Il a immédiatement réagi à cette surprenante annonce présidentielle :
« Notre premier devoir, c’est de stimuler l’esprit d’entreprise dans notre pays. C’est d’abord le rôle de l’école », a déclaré lundi 29 avril François Hollande. Et le président propose, « de la sixième à la terminale », un programme sur l’entrepreneuriat. On n’en sait guère plus sur le contenu de ce “programme” d’enseignement aujourd’hui et cela rend difficile les réactions et les analyses à chaud sur ces déclarations. Mais le passé récent et quelques principes nous permettent, au minimum, d’alerter sur les dérives possibles et de montrer en quoi cette annonce est potentiellement dangereuse ».
Soulignons d’abord que cette question n’a, à ma connaissance, jamais été abordée lors de la concertation nationale. Elle n’avait pas été non plus prise en compte dans les travaux des groupes d’experts préparant la campagne des présidentielles, que j’ai pu fréquenter ou dont j’ai été informé.
Je sais bien que dans la vie politique et politicienne, on cède facilement à l’opportunisme et l’on s’adapte aux circonstances. Mais s’agissant des finalités du système éducatif, puisqu’il s’agit bien de cela, on pourrait pour le moins éviter de faire des annonces qui n’ont pas fait l’objet de la moindre concertation, sauf peut-être en l’occurrence avec les chefs d’entreprise. L’erreur est d’autant plus regrettable que nous sommes, paraît-il, en pleine refondation de l’école, sans en avoir, il est vrai, redéfini les finalités et les programmes. La continuité « républicaine » a même été imposée avec zèle par les hiérarchies intermédiaires, alors même que tous les pédagogues considèrent que les bases des politiques précédentes sont totalement contradictoires avec la volonté de refondation.
On prétend refonder sans s’attaquer aux fondements, sans redéfinir des finalités tenant compte des besoins de la société et sans suspendre les politiques nocives en cours… Et on impose une finalité nouvelle, proche des attentes de l’ultra libéralisme avec l’exacerbation de la compétition, de l’individualisme… Les valeurs démocratiques, la fraternité, la solidarité, l’économie solidaire et sociale, la citoyenneté, etc peuvent attendre. L’esprit d’entreprise lui ne peut attendre…
Immanquablement, surgit, la notion de « cours », d’heure, de classe, bientôt de prof d’esprit d’entreprise, alors que l’on sait que, comme pour la morale, l’esprit d’entreprise, s’il s’avère qu’il s’agit d’une compétence indispensable, ne se construit pas en cours. Il se construit ou se déconstruit selon que l’école fasse ou non, et très tôt, la place à une évaluation positive, à la confiance en soi, à l’expression/communication des élèves qui ne sont plus des sujets passifs et résignés mais des acteurs de leurs apprentissages, à l’imagination, à la compréhension du monde, à la curiosité, à l’envie d’apprendre.
Plaquer une heure de cours sur des pratiques et des organisations usées (une heure/une classe/une discipline/un prof/un programme cloisonné du simple qui n’existe pas au complexe qui est réel) n’apportera rien à la société.
Avec ce type d’initiatives malheureuses comme avec le maintien imposé des politiques éducatives précédentes, la refondation est bien mal partie.
Il faut donc toujours débattre et se battre.
Pierre Frackowiak