D’autres ont organisé des retraites aux flambeaux ou des nuits des écoles et des occupations d’établissement.
La raison de ces mobilisations tient évidemment à la dernière vague de suppressions de postes dans l’éducation nationale : 14 000 sont prévues pour la rentrée 2012. Comme Nicolas Sarkozy a promis dans cette année électorale qu’il y aurait autant de créations que de suppressions dans le primaire, c’est le lycée qui est plus particulièrement touché cette année. Mais ça n’empêche pas le primaire de souffrir aussi…
Avec notamment, la quasi disparition des RASED, ces enseignants spécialisés dans la difficulté scolaire. Sur un total de 12 000, 2 500 postes devraient disparaître à la rentrée. Sur un plan strictement comptable, ils offrent l’ « avantage” pour les gestionnaires cyniques de ne pas être devant une classe. Leur disparition est donc supposée être moins visibles. Mais les RASED se font entendre et se font voir avec leur gilets fluos qu’ils ont été les premiers à populariser dans les manifs.
Le Monde nous proposeun reportage à Nanterre dans un RASED. Dans Rue89, Sophie V. raconte elle aussi son quotidien de maître spécialisé. Pour Daniel Calin, ancien formateur de RASEDinterviewé par le Monde , les critiques de l’institution à l’égard des Rased ont "quelque chose de culturel : les Rased heurtent le mythe français selon lequel tous les élèves peuvent avancer au même rythme, il suffit de dérouler le programme." "La France sait très bien produire une élite, et sait aussi laisser sur le bord de la route beaucoup d’élèves", explique-t-i.l
Autres personnels qui ne sont pas directement en responsabilité d’une classe : les intervenants en langue.
Les ZEP perdent aussi une bonne partie de leurs moyens. Les établissements classés ZEP bénéficiaient jusque là de classes moins chargées. Les effectifs par classe augmentent et rejoignent presque la moyenne des autres établissements.
Pour les lycées la situation est, elle aussi, très difficile. Les classes sont chargées et les départs en retraite ne sont pas remplacés. On peut même craindre que certains enseignements obligatoires ne puissent être assurés.
Une vidéo tournée dans un lycée de l’Essonne que je connais bienrésume très concrètement la situation….
Pour faire une synthèse de la situation et de l’état d’esprit de nombreux collègues, je vous invite à lirel’excellent tribune d’André Ouzoulias dans le Café Pédagogique intitulée : “École : hâter le printemps ”.
Il dresse un bilan (ou plutôt un réquisitoire) de la politique menée par le gouvenement dans le domaine de l’éducation depuis cinq ans. Retenons ce passage qui dit bien mieux que je ne pourrais le faire ce qu’il faut penser des discours ministériels “Après une saignée de 70 000 postes, les responsables de cette politique répètent à l’envi : « la quantité ne fait pas la qualité », « ce n’est pas en donnant plus de moyens à l’école qu’on lui permet de mieux réussir ». Ces « éléments de langage » des communicants de l’UMP me font irrésistiblement penser à une fripouille qui, ayant dérobé une bourse, dirait à sa victime, comme pour la consoler : « l’argent ne fait pas le bonheur ! »”.
Mais il faut aussi citer le paragraphe suivant qui résume parfaitement la saignée que subit actuellement l’éducation nationale et qui justifie cette mobilisation désespérée : “Mais ces 70 000 postes n’ont pas été ôtés n’importe où. Ils l’ont été dans des secteurs de l’éducation nationale qui, précisément, conditionnent la qualité du service public et la lutte contre l’échec scolaire : les maternelles des quartiers populaires se voient pratiquement interdire d’accueillir les enfants de moins de 3 ans et sont obligées de surcharger les classes des plus grands ; les recteurs sont en train de faire subir aux RASED une nouvelle et indigne saignée ; deux tiers des postes supprimés dans le secondaire le sont dans les lycées professionnels et des établissements de proximité sont rayés d’un trait de plume ; les remplacements sont de plus en plus impossibles à garantir ; la formation initiale des maitres est saccagée, la formation continue est sinistrée, l’éducation prioritaire est décimée… Voyons bien que les premières victimes de ces suppressions de postes, ce sont, hélas, les élèves des milieux populaires, ceux qui n’ont que l’école pour apprendre, tout particulièrement les plus fragiles. Terrible constat ! Qui crierait à l’abandon d’enfants serait-il tout à fait dans l’excès ? ”
Profs Krach ?
Comment dans ces conditions, ce contexte de pénurie et de mépris, être motivé pour choisir l’enseignement ?
Un rapport européen prédit une“grave crise de recutement” dans plusieurs pays européens. L’information est reprise par le journal Ouest France’ et une brève sur le site Educpros. Ce rapport intitulé « Chiffres clés de l’éducation en Europe 2012 », a été remis aux ministres de l’éducation des États membres.
