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Zoé Barbé est une lycéenne qui s’est présentée dans nos locaux du Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI) il y a peu. Avec une frustration sur l’éducation telle qu’elle lui était proposée aujourd’hui, mais aussi un rêve magnifique de tout changer. Après une discussion intense, elle nous a fait parvenir une longue lettre afin de mieux « expliquer son rêve ».

C’est cette lettre que nous avons transmise à The Conversation France pour la publier en deux parties. Afin de montrer que rien n’est impossible.

Publié par François Taddei, directeur du CRI sur The Conversation France.

La lettre de Zoé

La lettre de Zoé

Depuis l’âge de 13 ans, l’école a perdu tout sens à mes yeux. Je l’ai toujours vue comme une boîte sombre. Une boîte dans laquelle vous devez rentrer, peu importe les conséquences, même si vous devez renoncer à tout ce que vous aimez.

Une boîte qui ne permet pas la créativité, la diversité, la liberté, l’exploration et, le plus important, le questionnement. Il n’y a rien de plus frustrant que d’avoir un enseignant vous regarder dans les yeux et dire : « Arrêtez de poser des questions, nous n’avons pas de temps pour ça » ou « Arrêtez de poser des questions, c’est agaçant ».

Quel est le but de l’école si elle ne nous permet pas d’explorer, d’exprimer notre créativité et d’élargir notre esprit et notre cœur ?

Je suis en train de mourir intellectuellement à l’école. Ce qui peut sembler assez ironique quand vous voyez mes moyennes et mes premiers résultats au Bac de Français (20/20 à l’écrit et 18/20 à l’oral) et de Sciences (20/20). Pour ce système, mes notes montrent mon « intelligence ». Mais ces chiffres sont tout simplement une façon de montrer ma capacité à ingurgiter des chapitres entiers de cours et de le recopier sur une copie.

Cela ne signifie pas que ce cours m’ait appris quelque chose. Cela signifie simplement que je suis capable d’agir comme un perroquet sans poser de questions.


Rêver, peindre, découvrir de nouvelles cultures

Je veux explorer, écrire, jouer de la musique, danser, voyager, débattre, apprendre sur tout, construire, rêver, peindre, aider les autres, découvrir de nouvelles cultures et bien plus encore !

Si l’école m’a appris quelque chose, ce serait ceci : il n’y a rien de plus important que les notes et le travail. Elle m’a appris que pour réussir, vous devez sacrifier quelque chose et vous enfouir sous le travail.

Eh bien voici les résultats : travailler est devenu une drogue qui m’a intoxiquée, comme la cigarette ou l’alcool. J’en suis venue à penser que passer une heure avec des amis était une perte de temps puisque des choses utiles pour mon avenir (c’est-à-dire travailler) m’attendaient.

Je me sentais coupable de lire quelque chose qui « n’améliorait pas ma culture générale » (au sens scolaire), comme la science-fiction. J’ai renoncé aux sports, aux arts, à la musique parce que je n’avais tout simplement pas assez de temps. Ce qui, selon mes professeurs, était un bon choix : ça n’aurait pas été utile de toute manière.

L’école m’a appris que nous ne sommes que des adolescents qui devraient se taire et écouter parce que nous ne savons rien. Les enseignants ont toujours raison et qui sommes nous pour les contredire ou même oser penser différemment ?

Qui sommes-nous pour nous asseoir quand ils ne nous ont pas dit de le faire ? Qui sommes-nous pour prétendre que l’école n’est pas le seul endroit où l’on peut apprendre ?


Changer le monde

Nous sommes ceux qui vont changer le monde si vous ne nous tuez avant. Nous sommes des rêveurs, des voyageurs et les bâtisseurs de l’avenir.

Je vais consacrer ma vie à changer l’éducation, peu importe les obstacles. Cet objectif ne pourra être atteint qu’à l’aide d’un magnifique réseau de rêveurs déterminés et prêts à être les artisans du changement. Et rien ne me rendrait plus heureuse que de partager ce rêve avec des personnes ayant la même mentalité.

Pour ce faire, permettez-moi de reprendre la conversation que nous avons eue au CRI ainsi que les solutions (existantes ou non) qui en ont découlé. Cela vous permettra de vous donner une idée des projets dans lesquels vous voudrez peut-être prendre part ou nous aider à développer.

Il y en a cinq :

  • un sondage à échelle internationale posant des questions pour mieux connaître les impressions et opinions des systèmes éducatifs à l’étranger ;

  • un lycée d’été, pour apprendre autrement pendant les vacances ;

  • des MOOCs pour lycéens, enseignants des matières que l’on découvre normalement à un niveau universitaire ;

  • un moteur de recherche, où la qualité d’articles primera sur la quantité, grâce à un système de recommandations et de labels ;

  • des diplômes blancs, où les étudiants peuvent choisir leurs cours pour explorer les sujets et relever des défis qui ont du sens pour eux et pour les autres, comme les objectifs du développent durable définis par les Nations Unies .

 

Tout d’abord, qu’est-ce un sondage sur les écoles de l’échelle mondiale ? Une des idées émanant de notre discussion est de créer un sondage mondial questionnant les étudiants du monde entier sur leur façon d’apprendre, que ce soit à l’intérieur ou l’extérieur des classes.

Nous savons que la plupart des jeunes Français (95 % d’entre eux, selon un sondage Opinion Way) veulent changer l’école. Les raisons de cette situation sont si diverses qu’il est difficile de voir s’il existe une tendance générale ou des réponses partagées par un grand nombre d’élèves.

