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Article publié sur le site https://www.les-infostrateges.com : L’intransigeance des éditeurs a conduit la communauté scientifique à chercher des solutions alternatives pour faire circuler l’information plus librement. L’absurdité du système fut atteinte lorsque les grands organismes publics de recherche ont constaté qu’ils devaient racheter les droits d’exploitation de leurs propres chercheurs pour intégrer leurs publications dans leurs intranets… Dans ce milieu, la circulation de l’information prime, l’intérêt des auteurs est plutôt d’être mieux connus que mieux rémunérés. Et dans certains secteurs, ce sont les auteurs – ou leurs laboratoires – qui paient les revues pour être publiés…

Des solutions ont été imaginées pour utiliser le droit d’auteur contre le droit d’auteur – expression déjà usitée dans le cadre du mouvement, très proche, des logiciels libres. Il s'agissait de mettre en place des actes de cession gratuite des droits d'auteur, assortie de certaines conditions de libre usage. Ce mouvement est aujourd’hui connu sous le nom générique d’Open Acces ou accès libre.

Les licences qui ont été conçues dans ce cadre sont les Creative Commons (communautés créatives). Elles ont été publiées le 16 décembre 2002. Comme leur nom le suggère, il s’agit de partager des créations intellectuelles. Ce système se répand à grande vitesse et déborde du cadre de la recherche scientifique pour atteindre toutes les zones où le partage de savoirs l’emporte sur des intérêts commerciaux. De plus en plus de sites web, notamment d’information professionnelle, adoptent ainsi une des licences Creative Commons.

Un acte de cession à part entière

Une licence Creative Commons est un acte de cession par lequel l’auteur cède à l’avance une partie de ses droits d’exploitation sur ses œuvres dans les conditions et limites de la licence attachée à celles-ci. Le droit d’auteur ou le copyright (selon les pays d’origine) n’est pas gommé ; l’auteur utilise sa faculté de céder librement des droits d'exploitation sur ses œuvres pour mettre celles-ci à la disposition de la collectivité. Lorsqu’un site web se place sous l’empire d’une de ces licences, il précise les droits dont disposent les visiteurs pour réutiliser les œuvres de ce site. Le seul fait de capturer certaines des ressources du site vaut acceptation des conditions de cession proposées. L’usager ne peut passer outre les limites d’usage concédées.

Ce système s’est élaboré dans les pays anglo-saxons, où règne le copyright. Il existe actuellement des versions de ces licences dans de nombreuses langues, acclimatées dans un grand nombre de pays.

Sécurité du système

Rappelons qu’il n’existe pas de moyens de contrôle dans le contexte actuel du droit d’auteur ou du copyright (selon les pays). Il n’est ainsi pas rare de retrouver mot pour mot des pans entiers de textes d’un site web à l’autre sans que soit en rien mentionné « le nom de l’auteur et la source », et qui dépassent de loin l'exception de courte citation… En outre, une licence Creative Commons n’empêche pas de mettre en œuvre des procédures de traçage des œuvres pour contrôler si les réutilisations sont conformes aux droits ainsi cédés. Des outils existent sur Internet pour retrouver des textes d’auteur. Le système introduit en outre une nouvelle sécurité : les auteurs qui le souhaitent ont la possibilité de préciser jusqu’où et comment on peut réutiliser leurs créations.

La compatibilité au droit d'auteur à la française

Ce système, issu du monde du copyright est-il compatible avec le droit d’auteur français ou continental ? En système de copyright, contrairement à une idée reçue, le droit moral existe (respect du nom de l’auteur, intangibilité de son œuvre), au moins depuis 1989, tout comme en système de droit d’auteur. En droit français ce droit est inaliénable ; l’auteur ne peut donc rien en céder. Or certaines licences Creative Commons envisagent l’autorisation de modifier l’œuvre.