En France, en particulier le nombre des présents aux concours externes de recrutement est en chute libre. Il est passé de plus de 92 000 à moins de 28 000 entre 2004 et 2011. On se préparerait donc à une catastrophe dans les années à venir, alors que la génération des profs du baby boom part à la retraite. Mais cela se vérifie dans d’autres pays. Selon l’enquête, certains Etats, notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche et la Belgique, pourraient connaitre une “grave pénurie” d’enseignants dans un avenir proche. En Allemagne, en Italie et en Suède, presque la moitié des enseignants de l’école primaire sont âgés de plus de cinquante ans.
Va t-on vers un “prof krach” ?”
Démissions
Bien sûr, cette désaffection pour le métier d’enseignant, qui s’explique par les conditions de travail, la rémunération et le prestige associé à la profession, tient aussi à la formation qui leur est proposée.
Trente membres du jury de l’agrégation de mathématiques ont démissionné (soit un quart de l’effectif). Par ce geste, ils entendaient protester contre la réforme de la formation.
Ils ont publié une lettre ouverte (publié sur le blog Sciences2 de Libération) qui détailleles raisons de leur choix. Ils pointent bien sûr la baisse sensible du nombre de candidats. Et imputent cela à la “masterisation” qui “ a été imposée sans aucune concertation, contre l’avis quasi unanime de la communauté éducative ”. Celle ci a eu un effet pervers : “beaucoup des meilleurs étudiants, pour lesquels la deuxième année de master est une ouverture naturelle vers la recherche, ont déserté les préparations à l’agrégation. D’un autre côté, des étudiants moins brillants ont reculé devant la difficulté supplémentaire que représentait le master.” Mais ils dénoncent aussi les conditions de travail des enseignants stagiaires. “l’un des aspects les plus graves de la réforme en cours est l’attribution d’un service d’enseignement à temps plein aux lauréats, juste après le concours. Cette mesure n’a aucune autre justification que l’exigence d’économies budgétaires. Elle a d’ailleurs été désapprouvée par le Conseil d’État. La formation professionnelle est ainsi sacrifiée. Une réforme aurait dû avant tout motiver les étudiants et les mettre dans les meilleures conditions de préparation. C’est exactement le contraire qui s’est produit. ”
Pendant ce temps là, le mercredi 15 février 2012, l’Assemblée nationale a adopté en première lecturela proposition de loi du député UMP Jacques Grosperrin sur l’organisation de la formation des enseignants. En novembre 2011, le Conseil d’Etat avait annulé une partie du texte, invitant le ministère de l’Éducation nationale à rétablir le cahier des charges national initial. Mais la proposition de loi “Grosperrin” fait du zèle car elle prévoit de remplacer l’expression « la formation des maîtres est assurée par les IUFM » par « elle est assurée, notamment, par les universités ». Rideau sur les IUFM… Cependant pour passer, le texte doit à présent être adopté par le Sénat, majoritairement de gauche.
Payer les élèves
A Cincinnati, un programme expérimental d’incitation à aller en cours, avec un budget de 40.000 dollars issu de fonds privés, a été mis en place : chaque semaine, à condition qu’il vienne tous les jours, qu’il arrive à l’heure et qu’il ne perturbe pas la classe, un jeune (autour de 14 ans) recevra 10 dollars, un plus âgé (autour de 16 ans) 25 dollars. Cinq dollars de plus seront déposés par le lycée sur un compte épargne.
"Nous avons des élèves qui ont de mauvais résultats scolaires et peu de chances d’obtenir leur diplôme", a indiqué à l’AFP Ken Furrier qui dirige la Dohn Community High School, une “charter school” (école publique bénéficiant d’une grande autonomie dans sa gestion), "Nous voulons les remettre sur les rails pour qu’ils puissent obtenir leur diplôme", ajoute-t-il, évoquant une population scolaire où neuf élèves sur dix sont pauvres, où un seul sur cinq vit avec ses deux parents, où certains travaillent à temps partiel, et où plusieurs jeunes filles sont déjà mères. "Pour les jeunes des cités, aller à l’école n’est pas une priorité", dit-il, expliquant que nombre de ses élèves viennent épisodiquement, ne peuvent par conséquent pas comprendre le programme quand ils assistent au cours et sont donc encore plus découragés de revenir.
Après l’expérience menée dans des établissements de l’académie de Créteil, le débat resurgit. Comment peut-on payer pour apprendre, alors que dans la représentation majoritaire, le savoir est une richesse et l’apprentissage un acte gratuit ?
Bonnes vacances pour ceux qui y sont et bon courage pour ceux qui n’y sont pas encore …
Bonne Lecture...
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