Ainsi, la création d’un sondage semble être un bon début. Il nous permettra de trier les réponses et voir si elles confirment notre point de vue et avis sur notre système scolaire. Il permettra également de créer une base de données sur laquelle nous pouvons nous appuyer et nous rapporter lors de la création de projets, pour voir si nous marchons sur la bonne voie ou si nous devons remodeler complètement nos actions.


Diversité des stratégies éducatives

Nous avons parlé de la France, mais qu’en est-il des autres pays ? Nous ne sommes pas seuls au monde. Il y a une telle diversité de stratégies éducatives qu’il est difficile de toutes les connaître. Nous sommes sûrs d’avoir de belles surprises auxquelles nous ne nous attendions pas.

En effet, nous voulons créer une connaissance globale et prendre conscience des problèmes, des solutions et des défis posés par l’éducation dans le monde. Élargir notre compréhension des sociétés afin de créer les meilleures solutions est clé, n’est-ce pas ? Nous avons tant de questions et si peu de réponses.

Si créer un changement dans l’éducation est notre but, nous ne pouvons pas construire notre nouveau modèle basé sur notre expérience unique avec seulement un ou deux systèmes.

Nous avons besoin de rassembler une multitude de voix différentes, d’entendre les diverses revendications et besoins. Nous devons comprendre les cultures, les langues, les approches et la façon dont la connaissance est considérée et transmise.

Et quelle meilleure façon d’atteindre cet objectif que de chercher l’aide d’adolescents et les jeunes ? Nous ne savons pas combien de questions le sondage contiendra, mais nous avons déjà une idée de son contenu. Nous avons l’intention de partir des idées les plus simples aux plus compliquées. Le début, par exemple, pourrait être des questions basiques comme : Où vivent-ils ? Quel âge ont-ils ? Quel genre de passe-temps ont-ils ?

Au fil du sondage, les questions demanderont plus de réflexion et de recul. Elles pourraient être axées sur des idées moins spécifiques : comment est l’école ? Les élèves apprécient-ils ou détestent-ils aller à l’école ? Pourquoi ? Qu’apprennent-ils ? Quels sont les points forts et faibles de cette éducation ? Ont-ils d’autres sources de connaissances en dehors de l’école ?

À la fin de ce sondage, nous aurons de nombreuses voies à explorer et nous accorderons également aux personnes participant à ce sondage une occasion de s’exprimer et d’être entendues par une communauté globale.


Des écoles d’été pour les lycéens

Une autre question est centrale : il existe des cours universitaires et d’écoles supérieures en été. Mais qu’en est-il des lycées ?

Étant une lycéenne, les seules écoles d’été disponibles sont soit à un niveau universitaire soit très chères. Peu d’entre nous serons en mesure de fréquenter ce genre d’écoles. Il ne faut pas non plus oublier que la plupart des jeunes ne peuvent pas obtenir d’emploi saisonnier pendant l’été, ce qui signifie que nous passons presque deux mois à ne rien faire (pour la plupart).

Vous pouvez être sûr que de très nombreux adolescents aimeraient rendre leurs vacances d’été plus précieuses que de prendre une simple grande pause dans l’année. Grâce à mes parents, j’ai pu participer à un camp d’été universitaire de deux semaines cette année, et ce fut une des meilleures expériences de ma vie !

J’ai suivi des cours qui ne sont pas disponibles pour les lycéens comme anthropologie et archéologie, sciences politiques et relations internationales, ainsi qu’un séminaire sur les enjeux internationaux.

J’ai non seulement rencontré de nombreuses personnes inspirantes, mais j’ai aussi pu étudier des sujets qui m’intéressaient. L’anthropologie était tellement fascinante que j’ai décidé de l’étudier à nouveau une fois à l’université.

Par conséquent, pourquoi n’offrons-nous pas aux étudiants la possibilité d’apprendre en dehors de leur zone de confort ? Pourquoi ne pas leur donner la possibilité d’explorer des sujets académiques à des fins scolaires et/ou personnelles ?

Pourquoi ne pas leur donner l’occasion d’en apprendre plus sur eux-mêmes et la diversité des sujets que nous pouvons étudier ? Plus important encore, pourquoi ne pas leur donner la possibilité de tenir la clé de leur avenir ?


Amusons-nous !

De ce fait, nous ne voulons pas que les élèves aient une expérience « normale » du lycée. Nous ne voulons pas que cette école d’été soit une réplique exacte du système que nous voulons changer. Au lieu d’être assis sur une chaise toute la journée à écouter des leçons interminables, amusons-nous !

Les étudiants pourront assister à de nouveaux cours tels que la psychologie, la géopolitique, la sociologie, la communication, l’astronomie, le codage, la criminologie, l’architecture, la santé, le journalisme, le droit et beaucoup plus.

Là encore, nous ne voulons pas qu’ils apprennent d’une manière traditionnelle. Ainsi, pourquoi ne pas mettre la connaissance au service de la résolution de problèmes ? Au lieu d’apprendre les solutions d’hier sans expliquer leur contexte, nous allons engager les élèves à résoudre les problèmes d’aujourd’hui à leur manière. Ils pourraient, par exemple, choisir un défi à aborder et à résoudre.

Ces défis pourraient être locaux (les lumières de rues ne fonctionnent pas), nationaux (la marginalisation des banlieues) ou internationaux (pollution de l’air en Chine).

Ils auront alors plusieurs options de cours qu’ils pourront suivre pour proposer une solution à ces défis. Nous pouvons également leur permettre de concevoir leur propre défi, après l’approbation des responsables du camp. Le choix leur appartient.

À suivre…

Publié par François Taddei, directeur du CRI sur The Conversation France.

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Dernière modification le samedi, 21 janvier 2017
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