L’opposition est plus théorique que réelle en pratique. Le droit moral est déjà sérieusement écorné en droit français puisqu’il est limité par la loi pour la création de logiciels et pour les agents publics et que certains métiers l’ignorent largement par nécessité fonctionnelle (le graphiste du logo d’une entreprise admet souvent que son logo évolue dans sa forme avec la vie de l’entreprise sans qu’il ait son mot à dire : c’est pourtant une atteinte à l’intégrité de son œuvre). Et la jurisprudence admet que l’auteur puisse renoncer sous certaines conditions à ce droit de modification de son œuvre. Par deux fois, la justice d'États de l'Union européenne a reconnu la validité d'une licence Creative Commons pour l'appliquer dans un contentieux où un utilisateur avait outrepassé les droits concédés par la licence choisie par l'auteur, en Espagne et aux Pays-Bas.

Un aménagement standard

En matière de web, bien des sites utilisent déjà des systèmes proches des Creative Commons ; leurs mentions légales le prévoient : acte de cession d’une partie des droits d’auteurs des œuvres présentes sur le site. Pourquoi dès lors se placer sous l’aile de licences Creative Commons ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’un aménagement standard dont les conditions ont été étudiées et homogénéisées dans des clauses sans surprise puisqu’elles sont toujours les mêmes, quel que soit les pays où elles sont acclimatées. Tout le monde s’y retrouve, et un seul coup d’œil suffit à repérer les droits cédés grâce à un jeu de pictogrammes (cf. ci-dessous). C’est donc plus commode que de devoir lire à chaque fois des conditions en ligne plus ou moins bien rédigées et lisibles.

Un balisage et des clauses normalisés

Le système de licence Creative Commons, lancé en 2002, tourne autour de quatre grandes clauses que l’auteur peut choisir d'adopter ou pas. Ils sont repérés par des pictogrammes qui facilitent la lecture rapide des conditions, accompagnés d’un rappel succinct des droits cédés.

 Paternité : l'auteur entend voir apparaître son nom dans toutes les exploitations de son œuvre (droit au respect de l'auteur).

 Pas de modification : l'auteur n'autorise pas de modification de son œuvre (droit au respect de l'œuvre).

  ou  Pas d'utilisation commerciale : l'œuvre ne peut être utilisée à des fins commerciales.

 Partage dans des conditions identiques à celles initiales : la reprise de l'œuvre ne peut s'effectuer que dans des conditions identiques à la cession initiale.

Cette dernière condition est dite contaminante : elle impose que les conditions de cession initiale soient respectées tout au long de la chaîne de cessions. Si par exemple, l'œuvre peut être modifiée mais non commercialisée, les réutilisations ultérieures ne pourront interdire de nouvelles modifications mais ne pourront toujours pas autoriser la commercialisation.

Le jeu de licences Creative commons

Combinant les diverses autorisations ou interdictions décrites ci-dessus, six contrats standard ont été élaborés. Ils sont disponibles en plusieurs langues dont le français. Le tableau suivant montre les combinaisons proposées.

Paternité    
Paternité
Pas de Modification
 
Paternité
Pas d'Utilisation Commerciale
Pas de Modification
Paternité
Pas d'Utilisation Commerciale
 
 Paternité
Pas d'Utilisation Commerciale
Partage des Conditions Initiales à l'Identique
 
Paternité
Partage des Conditions Initiales à l'Identique
 
 

Mise en œuvre

Lorsqu’il souhaite utiliser ce genre de licence, un auteur appose sur son œuvre le symbole CC qui s’oppose au célèbre © issu de la convention de Genève (article III,1) et qui indique une protection totale par le droit d’auteur ou le copyright, selon le pays. Le nouveau symbole est disponible dans un logo rappelant que certains droits sont réservés :

 en anglais ou  en français

Lorsque les licences sont utilisées sur des sites web, ces logos portent en général un lien vers le résumé du contrat qui mentionne rapidement quels droits sont réservés au côté des pictogrammes. Ce résumé pointe lui-même vers le « contrat » intégral correspondant.

