cela renvoie à ce que chaque enseignant-e fait ou non dans le cadre de son cours : gérer le cours (c’est-dire donner des indications quant à son organisation, le lieu, l’horaire, les délais de remise de travaux, etc..) ; transmettre (c’est-à-dire mettre à la disposition des étudiant-e-s un savoir structuré et accessible pour elles et eux sous la forme de textes, de conférences médiatisées ou non) ; accompagner les étudiant-e-s dans leurs apprentissages quant à la construction de connaissances par l’échange ou le débat ; quant à leurs méthodes d’apprentissage par des consignes ou la proposition d’activités ; quant à leur engagement, par la prise en compte de leurs attentes ou de leurs difficultés ; proposer aux étudiant-e-s de produire des connaissances sous la forme de travaux, de projets, d’analyses et pour ce faire de collaborer ou non. Enfin l’enseignant-e est amené à évaluer les apprentissages sous diverses formes (examens écrits oraux, travaux à rendre, etc..) et à donner des feedbacks et, enfin, à évaluer son enseignement.
Chacune de ces fonctions pédagogiques peut être prise en charge à distance par les plateformes comme MOODLE.
Sachant que pour certaines disciplines le support technique sera plus ou moins bien adapté : réaliser un laboratoire à distance ou une analyse de texte, par exemple, seront difficiles à mettre en place. Ces défis technopédagogiques, les institutions entièrement à distance les ont relevés. Mais, pour une université traditionnelle, la situation est complètement différente.
Cependant, pris par l’urgence de la situation, nous n’avons pas le temps de mettre en place la structure organisationnelle d’une université à distance. Nous devons travailler avec les moyens du bord et devons essayer d’être créatifs. Il s’agit d’analyser ce que nous faisons déjà et de repérer comment nous allons prendre en charge à distance les fonctions pédagogiques essentielles et soutenir l’apprentissage de nos étudiant-e-s. Le vadémécum proposé par le centre de didactique universitaire de l’Université de Fribourg (Dida@ctic) offre un reflet simple de cette démarche : dans la colonne de gauche, la forme de notre enseignement habituel, dans la colonne de droite les solutions « technopédagogiques » qui s’offrent à nous.
Et si l’on veut aller plus loin, comme le font tous les enseignant-e-s à distance ? Il faut se mettre dans la peau de nos étudiant-e-s qui doivent apprendre seuls, à distance, et penser notre enseignement en proposant les activités d’apprentissage à réaliser et rester à côté d’eux ou d’elles. Un changement de perspective en quelque sorte.
Professeure à l'Université de Fribourg, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Ses publications sur le sujet
Balacheff, N. (1992). Exigences épistémologiques des recherches en EIAO. Revue d’Ingénierie Educative, 1992, 4/5, pp.4-14.
Charlier, B., Daele, A., & Deschryver, N. (2002). Vers une approche intégrée des technologies de l’information et de la communication dans les pratiques d’enseignement. Revue des sciences de l’éducation, 28(2), 345‑365. https://doi.org/10.7202/007358ar
Charlier, B. (2017). Enjeu pour la formation des adultes : (Re)connaître l’Individu Plus. Raisons educatives, N° 21(1), 45‑60.[2] https://www.cairn.info/revue-raisons-educatives-2017-1-page-45.htm
Charlier, B., & Henri, F. (2010). Apprendre avec les technologies. Presses Universitaires de France ; Cairn.info. https://www.cairn.info/apprendre-avec-les-technologies–9782130575306.htm
Licence : CC by-nc-sa
Article publié sur le site : https://www.innovation-pedagogique.fr/article6849.html
Auteur : Bernadette Charlier