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La rétrospective consacrée à Erró au cœur des collections du Musée d’Art d’Angoulême est une traversée de son évolution artistique. Le peintre compose et déconstruit des images en décloisonnant les références historiques et culturelles, sans établir de hiérarchie de valeurs. Admirateur des grandes figures de l’histoire de l’art, il s’inspire aussi de la bande dessinée, des publicités, de l’actualité... Plus de soixante œuvres proviennent du Musée d’Art de la ville de Reykjavik, en Islande.

Dès 1982, l’artiste a participé à la campagne des Murs peints impulsée par Jack Lang, Ministre de la culture. C’est à Angoulême dans un quartier populaire que le peintre a réuni sur une fresque murale les supers héros de la bande dessinée.

Un art ancré dans le réel

Cette rétrospective a permis à Erró (né en 1932), - nom d’artiste de Guðmundur Guðmundsson - de revenir à Angoulême. Il s’est rendu au Mur peint qui est devenu un marqueur d’un quartier suburbain. La ville d’Angoulême a depuis accueilli une trentaine de murs peints.

Le parcours immersif fait découvrir la variété de ses sources (imprimés, affiches…) et renouvelle le regard sur les collections du Musée d’Angoulême – majestueux bâtiment qui occupe l’ancien Evêché, au chevet de la Cathédrale Saint-Pierre.

Dans le hall d’accueil – grande salle voûtée médiévale en rez-de-jardin -, L’Ecole de New-Par-Yorkis (1959) de la série Le Monde de l’art évoque les débuts du peintre islandais. Il s’oppose à la scène artistique dominante et raille la Nouvelle Ecole de Paris, les courants de l’abstraction.

Installé à Paris depuis 1958, il a été proche du mouvement surréaliste. Sa peinture est souvent reliée à la Figuration narrative même si le peintre ne se revendique d’aucune école artistique. Il incorpore parmi des motifs empruntés à d’illustres grands maîtres des images découpées et recomposées. Collectionneur compulsif d’archives visuelles, il se considère comme un chroniqueur qui puise dans une banque d’images pour en faire une synthèse. Erró qui continue à peindre a toujours privilégié un art ancré dans le réel et en prise avec la société.

Après l’étonnante section sur la Préhistoire, Figure sainte (1955) – une œuvre sur papier en trompe-l’œil - est présentée parmi des vestiges antiques. Ce dessin qui a l’apparence d’une mosaïque préfigure sa technique constituée d’éléments juxtaposés les uns aux autres. Cette création est plutôt inattendue et il faut un regard avisé pour s’apercevoir qu’il s’agit d’une œuvre du peintre islandais. Après ses études, Erró a suivi une formation de mosaïste à la prestigieuse Ecole de Ravenne en Italie. Il a voyagé sur de nombreux sites archéologiques dans lesquels il a croqué des motifs.

Libre et inventif

En 1963, il séjourne à New York et est captivé par le flux d’images. Ce séjour renouvelle sa pratique. Dans ses peintures-collages, il introduit des personnages de comics américains. Il reste attaché au graphique de la bande dessinée qui a beaucoup nourri son art, dans ses œuvres récentes il fait référence au manga.

Son ton est libre et inventif. Il entremêle les citations artistiques à des images de la culture populaire. Il se moque des tendances et apporte un effet loupe sur des événements historiques notamment du XXe siècle. Fasciné par la conquête spatiale, il associe des cosmonautes surhabillés à des Nus d’Ingres pour dénoncer le puritanisme.

Un dispositif pour les enfants est au cœur d’une salle où sont réunies des toiles au format impressionnant de sa série Histoire de l’art. Ce sont des hommages à Léger, Matisse, El Greco… Par un jeu d’images qui semblent en mouvement, Erró contextualise l’artiste et ses influences. Il propose jusqu’à une dizaine de citations visuelles pour un même artiste.

Les enfants peuvent s’installer, crayonner et s’amuser à reconnaître les grands maîtres de la peinture ou copier le double portrait de Marie-Antoinette et d’Henri IV (1965). Il joue sur les décalages, les mélanges de genres et les références historiques.

Le Musée d’Art d’Angoulême dispose d’une des plus importantes collections d’arts d’Afrique et d’Océanie, La Bougie (1985) de la série Les Mauresques - portrait d’une Algérienne de l’époque coloniale – occupe un emplacement idéal parmi les broderies, les bijoux et des céramiques.

A la section des Beaux-Arts, les œuvres relevant de l’art contemporain sont intégrées aux tableaux et sculptures des salons d’apparat, dans la continuité de l’approche audacieuse du peintre.

Fatma Alilate

Exposition Erró : L’histoire de l’art revisitée

Musée d’Art d’Angoulême

Commissariat : Danielle Kvaran, Curatrice du fonds Erró, Musée d’Art de la ville de Reykjavik (Islande), en coordination avec Emilie Salaberry-Duhoux, Directrice du Musée d’Art d’Angoulême

Jusqu’au 8 décembre 2024


Exposition "L'histoire de l'art revisitée" - Erró, Musée d’Art d’Angoulême © Fatma Alilate ; Œuvres - Erró ©ADAGP, Paris 2024 

Dernière modification le mercredi, 20 novembre 2024