La septième licence : le domaine public

La licence CC0, dénommé Public Domain ou domaine public, a été lancée officiellement par l'organisation Creative Commons le 11 mars 2009. Beaucoup de législations nationales ne permettent pas à l'auteur de mettre volontaire leur œuvre dans le domaine public, c'est-à-dire d'abandonner volontairement à totalité de leurs droits, y compris le droit au respect de leur nom. C'est notamment le cas de la France. Dans notre pays comme dans toute l'Union européenne une œuvre ne "tombe" dans le domaine public qu'à l'issue d'un période de 70 années civiles après celle de la mort de l'auteur. Depuis la création de cette 7ème licence, l'auteur peut donc décider de mettre son œuvre dans le pot commun du patrimoine intellectuel mondial sans rien revendiquer de sa paternité ou de sa propriété.

En pratique...

Une nouvelle liberté documentaire

L'utilisation de ressources sous licence Creative Commons peut paraître séduisante en information-documentation, d'autant plus que les sources sous ces licences ne manquent pas sur internet. Il convient cependant de rester prudent, les auteurs de sites personnels notamment, et plus encore les titulaires de compte sociaux, ne sont pas forcément au fait des subtilités du droit d'auteur. Voici quelques exemples vus sur le net.

Danger des soi-disant ressources sous licence Creative Commons sur internet

Sur Flickr.com, mais aussi sur beaucoup d'autres sites personnels, on peut ainsi voir de nombreuses photos déclarées sous licence Creative Commons, incluant souvent le droit de modifier l'œuvre, donc de retoucher les photos ou de les recadrer. Un rapide examen de ces photos fait apparaître deux incertitudes qui risquent de rendre leur réutilisation pour le moins dangereuse juridiquement :

  • Les photos publiées appartiennent bien au titulaire du compte Fickr qui les à mises en ligne, et en est donc l'auteur.
  • Mais on découvre rapidement que les photos engendrent d'autres droits dont il faut impérativement disposer pour une réutilisation licite :
  • Des personnes sont visibles et reconnaissables sur les images, supposant l'accord écrit des personnes ;
  • Les photos représentent à titre principal des œuvres artistiques (sculptures, architecture) non tombées dans le domaine public, supposant là aussi des accords spécifiques.
  • Les photos publiées ne sont pas celles du titulaire du compte. Par exemple, il a voulu faire partager son admiration pour telle grande actrice américaine. Il a donc collecté toutes les photos de la star glanées sur internet et les a réunies dans un dossier sur son compte Flickr et – par bonté d'âme – il a décidé de toutes les publier sous licence CC. Le seul écueil est que, n'étant ni auteur des photos, ni cessionnaire des droits des photographes, ces images sont publiées en contrefaçon.

En d'autres termes, faire aveuglément confiance en la mention de licence CC est pour le moins dangereux et il est préférable dans bien des cas de s'abstenir de tels emprunts et chercher ailleurs des illustrations moins sujettes à caution.

À retenir

Les licences Creative Commons facilitent l’accès à la connaissance pour tous, si important dans le domaine de l’information professionnelle et scientifique. La sacro-sainte protection du droit d’auteur si longtemps détournée au profit des éditeurs est désormais détrônée. Les auteurs désireux de se faire connaître et de partager leurs connaissances s’engouffrent dans cette brèche. L’auteur a retrouvé son droit le plus noble, celui de diffuser librement son savoir, ou même ses œuvres en tout anonymat avec la licence Domaine Public.

Suivez ci-dessous la synthèse vidéo réalisée pour Archimag par Clémence Jost sur la chaîne Youtube de la revue, inspirée de notre article dans sa version de 2020, publié dans le Guide pratique Droit de l'Information..

Sources

Site des licences Creative Commons : https://creativecommons.org/
Version française du site : https://creativecommons.org/licenses/?lang=fr-FR
Pour la licence CC0 : https://creativecommons.org/publicdomain/zero/1.0/deed.fr

Article publié sur le site : https://www.les-infostrateges.com/article/les-licences-creative-commons-une-nouvelle-liberte-pour-linformation-scientifique-et-professionnelle

Dernière modification le lundi, 19 septembre 2022
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