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Grands groupes comme PME du secteur du BTP sont entrés dans une phase de digitalisation avancée. Ces entreprises développent leur écosystème et leurs outils numériques, à commencer par la formation en interne. Objectif : gagner en cohérence et donc en efficacité.

Le BTP recrute. Mais pas seulement. Ces dernières années, le secteur de la construction a mis un coup d’accélérateur sur la formation de ses collaborateurs et compagnons, en interne, tout au long de leur carrière.

Aux formations traditionnelles en présentiel viennent désormais s’ajouter des outils numériques qui offrent flexibilité, personnalisation et efficacité aux équipes d’encadrement. Le secteur du BTP, autrefois pointé du doigt pour sa lenteur à s’adapter aux nouveaux usages numériques, est aujourd’hui sur de bons rails. Et les besoins sont énormes, poussés par la transition énergétique et les grands chantiers comme celui du Grand Paris Express (GPE) ou ceux des Jeux olympiques prévus en 2024.

Le Covid-19, accélérateur de la digitalisation

Pour de nombreuses entreprises, la crise sanitaire de 2020 a constitué une formidable opportunité de développement de leurs outils numériques.

« Les lieux de travail se digitalisent et cette tendance s’est particulièrement accélérée avec la pandémie, obligeant l’offre du coaching à s’adapter face à une demande des entreprises très forte, avance Boris Allanic, vice-président France chez CoachHub. La transformation digitale permet des approches de formation plus flexibles et plus souples, mais elle implique une certaine adaptation de la part des entreprises. Bien que conscientes de cette nécessité, elles sont pour autant très en retard dans le passage à l’apprentissage digital – notamment dû à une méconnaissance de l’offre. Parmi les formations les plus innovantes accessibles : les Universités d’entreprise digitales, le Mobile learning, la Gamification et le Social learning. »

Les universités d’entreprise sont en effet devenues un creuset essentiel de la formation des salariés, surtout dans les grands groupes. Par exemple chez Eiffage, l’un des leaders du BTP français et européen, la crise du Covid-19 a boosté l’offre de formations digitales en interne, avec aujourd’hui plus de 150 formations mises à disposition des collaborateurs, comme le souligne Alain Noret, directeur des Ressources humaines de la branche Infrastructures d’Eiffage :

« Au début de cette période, nous ne faisions que des formations en présentiel. Notre offre digitale était relativement restreinte ; depuis, cela a complètement explosé. Aujourd’hui, notre plateforme ‘MyUniversity’ réalise plus de 500 sessions de formation par an, dont environ 30% en distanciel. Cela nous a ouvert des perspectives que nous n’avions pas avant la crise sanitaire. Cela permet par exemple de mobiliser des collaborateurs sur leur chantier alors que nous avions du mal à faire venir à Vélizy. Il n’y a plus d’excuse pour ne plus faire de formation ! Cela nous ouvre aussi de belles perspectives à l’international : certains de nos expatriés regrettaient de ne pas avoir accès aux formations, c’est désormais possible. Nous avons ainsi pu systématiser des parcours de formation. »

Le digital, vecteur nº1 de formation

Les entreprises du BTP sont aujourd’hui incitées à miser sur la formation pour répondre aux clauses d’insertion des grands marchés publics avec, en ligne de mire, la formation des nouveaux embauchés. Selon Georges Etienne-Donisa, responsable de l’unité Emploi et Insertion professionnelle à la Société du Grand Paris (SGP, le donneur d’ordres pour le GPE), « la SGP a inscrit deux clauses RSE dans tous ses marchés attribués à des groupements d’entreprises qui répondent à ses appels d’offres. La première impose que 5% au moins des heures de travail sur les chantiers du GPE soient réservés à des personnes éloignées de l’emploi et éligibles comme les demandeurs d’emploi, les personnes en situation de handicap, les séniors, les individus sous mandat de justice et, enfin, les bénéficiaires du RSA. La seconde prescrit à ces groupements d’intégrer les TPE/PME locales en sous-traitance ou cotraitance à hauteur de 20% de leur marché global. »

Dans le cadre des grands chantiers de la région parisienne – GPE comme Jeux olympiques –, les pouvoirs publics ont ainsi mis en place un observatoire pour mesurer l’impact de ces clauses sur l’insertion professionnelle. Objectif atteint : ces grands projets représentent, en 2022, « 27% des heures d’insertion et 22% des bénéficiaires de ces clauses le sont dans le cadre de ces grands projets de métro et JO. Concrètement, cela représente 2154 bénéficiaires sur un total de 9844 et 1,3 millions d’heures sur 4,83 millions ».

