Elevés au rang de mythes
Dans une atmosphère feutrée de salons de collectionneurs, des tableaux souvent issus de la peinture dite Troubadour ou de genre anecdotique racontent les épisodes de vie des icônes de la Renaissance. Au XIXe siècle, la republication de l’ouvrage Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari (1511-1574), rédigé au milieu du XVIe siècle, connaît un succès considérable. Les artistes s’emparent d’événements biographiques souvent inventés sur leurs illustres modèles pour réaliser des productions iconographiques, des œuvres littéraires, des opéras. Les grands maîtres de la Renaissance fascinent et sont élevés au rang de mythes. Les tableaux narratifs répondent à la curiosité du public qui prend plaisir à découvrir ces réinterprétations picturales.
Fra Angelico da Fiesole (1844) de Michel Dumas (1812-1885) introduit l’exposition. Très pieux et en larmes, le moine-peintre du XVe siècle ne parvient pas à peindre le sang du Christ en Croix. La composition met le spectateur au plus près du désespoir de cette figure de la pré-Renaissance.
Le sujet de l’atelier est privilégié par les peintres du XIXe siècle qui sont probablement en quête des secrets de la création, et d’un effet miroir de leurs propres pratiques et conditions d’artiste. Léonard peignant la Joconde (1863) de Cesare Maccari (1840-1919) dévoile les coulisses du célèbre tableau du Musée du Louvre.
Jean-Louis Ducis (1775-1847) propose une scène d’un amour contrarié de la sculptrice Properzia de’ Rossi (1490-1530). Seule femme artiste sur les quelques cent trente biographies réunies par Vasari, elle montre à l’homme qu’elle aime un bas-relief, avant d’arrêter définitivement la sculpture. Cette image est reproduite sur un vase en porcelaine. Ces iconographies permettent d’aborder les intrigues amoureuses très en vogue au XIXe siècle.
D’autres œuvres traitent de la précocité du talent. Pierre-Henri Revoil (1776-1842), un des plus importants peintres du style Troubadour, revient sur la rencontre entre Cimabue (1240-1302) et Giotto (1266-1337), enfant-berger dessinant sur le sable prédestiné à devenir le rénovateur de la peinture.
Raphaël, Michel-Ange et Léonard
Le tableau de Dionigi Faconti (1826-1865) sur la genèse de La Vierge à la chaise (1515) de Raphaël (1483-1520) a pour origine un conte publié en 1820. Toute une section est consacrée à « l’artiste amoureux ». La Fornarina – la boulangère -, figure de la mythologie raphaélesque, apparaît dans des tableaux.
Autre séquence émouvante, la recherche des sensations perdues de Michel-Ange (1475-1564). Devenu aveugle à la fin de ses jours, il est porté par un jeune homme jusqu’au Torse du Belvédère.
L’exposition traite de la reconnaissance de l’artiste à la période de la Renaissance. Le tableau d’Alexandre Cabanel (1823-1889) a pour sujet une visite de l’atelier de Michel-Ange par le Pape Jules II (1443-1513). Cet important mécène apparaît en retrait, entrant humblement. Le parcours met en comparaison les personnalités de Raphaël, peintre sociable et lumineux, et de Michel-Ange qui se fâche avec des commanditaires dont Jules II qui ne lui en tient pas rigueur.
Les Derniers moments de Léonard de Vinci, esquisse de 1835 de Jean Gigoux (1806-1894) – sujet également traité par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) - montrent l’affection et l’estime réciproque entre Léonard de Vinci (1452-1519) et François 1er dont le règne de 1515 à 1547 favorise un renouveau artistique et culturel. Les décors sont précis, les costumes en accord avec leur époque, et le portrait de François 1er est proche de celui réalisé en 1538 par Le Titien (1488-1576), mais le récit de la mort de Léonard est erroné.
Le souverain comme Raphaël, Michel-Ange et Léonard, a une section consacrée à son rôle dans le rayonnement de l’art. Collectionneur, mécène, protecteur des artistes, il est représenté en Roi de terrain consultant des plans, entouré d’humanistes et de poètes, visitant des ateliers.
Le parcours se conclut sur le céramiste français Bernard Palissy (1510-1589). Prêt à tout pour créer, il jette ses meubles pour alimenter son four de potier. Artiste oublié – Huguenot convaincu, savant -, il est redécouvert au XIXe siècle et entre dans la légende en pleine période Romantique.
Fatma Alilate
Exposition Passion Renaissance, Légendes d’artistes au XIXe siècle
Crédits photo :
Musée des Beaux-Arts - Draguignan
9, rue de la République
83300 Draguignan
Téléphone : 04 98 10 26 85
Commissariat : Grégoire Hallé, commissariat scientifique ; Yohan Rimaud, commissariat général
Jusqu’au 23 mars 2025
Dernière modification le jeudi, 02 janvier 2025