L’accroissement exponentiel de la paperasse, des injonctions, des pressions, le constat incontesté du formatage des cadres contraints à l’obéissance et à la pensée unique, ont fait des dégâts considérables que l’alternance politique est encore bien loin d’avoir épongé et réformé. Les comportements excessifs et déplorables, favorisés par l’exigence de la continuité à la rentrée 2012 (programmes, aide personnalisée, évaluations, etc) se sont même parfois accrus, comme si l’encadrement se réjouissait du maintien « républicain » des politiques antérieures malgré l’annonce d’une refondation qui tarde malheureusement à s’attaquer aux fondations.
Quelques observateurs avertis, dit-il, dont lui, dis-je, demandent une refondation de l’encadrement pédagogique de l’école pour assurer une chance de réussite à la refondation réelle de l’école.
Comme il a raison ! Puisse-t-il être entendu !
En accord globalement avec lui, j’insisterai sur trois points :
1. suspendre dans les meilleurs délais, le dogme du pilotage par les résultats, emprunté au monde de la finance et de l’industrie, et engager une réflexion concertée avec l’encadrement, les enseignants, et même les partenaires de l’école dans la perspective des projets éducatifs, globaux, territoriaux, sur l’évaluation positive des actions éducatives et notamment pédagogiques. La pseudo analyse des résultats des élèves sur la base d’évaluations qui n’en sont pas, avec sa feuille de route et ses faux conseils (généralement des critiques déguisées), liée au déni systématique de la pédagogie, a déjà fait trop de dégâts, notamment en termes de souffrance des enseignants.
2. comprendre plutôt que juger. Ce qui nécessite de véritables entretiens permettant de conscientiser et d’objectiver les raisons des choix, les racines des convictions de chacun, les représentations du métier. Souligner les richesses plutôt que les insuffisances, qu’il faut être bien vaniteux pour oser les asséner alors que l’on serait la plupart du temps incapable de corriger soi-même si l’on était encore acteur. « Apprendre, c’est accueillir le nouveau dans le déjà là » Hélène Trocmé-Fabre.
3. accompagner les personnes et les équipes plutôt qu’inspecter. Rétablir la relation de confiance qui a été largement détruite, parfois à l’insu du plein gré des responsables. J’ai souvent été étonné de voir à quel point des collègues progressistes avaient pu s’enticher de pratiques technocratiques déshumanisées. « La relation d’aide vise à établir un équilibre de co-partenariat (50/50). Osons le mot participance pour exprimer la dynamique, la mise en mouvement, le processus en jeu » (H T-F citée supra). C’est à l’opposé d’un rapport de domination.
Tout le travail de refondation reste à faire. Sera-t-il fait ?
Voir le grain de sel à propos du livre de Hélène Trocmé Fabre et le grain de sel sur la pyramide Ed Nat
Pierre Frackowiak
Crédit photo : Jacques Risso