Une fois les compagnons embauchés dans l’une des entreprises du BTP opérant ces chantiers, la formation doit prendre le relais. À tous les niveaux, en commençant par le numérique.

Et parfois, il faut les prendre par la main : certains compagnons n’ont jamais touché un ordinateur ou un smartphone. Pour eux, le groupe Eiffage par exemple a mis en place un programme baptisé Ambition numérique, décliné en 5 modules d’une demi-journée, et destiné à familiariser ces salariés avec l’environnement digital, comme le détaille Alain Noret :

« La démarche du programme Ambition numérique a un impact social important : au-delà de la connaissance acquise, ceux qui ne connaissaient rien au digital – souvent dépendants de leur conjoint ou de leurs enfants – sont extrêmement reconnaissants et valorisés. De plus, cela crée un lien social entre encadrants et compagnons, la dimension humaine dans un cadre d’apprentissage étant très différente des relations professionnelles quotidiennes. Cette approche sous-tend une vraie dimension d’ascenseur social. Cette politique s’inscrit sur le long terme : dans 20 ans, les outils auront probablement évolué, mais la volonté sera la même. »

Dans les entreprises, la formation des compagnons concerne de nombreux domaines, comme les ressources humaines, le management ou la sécurité, enjeu majeur sur les chantiers. Cette formation passe désormais par l’utilisation d’outils digitaux. Chez Razel-Bec, entreprise de génie civil également engagée sur les chantiers du GPE, l’appréhension de la sécurité se fait à travers des formations de terrain couplées aux outils numériques.

« Les actions engagées se corrèlent les unes aux autres dans une dynamique qu’il faut continuer à entretenir, par exemple en formant l’encadrement à l’animation, souligne Daniel Soldini, le directeur Sécurité Santé Sûreté Environnement Qualité chez Razel-Bec. Des progrès ont été enregistrés sur le taux de gravité, à fréquence équivalente, c’est-à-dire que les accidents qui surviennent sont moins graves. Il reste des marges de progrès et il sera plus facile dorénavant de faire adhérer les salariés à des pratiques différentes. » Grâce à la facilité d’utilisation des outils digitaux, l’objectif pour ces entreprises est en effet de créer l’adhésion de leurs salariés à ces nouvelles pratiques.

Les artisans, friands du numérique

Mais dans le BTP, il n’y a pas que les grandes entreprises qui se sont converties aux outils digitaux, les artisans eux aussi prennent le train en marche.

Dernier exemple en date, le lancement en mai dernier de la plateforme digitale de formation Place de la qualif’, initiée par DSC, filiale de Saint-Gobain et spécialiste du génie climatique, du sanitaire et de la plomberie. Cet outil numérique met en relation les artisans et une vingtaine d’organismes de formation, propose plus de 500 formations, et fait suite au précédent programme de l’entreprise, baptisé Cédéo Boost.

« Notre environnement depuis 3 ans est particulièrement mouvant, mais notre stratégie est claire et nous traçons notre route », se félicite Olivier Mercadal, directeur général de DSC. Selon lui, ces outils digitaux « rendent ses clients plus performants », enregistrant « des croissances de 10 points supérieurs aux autres » professionnels du secteur.

Les outils numériques sont aujourd’hui devenus la pierre angulaire de la formation dans le secteur de la construction. Qu’il s’agisse de connaissances basiques comme dans le cadre d’Ambition numérique, de consignes de sécurité ou d’aspects techniques des métiers du BTP, les modules de formation en ligne ont le vent en poupe. Et les premiers bénéficiaires – salariés et compagnons – le savent : acquérir de nouvelles connaissances est le meilleur ascenseur social.

Dernière modification le jeudi, 05 janvier 2023
Dumont Charlotte

Passionnée par les enjeux éducatifs, par tradition familiale (nombreux enseignants dans la famille), par curiosité personnelle (les façons d'apprendre la captivent), et par devoir familial avec mes enfants.